Sommaire N°5

Juin 2003

Brigitte POUSSEUR

Avant-propos

L’Europe à vingt-cinq

Daniel VERNET

La réunification du Vieux Continent

Etienne DAVIGNON

L’Europe : ses acquis, ses défis

Alain LAMASSOURE

Comment bâtir une identité européenne ?

Noëlle LENOIR

Pour comprendre la nouvelle Europe

Danuta HUBNER

Les retrouvailles de la Pologne et de l’Europe

Eneko LANDABURU

Les conditions du renouveau sont réunies

Jean-Dominique GIULIANI

L’unité à vingt-cinq

Christian de BOISSIEU

L’impact économique de l’élargissement

Evelyne PICHENOT

Des opportunités sous conditions pour l’Europe sociale

Gérard MOREAU

Le déclin démographique et l’immigration

Michel de GUILLENCHMIDT

Réflexions sur le droit communautaire de la concurrence

Patrick de FRÉMINET

Plaidoyer pour une approche fiscale réaliste

Bernard COLOOS

Un risque de concurrence déloyale pour le Bâtiment ?

Jacques-Henri GARBAN

Des craintes pour l’avenir du transport routier français

Isabelle BOURGEOIS, René LASSERRE

La vision allemande des valeurs européennes

Aydemir BALKAN

Turquie : la fin de l’hypocrisie

Alberto MANGUEL

Au commencement était le mythe

Jean-Arnold de CLERMONT

Construire une Europe laïque

André GLUCKSMANN

Le grand débat

Mécénat et fondations des partenariats d’intérêt mutuel

Jacques RIGAUD

A quoi sert le mécénat ?

Francis CHARHON

Développer les fondations, une chance pour notre pays

Jacques OUDIN

Revaloriser l’idéal démocratique grâce aux fondations

Marc ABÉLÈS

La nouvelle philanthropie dans la Silicon Valley

Jean-Louis FROT , François ASSELIN

Association Hermione-La Fayette - Faire renaître une ville grâce à un vaisseau

Alain DUPONT

Fondation Colas - Associer la route et l’art

Edouard de ROYÈRE

Fondation du Patrimoine - Défendre notre histoire

Elisabeth DELORME

Fondation Gaz de France - Préserver l’environnement

© DR

Noëlle LENOIR

est ministre déléguée aux Affaires européennes.

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Pour comprendre la nouvelle Europe

A la différence des précédents élargissements, celui de mai 2004 concerne des Etats qui ont dû remodeler complètement leurs structures économiques. L’effort de l’Europe des Quinze a également été particulièrement important. Pour la ministre française des Affaires européennes, c’est l’occasion de retrouver le sens politique du projet européen. Sans pour autant oublier le poids de l’histoire.

Les chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont retrouvés à Athènes, le 16 avril, pour la signature du traité d’adhésion de dix nouveaux pays à l’Union européenne. Retransmise sur les télévisions du monde entier, cette « photo de famille » déjà familière aurait pourtant semblé pour beaucoup inimaginable il y a encore peu d’années.

Cet événement, pour les pays d’Europe centrale et orientale qui vont nous rejoindre, marque une étape majeure de la longue route de la transition politique et économique sur laquelle ils se sont engagés après la chute du communisme, voici plus de dix ans.

Premier bilan

Le moment est ainsi venu de dresser un premier bilan de ce grand projet qui, depuis la chute du mur de Berlin en 1989, a déjà changé profondément le visage de l’Europe et fait de notre continent un espace plus ouvert et plus sûr. Car, soyons-en pleinement conscients, cet élargissement ne ressemble à aucun de ceux qui l’ont précédé.

Certes, par le passé, des pays comme l’Irlande, la Grèce, l’Espagne ou le Portugal ont dû eux aussi, à l’instar de nos futurs partenaires, moderniser à marche forcée leur économie en s’intégrant à ce qui s’appelait alors la Communauté économique européenne. Mais jamais jusqu’ici aucun candidat n’avait ainsi eu à remodeler de fond en comble ses structures économiques, sur les ruines laissées par la faillite du système collectiviste. Jamais  l’engagement financier et  humain de l’Europe – à savoir 3 milliards d’euros d’aides par an et des milliers de « conseillers de préadhésion » en provenance de tous les pays de l’Union – n’avait atteint un tel niveau en termes de soutien et surtout de présence sur place.

Certes, lors des quatre précédents élargissements (1973, 1981, 1986 et 1995), les nouveaux pays membres avaient-ils dû, eux aussi, reprendre l’acquis des législations et des politiques européennes déjà en vigueur. Mais nos dix nouveaux partenaires ont à consentir des efforts, ô combien démultipliés. Car ces pays entrent dans une maison bien plus vaste que celle de leurs prédécesseurs, une maison dans laquelle des pièces ont été ajoutées : l’euro, la coopération des polices et des justices, la protection de l’environnement, l’amorce d’une diplomatie commune et d’une défense européenne…

Enfin, et surtout, jamais auparavant l’Europe n’avait défini aussi clairement les exigences de respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme, qui sont désormais la condition préalable au démarrage de toute négociation d’adhésion. Ces critères ont été arrêtés en 1993 à Copenhague sur proposition de la Commission et la France les avait à l’époque fermement soutenus. C’est en suivant cette « feuille de route », que les anciens pays de l’Est sont parvenus à se reconstruire, en adhérant à notre communauté de valeurs fondée sur la démocratie, en consolidant leur Etat de droit, en mettant sur pied un système entièrement nouveau de cours de justice et de tribunaux qui ne soient plus, comme jadis, un simple alibi du régime.

Toutefois, malgré l’ampleur de ces transformations, le poids de l’histoire se fait encore sentir, et nous ne devons jamais l’oublier si nous voulons éviter les malentendus. Depuis des mois que je sillonne ces pays, j’ai ainsi acquis la certitude que, pour réellement comprendre cet élargissement et ses conséquences sur la France à l’intérieur de la nouvelle et grande Europe, il faut nous défaire de plusieurs idées reçues.

Se défaire des idées reçues

La première, c’est l’illusion romantique qu’il suffit que ces pays renouent avec leur passé d’avant le communisme pour se sentir totalement chez eux dans la grande maison européenne. Cette sensation, si forte lorsqu’on se trouve à Prague, à Budapest, à Cracovie ou à Ljubljana, est en partie trompeuse. On ne peut en effet faire l’impasse sur la marque de l’expérience douloureuse par laquelle ces pays sont passés depuis la Seconde Guerre mondiale. Cinq décennies de domination soviétique, suivies d’un peu plus d’une décennie de transition démocratique, pacifique et courageuse pour atteindre l’objectif d’intégration dans l’Europe, telle est l’histoire que les générations actuelles portent en elles. Les blessures mettront du temps à cicatriser. Prenant la suite de leurs grands intellectuels militant pour la liberté et devenus des chefs politiques – tels les anciens présidents tchèque et hongrois, Vaclav Havel et Arpad Göncz – la nouvelle génération de leurs dirigeants commence à engager l’indispensable travail de mémoire.

La seconde idée toute faite, liée à l’actualité internationale, serait de penser que ces pays sont déchirés entre l’Europe et leur attachement aux Etats-Unis. Certes, pour ces peuples d’Europe centrale et orientale, les Etats-Unis sont depuis longtemps une terre d’accueil. Des millions de Polonais, de Slovaques, de Hongrois, de Tchèques, de Baltes, etc., y ont fait souche. Et nos futurs partenaires, reconnaissants aux Etats-Unis de leur rôle dans la libération du joug communiste, voient dans la relation transatlantique un lien structurant pour eux. Quelle que soit la nature affective de ce lien, ces pays savent parfaitement que leur avenir est l’Europe. Ils savent, comme nous, que la vraie question est celle de la place de l’Europe dans l’équilibre du monde.

Forte, l’Europe l’est de longue date sur le plan économique et commercial. Avec un quart de la richesse mondiale, elle concurrence sur ce plan la puissance des Etats-Unis. Et ce qui était vrai à quinze le sera davantage encore à vingt-cinq. Mais la véritable refondation de l’Europe, c’est celle d’une puissance politique. La Communauté s’est affirmée hier par des politiques aussi diverses que la politique agricole commune, la politique régionale, la politique commerciale, la monnaie unique ou encore la politique de l’environnement. Les trois grands chantiers de demain pour l’Union sont la justice, la politique étrangère et la défense.

L’Europe a toujours été un projet global, mais l’élargissement nous donne l’occasion de retrouver le sens politique de ce projet. Il faut s’en réjouir. Car il est indispensable de faire cet examen de conscience européen si l’on veut continuer à aller de l’avant. Il était temps en effet de s’interroger sur les valeurs communes de la société européenne, sur son modèle social, de même que sur une gouvernance politique de l’Europe de nature à concilier le respect des identités nationales avec les éléments de fédéralisme qu’induisent les politiques et les législations communes. Ma conviction est que la nouvelle et grande Europe ne se renforcera pas selon une logique de blocs – pays du Nord contre pays du Sud, pays de l’Ouest contre pays de l’Est – mais progressera sur la base de majorités d’idées, le cas échéant variables selon les sujets.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-6/pour-comprendre-la-nouvelle-europe.html?item_id=2479
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