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est sénateur de la Vendée et président de l’Association pour la promotion des fondations politiques.
Revaloriser l’idéal démocratique grâce aux fondations
Le choc du 21 avril 2002 a
démontré avec force que l’implication de tous les citoyens
dans des actions d’intérêt général est
plus que jamais nécessaire dans notre société, afin
de renforcer les liens de sociabilité et de solidarité.
Cet engagement peut se traduire aussi bien en temps consacré bénévolement
à la vie associative qu’en don financier ou en nature des
particuliers ou des entreprises. Sans se substituer à l’action
publique, l’action de la société civile est en effet
indispensable aux côtés des politiques publiques.
Dès son discours du 8 avril
2002 prononcé au Palais-Royal, le président de la République
a rappelé que la libération des énergies en France
passait notamment par « la libération de l’initiative
(…) et l’encouragement ainsi que l’implication dans notre
vie culturelle de tous les acteurs de la société civile :
particuliers, associations, fondations, entreprises ». Le Premier
ministre a confirmé son attachement à cet objectif dans
son discours de politique générale du 3 juillet 2002.
Un fort retard français
Il est vrai que la faiblesse de l’engagement citoyen
et solidaire des Français est un mal propre à notre pays,
faisant que, paradoxalement, la France, terre des droits de l’homme
et de la démocratie est parmi l’ensemble des pays occidentaux
l’un de ceux qui valorisent le moins ces idéaux auprès
de ses citoyens comme auprès des populations accédant à
la démocratie (Europe de l’Est, Afrique noire, Afghanistan,
Irak, etc.).
Ainsi, en France, le mécénat
ne représente que 0,1 % du PIB contre 2 % aux Etats-Unis. Au regard
du nombre
de fondations, la France fait encore figure de parent pauvre avec ses
quelque
473 fondations reconnues d’utilité publique1.
Tous les grands pays occidentaux comptent des fondations et grands centres
de recherche : 12 000 fondations politiques parmi les 50 000 répertoriées
aux Etats-Unis, 8 800 dont 300 charities trusts en Grande-Bretagne, 2000
fondations à vocation politique et citoyenne en Allemagne.
En termes de dépenses rapportées
au PNB, le secteur des fondations en France représente dix fois
moins que son équivalent en Allemagne2.
Encore faut-il noter que les fondations
françaises sont essentiellement de droit commun. La France, à
côté des instituts et autres clubs de réflexion (constitués
au mieux sous la forme associative) ne compte en effet que quatre fondations
à objet politique : la fondation Robert Schuman, la fondation Jean
Jaurès, l’institut Charles de Gaulle, la fondation François
Mitterrand3.
La faiblesse du secteur des fondations en France constitue
une limite naturelle pour une coopération concrète entre
acteurs de la société civile alors que ceux-ci, dans d’autres
pays, peuvent s’appuyer sur des fondations prospères et dynamiques.
La comparaison avec l’Allemagne se révèle à
ce niveau riche d’enseignements.
Pays à fort déficit démocratique
avant 1945, l’Allemagne fait figure de pionnier dans le domaine des
fondations politiques. Celles-ci représentent en effet l’ensemble
des courants politiques, ce qui permet aux forces politiques allemandes
de soutenir leurs homologues étrangers, quelles que soient les
configurations locales. Elles complètent en cela l’action
diplomatique et renforcent l’influence globale de l’Allemagne
dans les pays concernés. Elles participent aussi activement à
l’enracinement de l’esprit démocratique au sein de la
nation allemande.
Créer des fondations politiques
La France ne saurait ignorer les attentes d’une
large frange de la société civile et ainsi rester à
l’écart d’un vaste mouvement qui dépasse nos frontières.
La création de fondations politiques, qui représentent
ou pourront représenter des mouvements de pensée et des
idéologies profondément ancrées dans notre société,
peuvent être ces lieux de rencontre, de dialogue et d’expertise
ouverts à la société civile dont notre démocratie
a besoin pour se renouveler et s’enraciner davantage dans notre nation.
Des millions de Français pourraient être
incités à donner et à participer à des œuvres
d’intérêt général à travers des
fondations. Leur action pourrait utilement compléter celle de l’Etat
et des collectivités locales, enrichir les relations entre citoyens
et favoriser la décentralisation. Au-delà des actions citoyennes,
d’autres secteurs pourraient profiter du développement des
fondations : la recherche scientifique, la santé publique, l’éducation,
la culture, l’écologie, etc.
La proposition de loi que j’ai déposée
en 1996 au Sénat à la suite du rapport au Premier ministre
sur « Les fondations démocratiques à vocation politique
en France » avait pour principal objet de répondre à
cette attente d’une large part de nos concitoyens en favorisant la
création de fondations politiques en France.
S’appuyant sur le régime juridique actuel
des fondations déclarées d’utilité publique,
ces nouvelles entités se seraient distinguées des fondations
classiques par le fait que leur reconnaissance serait conditionnée
par le soutien apporté par une force ou un parti politique. Ce
soutien ne préjugerait en aucune façon le respect par ces
nouvelles fondations du cadre juridique sur la transparence et le financement
des partis et des élections, ce qui imposerait une séparation
claire des sphères d’activité entre les fondations
et les partis. Le contrôle de cette séparation aurait été
assuré par la Commission nationale des comptes de campagne.
Une fois ces conditions respectées, les fondations
politiques auraient été éligibles à une aide
publique qui est indispensable à un double titre : d’une part,
pour établir une certaine égalité entre fondations
et, d’autre part, pour assurer un minimum de moyens d’action
dans le domaine international.
Le plan de relance du mécénat et des fondations,
présenté par le Premier ministre le 17 décembre 2002
et qui est soumis à l’examen du Parlement, assure pleinement
cet effort en faveur de la création et du développement
des fondations quelles qu’elles soient.
En effet, ce plan prévoit, d’une part, le
développement du mécénat des particuliers et des
entreprises par un renforcement des incitations fiscales et, d’autre
part, un allègement de la fiscalité des fondations.
La modernisation des conditions de création et
de financement des fondations était sans aucun doute nécessaire.
S’il n’apporte pas toutes les réponses de fond concernant
le développement de l’engagement citoyen au travers de fondations
démocratiques à vocation politique, ce projet de loi sur
le mécénat et les fondations constitue indiscutablement
un premier pas vers une redynamisation du tissu sociétal français.
- Source : EDCE 1996 - A part deux créations législatives, la Fondation du patrimoine (L. 2 juillet 1996) et la Fondation pour les études comparatives (2001), le Journal officiel, de 1997 à aujourd’hui, comptabilise 38 décrets portant reconnaissance d’une fondation
comme établissement d’utilité publique.
- Voir « Foundations in Europe », Bertelsmann Stiftung, 2001 (Introduction, tableau 1.3).
- Les deux dernières doivent être classées à part, étant consacrées à la mémoire et à l’œuvre de ces anciens présidents.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-6/revaloriser-l-ideal-democratique-grace-aux-fondations.html?item_id=2476
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