est directeur général à l’élargissement à la Commission européenne.
Les conditions du renouveau sont réunies
Le rapport de Wim Kok1
à la Commission européenne cherche à apporter des
réponses aux principales questions que se posent les citoyens sur
les divers aspects de l’élargissement.
Le 9 avril dernier à Strasbourg,
le Parlement européen a approuvé le résultat des
négociations avec les dix pays par une large majorité de
membres, comprise entre 489 et 522 sur 626. Le traité d’adhésion
a été signé officiellement le 16 avril, à
Athènes, au pied de l’Acropole. D’après ce traité,
dix nouveaux Etats pourront adhérer à l’Union le 1er
mai 2004. Le traité spécifie les termes, conditions et arrangements
provisoires pour les nouveaux Etats membres, tout en effectuant les modifications
nécessaires aux règles de fonctionnement des traités
existants.
A cette occasion, le président
de la Commission, Romano Prodi, a appelé les parlements des Etats
membres et des pays candidats à ratifier ce traité, tout
en indiquant les chantiers futurs : réforme des institutions, meilleure
coordination des politiques économiques, modernisation des infrastructures,
mobilisation du potentiel humain et technologique, progrès vers
un espace de sécurité intérieure et judiciaire commun,
développement d’une politique extérieure visant à
définir avec les autres pays du monde les règles d’une
mondialisation maîtrisée au bénéfice de tous
les peuples.
Pour nourrir le débat devant
conduire à la ratification du traité d’élargissement,
la Commission avait confié à Wim Kok, ancien Premier ministre
néerlandais, la tâche de rédiger un rapport sur les
implications de l’élargissement. Ce rapport, présenté
le 26 mars, permet de cerner les principaux résultats et défis
du processus de l’élargissement en cherchant à donner
des réponses aux questions principales que se posent les citoyens
à son propos, et en suggérant une stratégie afin
que l’élargissement soit un succès. Ses grandes lignes,
qui n’impliquent pas la Commission, amènent à réfléchir
sur les actions à entreprendre pour mener à bien l’élargissement.
Projet ambitieux
L’élargissement, écrit Wim Kok, constitue
le projet le plus ambitieux que l’Union européenne ait jamais
entrepris, en réunifiant des nations européennes divisées
depuis 1945 dans un cadre constitutionnel commun de paix et de stabilité.
Il positionne l’Union à l’échelle d’un continent.
Pour les nations d’Europe centrale et orientale,
longtemps victimes du rideau de fer et de la guerre froide, l’Europe
représente plus qu’un symbole : leur choix irréversible
d’une démocratie pluraliste et d’une économie
de marché les a encouragées à se réformer
radicalement. La perspective de ce point d’ancrage stable a conditionné
le retour à une certaine prospérité économique,
grâce à l’élargissement du marché et à
la transparence du cadre économique et juridique assurée
par l’adoption des règles communautaires.
Déjà, les nouveaux Etats membres atteignent
des taux de croissance nettement plus élevés que ceux de
l’Union l’essentiel de leur commerce extérieur se fait
avec l’Union et croît à des taux à deux chiffres.
L’augmentation rapide du volume des échanges commerciaux offre
des opportunités nouvelles aux sociétés en termes
d’investissements, de marchés et de croissance. A terme, cela
pourrait permettre une réduction de l’écart social
et économique, une hausse des revenus et une baisse de la tendance
à l’émigration.
Une impulsion
L’élargissement a toutefois lieu à
un moment où l’Union doit affronter des turbulences économiques
importantes. Dans leur stratégie de Lisbonne, ses dirigeants s’étaient
donné pour objectif d’engendrer l’économie basée
sur la croissance la plus dynamique au monde. Les réformes structurelles
indispensables pour assurer une croissance stable sur le long terme doivent
encore suivre. Certains pays adhérents sont parvenus à entreprendre
des changements plus rapidement que d’autres membres plus anciens.
L’arrivée de nouveaux Etats offre aussi à l’Union
l’occasion de réformer sa politique économique et sociale.
L’élargissement ne constitue
pas une menace mais une impulsion vers le renouveau.
« Je pense, écrit Wim Kok, que la réalisation de la
prochaine extension de l’Union européenne va nous permettre
d’aborder les défis d’une manière décisive.
Ces problèmes ne trouvent pas leur origine dans
l’élargissement de l’Union européenne, mais ce
nouvel élargissement nous donne l’opportunité de les
affronter enfin. En effet, l’élargissement pourrait jouer
un rôle de catalyseur dans le cadre de la résolution de certaines
questions restées en suspens en Europe.
Les nouveaux partenaires ont encore, selon moi, beaucoup
à faire dans le cadre de la phase préparatoire à
l’adhésion. Mais je pense qu’ils ont également
bien des choses à nous apprendre de leur expérience récente
en matière de réformes sociales, économiques et politiques.
»
Certains se demandent quels seraient le coût et
les conséquences si l’Union européenne ne poursuivait
pas son plan d’élargissement. Outre que le processus est trop
avancé pour revenir en arrière et que l’on anéantirait
les efforts et investissements réalisés dans la phase de
préadhésion, un retard dans le processus ou son abandon
en raison de la non-ratification par l’un ou l’autre membre
constituerait un échec politique retentissant pour l’Europe.
Le non-élargissement aurait pour conséquence
de réduire à néant les efforts de réforme
des pays candidats, de décourager les investissements étrangers,
de réduire la croissance économique et d’entraîner
une certaine instabilité politique il aurait des répercussions
sur l’Union, l’empêcherait de tirer des bénéfices
économiques et la rendrait moins apte à combattre les problèmes
liés au crime organisé, à l’immigration clandestine
et au terrorisme.
Données générales
sur l'Union européenne
et les futurs Etats membres
|
|
Superficie
|
Population |
Produit intérieur brut
|
Km²
|
en millions d'hab
|
en milliards d'euros
|
en milliards de SPA
|
par tête en euros
|
par tête en SPA
|
Chypre |
9 251
|
0,762
|
10,2
|
12,5
|
15 100
|
18 500
|
Rép. Tchèque |
78 866
|
10,2
|
63,3
|
136,2
|
6 200
|
13 300
|
Estonie |
45 227
|
1,4
|
6,2
|
13,4
|
4 500
|
9 800
|
Hongrie |
93 030
|
10,2
|
58
|
120,6
|
5 700
|
11 900
|
Lettonie |
64 589
|
2,4
|
8,5
|
18,2
|
3 600
|
7 700
|
Lituanie |
65 300
|
3,5
|
13,4
|
30,5
|
3 800
|
8 700
|
Malte |
316
|
0,394
|
4
|
-
|
10 300
|
-
|
Pologne |
312 685
|
38,6
|
196,7
|
355,9
|
5 100
|
9 200
|
Slovaquie |
49 035
|
5,4
|
22,8
|
59,5
|
4 200
|
11 100
|
Slovénie |
20 273
|
2
|
20,9
|
31,8
|
10 500
|
16 000
|
UE à quinze |
3 237 900
|
376,4
|
8 828,9
|
8 828,9
|
23 200
|
23 200
|
Remarques : le produit intérieur
brut (2001) est exprimé en euros et en SPA (standard de pouvoir
d’achat).
Source : Commission européenne. |
Dépenses budgétaires de l’Union
européenne affectées à l’élargissement
Dépenses de préadhésion
(en millions d’euros aux prix 2000)
|
|
1990 - 1999
|
2000 - 2003
|
PHARE (renforcement des institutions
démocratiques et de l’administration publique) |
6 767,16
|
6 240
|
ISPA (infrastructures environnementales
et de transport) |
-
|
4 160
|
SAPARD (agriculture et développement
en zone rurale) |
-
|
2 800
|
Total |
6 767,16
|
13 200
|
Moyenne annuelle |
676,72
|
3 300
|
Total en % du
PNB de l’UE en 1999 |
0,08
|
0,16
|
Moyenne annuelle en % du PNB de l’UE
en 1999 |
0,008
|
0,04
|
Remarques : dépenses au
cours des années 1990-1999 sur la base des paiements effectifs,
pour les années ultérieures à 1999, sur la base
des engagements pris. Dix pays d’Europe centrale et orientale
(dont la Bulgarie et la Roumanie) sans Chypre, Malte et la Turquie
qui bénéficient de fonds de préadhésion
séparés.
Source : Commission européenne. |
Cinq recommandations
Wim Kok suggère une stratégie en cinq points
pour gérer le changement :
1. Agir ensemble en Europe
L’arrivée de nouveaux membres, avec leur riche héritage
culturel, va accroître la diversité de l’Union européenne.
Ses institutions devraient continuer à respecter les langues nationales
et à encourager l’apprentissage de langues étrangères.
Par ailleurs, il devrait y avoir la volonté politique
d’améliorer le processus de décision, en introduisant
des réformes qui incluent l’extension du vote à la
majorité qualifiée, le renforcement de la « méthode
communautaire » et le respect de l’équilibre institutionnel.
2. Stimuler l’économie
Les politiques nationales et européennes, pour renforcer la priorité
donnée à la croissance et à la convergence économiques,
devraient s’accompagner de mesures innovantes et de nouvelles réformes
pour renforcer la capacité de concurrence et la création
d’emplois sur le marché élargi. Un afflux déstabilisant
de main d’œuvre des pays adhérents n’est pas à
craindre.
Toutefois, un modèle social et économique
de l’Union européenne devrait être élaboré,
combinant les meilleurs éléments qu’offrent les membres
actuels et futurs, avec l’objectif de faciliter l’adaptation
à de nouveaux emplois. Le terrain devrait être préparé
pour prendre, immédiatement après l’élargissement,
les décisions nécessaires à propos du cadre budgétaire
futur de l’Union à vingt-cinq et mettre en place les politiques
indispensables.
En particulier, en ce qui concerne la politique agricole
commune, nous devrions nous efforcer de mettre l’accent sur la qualité
et le développement économique rural. En ce qui concerne
les dépenses structurelles, des mesures devraient être adaptées
aux besoins et aux priorités des nouveaux membres ainsi qu’à
l’intégration régionale en Europe centrale et orientale,
notamment en matière d’environnement et d’infrastructure,
de même que dans le domaine des ressources humaines et dans celui
de l’éducation.
3. Rendre l’Europe plus sûre pour ses citoyens
Nous devrions faire hardiment progresser la coopération en matière
de justice et d’affaires internes, afin de proposer un meilleur cadre
de vie et un niveau de sécurité accru, en particulier dans
les domaines de la lutte contre le crime international, de la régulation
des flux d’immigrants et demandeurs d’asile des pays tiers,
de la protection de l’environnement et des consommateurs, en appliquant
effectivement des normes strictes de sécurité, notamment
dans les domaines alimentaire et nucléaire.
4. Développer un partenariat avec nos voisins en Europe
Comme les frontières de l’Union européenne se déplacent,
il convient d’adopter une politique de voisinage visant à
assurer prospérité et stabilité tout autour de nous
grâce à de nouvelles formes de partenariat avec les pays
non-membres. Pour certains d’entre eux, la perspective d’entrer
dans l’Union peut se révéler une motivation puissante
pour entreprendre des réformes répondant aux critères
politiques et économiques et en matière d’acquis
le processus d’élargissement devrait se poursuivre avec la
Bulgarie et la Roumanie ainsi qu’avec la Turquie.
5. Conférer à l’Europe une place de choix
dans les affaires mondiales
Sur le plan extérieur, l’Union européenne n’a
joué aucun rôle dans la crise irakienne. Le fait d’ajouter
dix pays représentant 75 millions de citoyens à l’ensemble
des quinze pays, qui en comptait déjà 375 millions, va renforcer
sa capacité à influer sur le cours des événements
mondiaux et à affronter le défi de la globalisation. Mais
comme les récents événements l’ont démontré,
l’Union ne pourra jouer de son influence sur l’échiquier
mondial que dans la mesure où elle sera capable d’adopter
une politique claire et qu’elle parlera d’une seule voix. La
Convention sur l’avenir de l’Europe devrait permettre d’améliorer
la représentation extérieure de l’Union européenne.
Bibliographie
- The Long-Term Implicatios of EU Enlargement : The Nature of the New Border, Amato, G.and Batt J., Florence, 1999
- Compte rendu : réunifier l’Europe, Arnaud, J-L, Notre Europe, Groupement d’études et de recherches, Athènes, 1998
- The political Dimension of Eu Enlargement : Looking Towards Post-Accession, Dehaene, J-L, and Krok-Pzkowska, A., Florence, 2001
- Revue d’élargissement, special taux de change, Gianella, C. et Vicard, V., Dossier n°29, S.1, Janvier 2003
- Pour l’Europe réunie, plaidoyer pour l’élargissement, Giuliani, J-D, Fondation Robert Schuman, Paris, 2002
- Compte rendu : Voix d’Europe, Jouen, M., Summary of the Seminar, Groupement d’études et de recherches, Notre Europe, Lausanne, 2002
- Argumentaire économique et commercial sur l’élargissement de l’Union européenne, L’élargissement de l’Europe : quelques conséquences pour la France, Jouen, M., Paris, 2002, ministère des Finances françaises, Paris, Janvier 2003
- The Lisbon Scorecard III : the Satuts of Economie Reforme in the Enlarging EU, Murray, A., CER, London, 2003
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-6/les-conditions-du-renouveau-sont-reunies.html?item_id=2483
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