est secrétaire d’Etat chargée des Affaires européennes auprès du ministre des Affaires étrangères de Pologne.
Les retrouvailles de la Pologne et de l’Europe
Le traité d’accession
entre la Pologne et les Etats membres de l’Union européenne
a été signé à Athènes. D’une certaine
manière, cette signature est perçue comme l’issue d’une
phase particulièrement positive du développement de la Pologne.
Les années 1989-2003 constituent
une période de l’histoire sans nuages : au cours de celle-ci,
la Pologne a franchi avec succès les phases de transition politique
et économique, puis a accédé à l’OCDE
et à l’Otan. Elle est actuellement en passe de rejoindre l’Union
européenne. Mais l’histoire est un continuum ; la diviser
en périodes est quelque peu artificiel. Le traité a été
signé, mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui compte
maintenant, c’est de savoir si la Pologne sera un membre puissant
et imaginatif de l’Union, si elle fera preuve de coordination et
d’efficacité ou si, au contraire, elle sera identifiée
au chaos et à la faiblesse.
Mais, évidemment, la première
question à poser est : la Pologne va-t-elle vraiment rejoindre
l’Union ? Signer le traité d’accession est une chose,
rejoindre l’Union en est une autre ; les Norvégiens l’ont
montré à deux reprises. Qu’en est-il donc de notre
référendum1 ?
La participation en question
La période 1989-2003 présente, entre autres
intérêts, le fait que l’intégration européenne
a constitué une priorité pour tous les gouvernements, indépendamment
de leur couleur politique. La majorité a toujours été
nette au Parlement. Elle a même parfois été écrasante,
par exemple lorsque le professeur Geremek a présidé le Comité
législatif européen, au moment où des changements
importants ont été apportés à la législation
polonaise.
Les sondages d’opinion nous suggèrent également
que la majorité des électeurs polonais se sont toujours
prononcés en faveur de l’accession de leur pays à l’Union.
Et les milieux d’affaires polonais ont également été
très positifs.
Donc, devrions-nous vraiment nous soucier du fait que
le référendum obligatoire pourrait être négatif
? Le défi devant lequel nous sommes placés maintenant consiste
à amener les gens à voter, pas à obtenir une majorité
en faveur d’une adhésion. Pour que le référendum
soit valide, au moins 50 % des électeurs doivent voter. L’accession
a duré si longtemps que nombreux sont ceux qui se sont lassés
du processus dans son ensemble. Mais j’ai bon espoir que la signature
du traité s’accompagne d’un regain d’intérêt
et d’un certain enthousiasme, notamment auprès des jeunes,
pour lesquels notre accession est pleine de promesses.
Réussir l’accession
Naturellement, il y a une grande différence entre
être un Etat membre de l’Union et réussir cette participation.
Il existe des politiques qui, à mon sens, sont cruciales pour que
la Pologne soit amenée à jouer tout son rôle dans
l’avenir de l’Union. Dans la majorité des cas, ce sont
des politiques nationales et, si nous échouons, nous ne pourrons
nous en prendre qu’à nous-mêmes.
La Pologne a été traitée avec beaucoup
d’égards par l’Union pour ce qui concerne notre participation
aux institutions européennes. Au Conseil, la Pologne a vingt-sept
voix, comme l’Espagne, et seulement deux voix de moins que l’Allemagne
dont la population est deux fois plus nombreuse que la nôtre. Depuis
que la décision a été prise à Nice, j’ai
remarqué que les Etats membres actuels nous considéraient
comme des alliés potentiels plutôt que comme des envahisseurs.
Avec ce niveau de représentation, l’Union nous a offert un
tremplin pour développer une position influente en son sein.
Lorsque nous observons l’expérience des quinze
Etats membres, il semble y avoir une forte corrélation entre la
qualité de la fonction publique et la coordination de la politique
européenne, d’une part, et la puissance et l’influence
que le pays a dans l’Union, d’autre part. Nous avons eu la chance
d’analyser et d’évaluer les systèmes des différents
Etats membres et nous avons bénéficié d’une
aide importante de la part d’un grand nombre d’entre eux. Nous
avons travaillé dur pour établir un bon système de
coordination avant l’accession et nous mettrons à profit la
période d’« observation active » au Conseil pour
améliorer ce système. Le Conseil des ministres de Pologne
a déjà approuvé le système qui sera utilisé
au cours des premiers mois de notre préaccession, jusqu’à
l’accession elle-même, en mai 2004.
Au-delà du système de coordination, il
nous reste à faire en sorte que notre administration soit en mesure
de mettre en œuvre les acquis de l’ensemble de la Communauté
et qu’elle garantisse une utilisation satisfaisante des instruments
structurels et de la politique agricole de l’Union. La Commission
veille actuellement avec attention à ce point et des progrès
réels sont en cours.
Il va de soi que notre accession conduira à une
fuite de quelques-uns de nos meilleurs fonctionnaires vers les institutions
de l’Union et les corps associés. Il existe un risque patent
d’affaiblissement de l’administration à Varsovie, mais
personnellement je ne considère pas ce risque comme trop élevé
sauf, peut-être, au cours d’une courte période de transition.
Investissements dans la formation
Aujourd’hui, l’investissement que nous avons
effectué dans le domaine des études universitaires sur les
affaires européennes est payant. Dès avant 1989, les universités
polonaises proposaient des cours sur l’intégration européenne.
Après cette date, ces cours ont fait un bond partout, grâce
à l’aide conjointe du gouvernement polonais et de la Commission
européenne.
Le campus de Varsovie du Collège de l’Europe
a également été implanté dans les années
quatre-vingt-dix. De nombreux jeunes Polonais, aussi bien que des étudiants
provenant des autres nouveaux Etats membres et des quinze membres de l’Union
européenne, y ont étudié depuis. Nous comptons donc
tout un flot de jeunes diplômés enthousiastes, dont certains
feront carrière dans le service public.
Enjeux économiques
Nous savons tous que les objectifs économiques
essentiels de la Pologne doivent être la croissance économique
et la création d’emplois. Le premier est un passage obligé,
la Pologne étant relativement pauvre dans le contexte de l’Union
européenne et nous devons accélérer notre croissance
pour rattraper les autres pays membres. La création d’emplois
est vitale parce que nous connaissons un chômage élevé,
notamment parmi les jeunes.
La Pologne était une véritable locomotive
de croissance dans les années quatre-vingt-dix. Après la
fin de la « récession de transition », la croissance
s’est établie à plus de 5 % par an, de 1993 à
2000, et la productivité a doublé. Jusqu’à la
fin de cette période, la politique monétaire a réagi
violemment contre une inflation croissante et le chômage a augmenté
tandis que la croissance économique dégringolait. A l’heure
actuelle, avec une inflation négligeable et des taux d’intérêt
qui ont nettement baissé, les conditions sont favorables pour une
reprise de la croissance. Toutefois, comme le gouvernement l’a rappelé,
la croissance ne sera pas durable sans une réforme économique,
en particulier, une réforme de la politique fiscale et une réforme
du marché du travail.
Une réforme, notamment dans le domaine fiscal,
est indispensable si nous devons utiliser à bon escient les transferts
structurels de l’Union. Ces transferts ne doivent pas être
affectés pour renflouer notre investissement privé puisque
la croissance renaît.
Néanmoins, ces transferts de fonds structurels
nous permettront de développer nos infrastructures beaucoup plus
rapidement. Ce qui permettra de stimuler la croissance de notre économie
et de rendre notre activité plus concurrentielle.
Les changements affecteront les zones urbaines et l’industrie
manufacturière, mais également l’agriculture et les
campagnes. Même si nous ne sommes pas tout à fait enthousiasmés
par l’offre de l’Union pour la politique agricole commune, nos
agriculteurs représentent une partie de la population chez laquelle
les gains provenant de l’accession sont les plus évidents.
Mais au fur et à mesure de la restructuration de l’agriculture,
le développement rural deviendra une composante vitale du développement
national. J’espère qu’avec l’aide permanente de
l’Union, nous pourrons faire de réels progrès dans
ce domaine. Pour les Polonais, la campagne est un élément
essentiel de la société et de la tradition, et il n’est
pas surprenant que l’agriculture et le développement rural
aient joué une part si importante dans les négociations.
La Pologne et les Polonais ont fait preuve d’une
réactivité considérable face à la réforme
rapide et continue au cours des années quatre-vingt-dix, non seulement
dans la transition économique, mais aussi pour s’adapter aux
acquis de la Communauté. Il leur faudra plus de patience pour supporter
les réformes à venir et des preuves manifestes de progrès
seront vitales pour soutenir leurs efforts.
Réformer l’Union aussi
En Pologne, nous avons pris très au sérieux
l’agenda de Lisbonne, beaucoup plus en fait que certains membres
éminents de l’Union. Nous avons besoin d’une réforme
chez nous mais aussi dans l’Union européenne. C’est là
que se trouvent nos marchés et une grande partie des financements
que nous espérons investir en Pologne dans le secteur privé.
Nous représentons une faible partie de l’économie
européenne et, à l’heure actuelle, nous ne pouvons
pas influer sensiblement sur le développement économique
de nos voisins. Mais pour notre croissance et notre rattrapage dans ce
domaine, nous comptons partiellement sur leurs performances économiques.
Nous sommes intéressés par une réforme de la politique
économique nationale dans les autres Etats membres. L’agenda
de Lisbonne fournit les moyens de stimuler la réforme économique
dans l’Union.
Nous jouons également un rôle actif et positif
dans la Convention sur l’avenir de l’Europe, où je siège
comme représentant du gouvernement polonais. Pour un nouvel Etat
membre, c’est fascinant et, d’une certaine manière, c’est
une expérience intimidante. Nous avons tous le handicap d’un
manque total d’expérience des institutions, mais nous avons
peut-être également le privilège d’avoir une
vision extérieure.
La Pologne nourrit l’ambition de jouer un rôle
toujours accru dans l’Union. La réforme des institutions,
le processus de prise de décision et les problèmes liés
aux responsabilités de l’Union sont donc fondamentaux pour
nous comme pour tous les Etats membres actuels.
- Le référendum s’est déroulé en Pologne
le 8 juin 2003, quand ce numéro de Constructif était sous
presse. Danuta Hübner a donc rédigé ce texte alors que
ses résultats n’étaient pas connus. Certains extraits
de ce texte ont été prononcés à l’Université
de Louvain (Belgique), en avril 2003.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-6/les-retrouvailles-de-la-pologne-et-de-l-europe.html?item_id=2481
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