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est vice-président du conseil général de la Charente-Maritime, ancien maire de Rochefort et membre du conseil d'administration de l'Association Hermione-La Fayette.
Association Hermione-La Fayette - Faire renaître une ville grâce à un vaisseau
Grâce à une association
née en 1994 et à l’aide des collectivités locales,
de l’Union européenne et de nombreuses entreprises privées,
la frégate de La Fayette est en train de revoir le jour à
Rochefort et devient, avec la Corderie royale, un élément
clé de la renaissance de la ville.
Rochefort est une ville particulière
que l’on a coutume d’appeler Ville nouvelle du XVIIe siècle.
Créée à l’initiative de Colbert en 1666, elle
se construisit rapidement comme l’arsenal maritime dont elle était
la justification. Louis XIV ambitionnait d’installer en ce lieu le
plus bel arsenal au monde ! En 1670, la ville, alors bâtie en bois,
comptait 10 000 habitants et l’arsenal avait déjà livré
ses premiers bateaux. Durant deux cent soixante ans, elle va vivre de
la construction navale. Cinq cent cinquante vaisseaux, frégates,
flutes puis torpilleurs, croiseurs, cuirassés, sous-marins y seront
fabriqués et mis à l’eau.
Même si Rochefort se trouve
à vingt-deux kilomètres de l’océan par la Charente,
et à onze kilomètres à vol d’oiseau, tout dans
son urbanisme et son atmosphère en fait une ville maritime. Aujourd’hui,
les cargos remontent toujours la Charente vers le port de commerce, les
plaisanciers fréquentent nombreux les bassins de plaisance, Zodiac
construit en bord de Charente ses célèbres bateaux.
C’est en 1927 que se situe
le point de rupture de l’histoire de Rochefort : après des
années d’agonie, la guerre de 1914-1918 ayant permis un sursis,
Paris décide alors de fermer l’arsenal, qui compta jusqu’à
7 000 ouvriers. Drame économique et social que renforceront la
crise des années trente, puis la guerre et, pour en ajouter encore,
les destructions opérées par les troupes d’occupation
avant leur départ en septembre 1944.
Patrimoine à sauver
Les années qui suivirent furent difficiles, tout
juste illuminées par le tournage des Demoiselles de Rochefort,
qui révéla un urbanisme intéressant. Toutefois, les
plus beaux éléments constituant son patrimoine disparaissaient
toujours sous les ronces. Que faire ? Agir pour reconquérir et
animer les reconquêtes. C’est ce qui se fit de 1975 à
1990 et même au-delà. La Corderie royale, la plus grande
usine de l’Ancien Régime, l’ancienne artillerie navale,
le premier hôpital de la Marine, les poudrières, les magasins
généraux, le pont transbordeur, pour ne citer que l’essentiel,
retrouvent alors leur âme et une fonction.
Rochefort reçoit le titre de Ville d’art
et d’histoire en 1987, est honorée du Grand Prix du patrimoine
en 1993 et devient une référence dans le domaine de la reconquête
urbaine. Toutefois, reste un point faible et de taille : la ville ne possède
aucun patrimoine flottant. Rochefort est un arsenal reconquis mais n’a
pas de bateau ! Il faut construire un navire. Lequel ? Où ? A la
première question, il est répondu tout de suite l’Hermione
que La Fayette rendit célèbre en 1780 en partant à
son bord apporter l’appui de la France à Wahington dans sa
volonté de rendre irréversible la création des Etats-Unis.
A la seconde question, il apparut très rapidement que la forme
de radoub Louis XV, restée envasée pendant près de
cinquante ans (les suites de la guerre), remise au jour en 1993, pourrait
accueillir le chantier. Elle est en outre classée monument historique,
son état est excellent, bateau-porte excepté car il avait
été plastiqué en 1944, et elle se situe à
quelques mètres du lieu même où fut réalisée
l’Hermione en 1779.
Le concours des collectivités locales
Très vite, une association se crée, esquisse
un projet, obtient les premiers concours des collectivités locales
(ville, conseil général, conseil régional), lance
les études préalables qui doivent s’appuyer sur des
recherches historiques sérieuses. Nous sommes alors en 1994. Le
lancement d’un appel d’offres devient une évidence et,
contre toute attente, l’entreprise Asselin de Thouars, qui n’a
jamais construit de bateau, est déclarée adjudicataire à
l’unanimité. Ses compétences avérées,
la qualité de l’équipe présentée, le
sérieux du dossier de propositions ont instauré la confiance.
Le 6 décembre 1996, le marché de la première tranche
est signé au Salon nautique de Paris par Bénédict
Donnelly, président de l’Association Hermione-La Fayette et
François Asselin, le jeune PDG d’Asselin SA.
Dès le début de 1997, les premières
pièces sont élaborées à Thouars, puis à
Rochefort et, le 4 juillet 1997, la quille de la frégate était
mise en place dans la forme de radoub. Le chantier était programmé
sur dix ans. Nous sommes dans la sixième année, et la frégate
est progressivement apparue aux visiteurs dans un contexte inhabituel
de chantier évolutif. Le cap du millionième visiteur a été
franchi en juillet 2002, 253 000 entrées étant comptabilisées
sur l’année dernière.
Travailler dans le temps
Le coût global de la construction de la réplique
de l’Hermione sera de l’ordre de 12 à 14 millions
d’euros. Ce montant est comparable à celui de la restauration
de la Corderie royale, ce qui impliquait pour ces deux grandes opérations
d’introduire la notion de temps, donc d’étalement des
dépenses. Onze années avaient été nécessaires
pour achever le chantier de la Corderie, soit un délai comparable
à ce que sera, sans doute, celui de l’Hermione.
Les trois collectivités de base (ville, département,
région) ont soutenu le projet depuis l’origine, leur contribution
représentant en moyenne 40 % du montant annuel du budget global
de l’association. Il convient de préciser que la Communauté
européenne s’était associée aux trois premières
années de la construction de la frégate et que la ville
de Rochefort gérait et finançait indépendamment l’installation
du chantier.
Le produit des visites constitue une recette de même
niveau que les subventions publiques. Mais il faut y ajouter les produits
de la boutique Hermione aménagée à l’entrée
de l’arsenal, ceux des produits dérivés ainsi que ceux
générés par les 4 000 membres de l’association
grâce à leur cotisation annuelle. Il est, par ailleurs, incontestable
que de fortes retombées économiques bénéficient
à Rochefort et son agglomération, l’ensemble Corderie-Hermione
étant, dans ce domaine du tourisme lié au patrimoine, le
site le plus fréquenté de la région Poitou-Charentes.
Sponsoring public et privé
Enfin, le sponsoring s’est mis en place quasiment
dès le démarrage du chantier. Il est d’origine publique
pour partie, privée pour l’essentiel. C’est ainsi que
la communauté d’agglomérations de La Rochelle et celle
de Thouars ont voté des contributions. Quant au secteur privé,
l’association a défini quelques règles simples permettant
à chaque entreprise de participer selon ses capacités. La
répartition est la suivante :
- deux sponsors majeurs (fondation Crédit agricole et Fédération
française du Bâtiment) sur des périodes de quatre
ans ;
-
douze sponsors Cercle Hermione qui contribuent à hauteur
de 3 050 euros par an sur trois ans ;
- sept sponsors Gabier de l’Hermione à hauteur de 915
euros par an ;
- dix-sept sponsors Matelot de l’Hermione à hauteur de
305 euros par an.
Dans chaque cas, nous accompagnons la démarche
de l’entreprise en fonction de ses souhaits, un chargé de
mission de l’association assurant le contact permanent avec le sponsor,
alors que le nom de chaque entreprise est apposé dans l’espace
accueil du public.
Nous commençons à préparer le grand
moment que sera la mise à l’eau de l’Hermione.
Etape par étape, le chantier évolue vers cette échéance
; l’objectif est de voir la frégate refaire le voyage de La
Fayette jusqu’à Boston avant son retour à Rochefort,
où l’arsenal lui réservera une place et une fonction
de choix.
La « leçon de choses »
du chantier
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« A la fin de 1996, le défi historique et technique
fut entrepris avec enthousiasme. Quelques tonnes de bronze
et des milliers de mètres cubes de chêne plus
tard, le chantier a attiré plus d’un million de
visiteurs. Les chiffres témoignent de l’engouement
du public pour ce genre d’aventure.
Ainsi, en pénétrant dans la forme de radoub,
fabuleux écrin pour l’Hermione, le visiteur
ne s’y trompe pas. Il voit du chêne, l’odeur
tannique l’envahit, il voit la forge, image rougeoyante
captivante, il assiste au travail patient et précis
des charpentiers de plus en plus petits face au bâtiment
qu’ils érigent.
Le chantier de l’Hermione est
une leçon de choses. Une expérience bien réelle
dans un monde ou le virtuel nous grignote.
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Ce chantier est le meilleur vecteur de recrutement pour nos
métiers de la charpente et de la menuiserie. C’est
aussi la démonstration que dans notre pays demeurent
des savoir-faire et des entreprises capables d’assurer,
avec des compétences dites traditionnelles, des constructions
complexes et audacieuses. Une vitrine fabuleuse pour nos métiers
et une source d’inspiration pour les maîtres d’ouvrage...
Vous l’avez compris, après avoir
transporté La Fayette et les espoirs de victoire vers
ce qui n’était pas encore les Etats-Unis, l’Hermione
incarne aujourd’hui la passion de construire. »
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http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-6/association-hermione-la-fayette-faire-renaitre-une-ville-grace-a-un-vaisseau.html?item_id=2480
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