est conseiller-maître et rapporteur général à la Cour des comptes.
Les missions de la Cour des comptes
Dans le code des juridictions
financières, le contrôle du « bon emploi des crédits,
fonds et valeurs » gérés par les différentes
personnes morales soumises à son contrôle, constitue l’une
des principales missions de la Cour des comptes.
Cette mission se distingue nettement
du jugement des comptes des comptables publics, du contrôle de l’exécution
des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale,
et, désormais, de la certification des comptes de l’État.
La loi organique relative aux lois de finances qui introduit le concept
de « performance », conduit à réaffirmer la
priorité acquise par ce type de contrôles. La Cour en a tiré
les conséquences en réaffirmant à son tour, dans
son projet stratégique, la nécessité de renforcer
la portée et la qualité de ses propres travaux dans ce domaine.
La place de la performance dans les contrôles
Ses contrôles sur le « bon emploi des fonds
publics » peuvent être menés selon trois axes, distinctement
ou simultanément :
- la régularité, qui contrôle le respect des règles ;
- l’efficience, qui renvoie à l’appréciation de la qualité de la gestion ;
- l’appréciation de l’efficacité qui regarde principalement l’impact au regard des objectifs.
La pondération relative de ces trois axes résulte
des caractéristiques de l’objet contrôlé, appréciées
lors de la programmation, puis au cours de l’enquête. Si les
termes originaux de « bon emploi » ont une signification dont
la familiarité permet d’appréhender globalement le
contenu, la Cour utilise désormais de manière privilégiée
les termes d’examen de la performance. Ce mot, relativement nouveau
dans la sphère publique, a le mérite quant à lui
de désigner des techniques et de renvoyer à un vocabulaire
internationalement reconnu : « audit de la performance ».
La typologie des travaux de la Cour s’inspire effectivement
des principes communs dégagés en la matière dans
le cadre de l’organisation mondiale regroupant les institutions supérieures
de contrôle (INTOSAI : INTernational Organization of Supreme Audit
Institutions) depuis 1992. Les travaux de cette organisation internationale
ont fait ces dernières années apparaître une forte
convergence entre les pratiques des principales institutions membres,
notamment dans les pays scandinaves et anglo-saxons.
L’INTOSAI fait appel à un référentiel
conceptuel déjà éprouvé au plan international
et qui trouve son origine dans le monde de l’entreprise en appelant
à la définition des moyens, des processus, des activités
ou des produits censés avoir des impacts sur la société
et répondant aux objectifs qui étaient assignés à
l’organisme en question. Ce raisonnement trouve à s’appliquer
sans difficulté aux programmes ou aux politiques publiques auxquels
participent individuellement ou concurremment plusieurs administrations.
Par rapport à la définition des «
3E » (économie, efficience, efficacité), rendue célèbre
par les travaux des deux dernières décennies, la typologie
retenue par la Cour considère l’économie comme une
composante de l’efficience. Elle fait surtout une place spécifique
à la régularité. Ceci est la conséquence de
l’existence en France d’un droit spécifique à
la sphère publique dont les juridictions financières sont
un des gardiens vigilants.
Au demeurant, le contrôle de la conformité
des actes de gestion aux lois et règlements est le concept fondateur
de leur intervention. D’où leur statut, qui leur permet d’exercer
leur mission de contrôle en toute indépendance tant du pouvoir
législatif que du pouvoir exécutif, y compris en matière
d’élaboration de leur programme de travail, et ceci, même
si les seules décisions juridictionnelles qu’elles prennent
concernent le comptable public.
Veiller à la régularité des actes de gestion
Mais il est aussi significatif de la montée en
charge de la nécessité de prendre en compte globalement
la performance dans le secteur public que la loi du 21 décembre
2001, précisant les missions des chambres régionales des
comptes, leur ait confié celle d’examiner la gestion des collectivités
locales en fonction de « la régularité des actes
de gestion, [de] l’économie des moyens mis en œuvre et
[de] l’évaluation des résultats atteints par rapport
aux objectifs » (code des juridictions financières, article
L.211-8).
La loi organique relative aux lois de finances du 1er
août 2001 (la « LOLF ») a elle-même introduit
le mot « performance » et a donné, sur ce registre,
un fondement nouveau à l’intervention de la Cour en ce qui
concerne l’État et les politiques publiques. En structurant
le budget de l’État par missions, programmes et actions, en
fonction des politiques publiques, la LOLF oblige les administrations
en charge de leur mise en œuvre à donner au Parlement, outre
des comptes rendus purement financiers, des informations sur leur performance
à deux reprises, en amont de la décision et en aval de l’exécution
budgétaire.
La Cour est à ce titre chargée de déposer
un rapport « relatif aux résultats de l’exécution
de l’exercice antérieur et aux comptes associés, qui,
en particulier, analyse par mission et par programme l’exécution
des crédits ». Elle devra donc examiner annuellement
le déroulement des programmes et périodiquement leurs différents
aspects, au terme d’une analyse approfondie. Tout programme supposant
a priori l’existence d’objectifs, de modalités de mise
en œuvre et d’indicateurs, tous ces éléments devant
être affichés dans les rapports dits de performance, la voie
est ouverte à une rénovation profonde du contrôle
des politiques publiques.
La France se place ainsi dans le courant suivi par d’autres
: l’examen de la performance s’y est au demeurant développé
au fur et à mesure que ces pays instituaient des comptes rendus
budgétaires fondés sur des indicateurs précis, responsabilisaient
leurs gestionnaires publics et orientaient leurs administrations vers
les résultats.
De l’examen de la performance à l’évaluation
Toutes les institutions de contrôle, la Cour tout
autant que les autres, se sont posé la question de l’écart
existant entre l’examen de la performance (ou audit de performance
en vocabulaire INTOSAI) et l’évaluation.
S’il faut continuer à affirmer qu’évaluation
et contrôle sont deux exercices distincts, la définition
ci-dessus de l’examen de la performance montre qu’entre le second
et l’évaluation de politique publique, les zones de recoupement
sont importantes. Une part significative de l’écart est due
à l’ampleur des travaux nécessaires pour effectuer
l’un ou l’autre.
On peut proposer à ce titre un exposé des
principales différences entre les deux démarches. L’examen
de la performance s’applique à une entité identifiable
(personne morale, chapitre ou programme budgétaire) qui peut présenter
des comptes, des activités et des résultats ; l’évaluation
permet d’appréhender des politiques plus vastes ou les actions
mettant en jeu des acteurs multiples. L’examen de performance est
un exercice récurrent qui doit être réalisé
selon une périodicité relativement régulière.
L’évaluation est un exercice discrétionnaire et, a
priori, unique (ce qui n’empêche évidemment pas que
l’on puisse procéder à plusieurs évaluations
successives). L’examen de performance est un exercice pour lequel
il est non seulement possible, mais également souhaitable d’appliquer
des principes et des méthodes homogènes.
L’évaluation se définit de manière
chaque fois spécifique, à partir d’une ou plusieurs
questions qui commandent les investigations. L’examen de performance
est, pour une part importante, tourné vers la régularité,
l’emploi des moyens et l’activité des services, alors
que l’évaluation est essentiellement orientée vers
les évolutions au regard des objectifs fixés et des liens
de causalité entre l’action publique et les phénomènes
observés. Des facteurs exogènes interviennent en effet,
dont l’impact doit être distingué de celui de l’action
publique elle-même. Cela explique que l’évaluation implique
fréquemment le pluralisme des points de vue et, pour une institution
de contrôle, le recours à des compétences extérieures,
en fonction des questions posées.
Pour quelle efficacité ?
La Cour, et les chambres régionales dans leur
domaine, se situent donc résolument dans le champ de l’examen
de la performance. Mais ce faisant, elles contribuent à l’évaluation
des politiques, et la Cour entend malgré tout poursuivre ses incursions
au-delà, directement dans le domaine de l’évaluation.
Il existe en effet des domaines dans lesquels elle veut, en fonction des
enjeux et des sujets concernés, se réserver d’intervenir
tout en prenant des précautions et en recourant à des méthodes
appropriées. Il est en tout cas certain que la mise en œuvre
de la loi organique appelle en matière de politiques publiques
le développement de l’un et de l’autre, c’est-à-dire,
de l’examen de la performance et de l’évaluation. Elle
devrait d’ailleurs permettre d’atténuer deux des principaux
obstacles qu’ils peuvent rencontrer : l’explicitation insuffisante
des objectifs et la fréquente absence d’indicateurs pertinents
des résultats de l’action publique.
Il est bien souvent affirmé – comme un reproche
à son égard – que la Cour est rarement écoutée,
c’est-à-dire suivie. Car nous n’avons aucun pouvoir d’injonction,
sauf sur le comptable public, mais sa responsabilité reste marginale
dans l’ensemble du champ de nos travaux. L’expérience,
de ce point de vue, n’est ni décevante, ni enthousiasmante : ce que nous appelons les « suites » données aux rapports
sont très diverses. Cette diversité est la même que
nous nous penchions sur des politiques publiques ou sur la gestion de
tel ou tel organisme ou service.
Pourtant, l’irruption du vocabulaire de la performance,
l’introduction programmée des méthodes du contrôle
de gestion dans l’administration devraient nous aider à «
objectiver » encore plus les analyses de la performance et donc
à être plus efficaces. Nous pouvons aussi contribuer à
améliorer cette situation, d’une part, en énonçant
plus souvent des recommandations, d’autre part, en renforçant
encore notre crédibilité par un effort permanent de dialogue
et de méthodologie.
La question fondamentale reste cependant celle de l’exercice
de la responsabilité dans le domaine de la gestion publique. On
peut espérer que les nouvelles modalités de contrôle
et d’examen de la performance, aidées par la transparence
exigée directement du décideur et du gestionnaire, seront
l’occasion de rénover un système aujourd’hui ancien
et en partie inadapté, qui, en tout état de cause, ne prend
pas en compte toutes les exigences affichées de la performance.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-5/les-missions-de-la-cour-des-comptes.html?item_id=2552
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