est professeur à l’université Aix Marseille III et directeur du CRRM.
Quelle intelligence économique pour les PME ?
Le titre peut paraître
provocant, mais, l'intelligence économique, l'intelligence compétitive,
les mutations des entreprises, l'accompagnement des changements, la gestion
des connaissances, etc. Elles ont des racines communes ; elles peuvent
être déclinées de manière très différentes.
Nous souhaitons aborder, dans cet article, plusieurs facettes de l'Intelligence
économique, pour présenter au lecteur différents
aspects qu'il pourra, en fonction de son entreprise de ses objectifs et
de sa spécificité, adapter le mieux possible. Cela nous
amène à nous poser une question fondamentale: qu'est-ce
que l'intelligence économique ?
e terme intelligence économique est une
spécificité française. Au niveau international,
on utilise le terme Competitive
Intelligence. Différentes définitions de
l’intelligence économique (IE) ont été
proposées, mais on peut dire que l’IE
est constituée par la maîtrise par l’entreprise des
informations stratégiques pour l’action.
Dans la pratique anglo-saxonne, l’IE est focalisée
vers l’entreprise. En France, c’est un enjeu national.
L’État a fait réaliser un rapport, puis a nommé
un Haut responsable. L’objectif est de favoriser le
développement de l’IE dans les PME, PMI et au
niveau territorial.
Si on est d’accord avec la définition précédente, on
peut préciser les différentes étapes de l’IE :
- les décideurs doivent être directement concernés ;
- ces derniers en fonction du futur 1 de l’entreprise, se posent des questions ;
- pour apporter une réponse à ces questions, on met en place le cycle de l’Intelligence.
On adaptera les étapes en fonction de l’importance
de l’entreprise, de ses objectifs. C’est en ce
sens que l’IE est « modulable ».
On distinguera les informations internes ainsi
que les informations externes. Les informations
sont classées en deux catégories : formelles (bases de données, publications, brevets, normes,
etc.) et informelles (provenant généralement
de réseaux humains, et à valider). Le choix des
sources d’information doit être réalisé avec soin,
selon les questions qui sont posées et les moyens
matériels disponibles. Il existe aussi des sources
mixtes, par exemple l’internet. Ce média est particulier,
car les informations croissent exponentiellement.
Nous vous conseillons d’utiliser les
moteurs de recherche en mode expert, afin de
mieux centrer vos questions, et si les réponses
sont encore trop nombreuses de faire appel à des
logiciels spécialisés.
Informations et outils de traitement
Un des enjeux de l’IE, pour de grandes entreprises
mais aussi pour les PME (en passant par des
relais), est le traitement de masses d’informations.
On distingue :
- des outils linguistiques,
- des outils de management de l’information
(gestionnaires de bases de données, intranet,
extranet, outils de dissémination en « push » :
on pousse l’information via votre e-mail, ou en
« pull » : on doit extraire l’information à partir
d’un « gisement »),
- des outils d’analyse automatique de l’information,
des outils de « datamining » et de « clustérisation
». Citons le logiciel Matheo Patent 2, un
des plus performants et des plus abordables du
marché mondial,
- les outils de travail coopératif, type plate-forme
de création de connaissance.
Trois niveaux d’intelligence
Les opérations de l’IE sont plus ou moins élaborées
suivant la taille de l’entreprise, les enjeux
et les moyens mis en oeuvre. On distingue trois niveaux :
Une société vend des produits sur une grande
zone géographique. Elle doit s’informer sur les
prix pratiqués par les concurrents. Dans ce cas, on
ne met pas en jeu une compréhension quelconque
de l’information, on observe.
Les prix varient, qu’est ce que cela veut dire ? Pour
comprendre, il faut analyser « l’environnement
du prix, du concurrent ». Il faut faire des observations
complémentaires et réfléchir sur le pourquoi
de ces fluctuations.
On doit anticiper. La question qu’on peut se poser
est la suivante : dans six mois, dans un an, quels
seront les prix pratiqués ? Il faut prévoir et faire
appel à d’autres informations, à un travail d’experts
(prix asymptotes), etc.
C’est cette différence de « vision » qui va
déterminer l’acuité de l’IE. Dans chacun
des cas, les sources d’information, le système
de gestion, les experts à consulter sont
différents.
Les premières actions à mettre en place
On va se reporter au Guide des bonnes pratiques
de la veille technologique en PMI et PME (travaux
du programme RÉVEIL de la CE3), et extraire les
dix commandements de base :
- Assurez-vous de la volonté et de la conviction des dirigeants de l’entreprise
- Analysez le niveau des pratiques informationnelles dans l’entreprise
- Analysez les mécanismes de diffusion de l’information dans l’entreprise
- Définissez et formalisez vos besoins en information
- Sensibilisez et impliquez le personnel concerné à la valeur de l’information
- Diversifiez vos sources d’information
- Exploitez systématiquement les sources d’information formelles
- Organisez la collecte de l’information informelle
- Souciez-vous de la protection de vos informations
- Faites appel à des professionnels de l’information.
Lorsque le système fonctionne, il faut, pour passer
à l’action, comprendre les informations en
fonction des enjeux de l’entreprise. Mais, dans
les PME, le décideur est souvent seul 4, il faut
donc conforter sa situation. Avec l’expérience,
on constate que le regroupement de PME est
un gage de confort, un catalyseur et un creuset
d’idées et d’échange.
La création de connaissances partagées
Il faut adhérer à un principe général qui n’est pas
évident pour tout le monde :
- La connaissance n’est pas trouvée
- La connaissance (entre autres pour l’action) doit être créée5.
Rien ne sert d’accumuler de l’information. Même
si un individu lit et utilise celle-ci, il n’aura pas
participé à une création de connaissances partagées.
Il faut donc mettre en place les moyens de
créer cette connaissance.
C’est l’objectif des plates-formes informatiques
(penser à la sécurisation) qui permettent le partage
de l’information, la gestion des personnes,
la publication des discussions, etc. Pour avoir
plus de détails, accédez à Mayeticvillage et télédéchargez
le livre blanc sur le travail coopératif. Une expérience de plus de six années dans
l’enseignement d’une maîtrise à distance ainsi que
des enseignements en Indonésie et au Brésil, nous
ont montré que la clé du succès était la maîtrise
de ces outils pour dynamiser le groupe et pour le
faire travailler efficacement. Enfin, des travaux
menés par des spécialistes révèlent que le travail
d’un groupe d’experts est dynamisé si, avant les
réunions, des documents ciblés sont diffusés puis
commentés par e-mail.
Le rôle du politique
Conforter les PME est un enjeu important. Jusqu’alors, les actions menées étaient fondées principalement sur des aménagements territoriaux et des liaisons internet haut débit. Ajourd’hui, l’IE fait son chemin et les régions doivent se l’approprier. On entre dans un nouveau domaine : l’attractivité. Comment pourra- t-on faire ici ce qui n’est pas possible ailleurs ? Si on regarde l’évolution du monde depuis 30 ans, on constate que les valeurs terre, capital, travail ne sont plus uniques et qu’une nouvelle valeur est venue s’ajouter à celles-ci : la connaissance.
C’est un capital important pour les entreprises et c’est à ce niveau que l’action politique doit être portée. La valorisation des cadres de plus de 50 ans se situe dans ce domaine. Un des enjeux est de faciliter une transition entre activité et retraite. Des travaux : TAEN (Third Age Employment Network) en Grande-Bretagne, et ceux du groupe Veille et Échange, en France 6, montrent que la valorisation de ces cadres passe par l’utilisation de leur capital immatériel pour s’intégrer à des équipes d’IE.
Il n’est pas possible de présenter toutes les problématiques liées à l’IE. Mais, la complexité s’accroît en permanence et il faut essayer de la maîtriser, de la comprendre, pour agir à son avantage. On peut dire que l’IE est un état d’esprit. Elle catalyse les changements de modèles mentaux, le travail en réseau. Pour atteindre cet objectif, une formation de base est nécessaire, elle devrait donner une large place à l’immatériel. Un point important concerne l’éthique : l’IE n’est pas de l’espionnage et bien que la compétition soit féroce, les termes de guerre sont à proscrire. On peut consulter à ce propos « l’espionage act » aux États-Unis 7, ainsi que des travaux 8 publiés dans ce domaine. Enfin, L’IE devrait permettre de répondre aux trois questions suivantes : Où sommes nous ? Où voulons nous aller ? Comment va-t-on y aller ?
Bibliographie
- François Jakobiak, L’intelligence économique en pratique, Dunod, 1998
- Bruno Martinet, Yves-Michel Marti, L’intelligence économique. Comment donner de la valeur concurrentielle à l’information, Les Éditions d’Organisation, 2001
- Regards sur l’IE, le magazine de l’Intelligence Économique, http://www.regards-intelligence-economique.com
- Veille Magazine, http://www.veillemag.com/ Traite de la veille technologique, mais aussi de l’intelligence économique et du “knowledge management”
- Intelligence Online, lettre d’information, parution tous les quinze jours, http://www.IntelligenceOnline.fr
- Adit = Agence Diffusion de l’Information Technologique, http://www.adit.fr, diffuse des nouvelles brèves et des séries de rapports, les rapports d’ambassade (français)
- ISDM (Information Science for Decision Making), revue électronique accessible gratuitement, http://www.isdm.org
- MINEFI (Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie), http://www.minefi.gouv.fr/
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-5/quelle-intelligence-economique-pour-les-pme.html?item_id=2562
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