Simon RUBINSOHN

est chef économiste de la RICS (Royal Institution of Chartered Surveyors).

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Le Royaume-Uni dans l'expectative

L'opinion sur l'immobilier commercial au Royaume-Uni s'est nettement améliorée outre-Manche au cours des douze derniers mois, après que ce marché a connu la plus importante correction à la baisse des prix de son histoire. Mais la reprise est sélective et de nombreux risques perdurent.

Selon l'indice IPD 1, les valeurs vénales ont progressé en moyenne d'environ 15 % depuis leur plus bas niveau enregistré après la crise du crédit. Même ainsi, l'indice All Property demeure encore 35 % au-dessous de son record, atteint en milieu de l'année 2007. La reprise de l'immobilier commercial est loin d'avoir été homogène dans le pays. L'examen des chiffres par secteur montre que l'immobilier commercial a enregistré les gains les plus importants, les biens immobiliers industriels se laissant légèrement distancer, sans grande surprise, par les bureaux. La différence de situation est encore plus affirmée entre l'immobilier de choix et l'immobilier de second ordre, le premier devançant le second à la faveur du changement d'humeur vis-à-vis de l'immobilier. Cette tendance s'est également retrouvée dans ce qui peut s'apparenter à un clivage Nord-Sud, Londres et ses environs affichant la plus forte baisse en termes de rendement.

Un retour des investisseurs étrangers

Le leadership de l'immobilier de qualité n'a rien de surprenant, si l'on considère les principaux acheteurs du secteur au cours des douze à dix-huit derniers mois. Depuis le début de l'année 2000, les investisseurs étrangers ont représenté un peu plus d'un quart des achats. Ce chiffre avait cependant approché les 40 % lors de la récente reprise.

Parallèlement, l'approche plus circonspecte en matière de prêts hypothécaires adoptée par les principales banques continue de freiner les acheteurs de biens immobiliers nationaux. L'enquête sur les conditions de crédit de la Banque d'Angleterre a relevé une légère amélioration de l'accès au financement dans le secteur de l'immobilier commercial, toutefois généralement conditionnée au versement substantiel d'arrhes. Ce qui n'est peut-être pas une mauvaise chose après les bouleversements de ces dernières années, mais rend l'accès au marché très difficile.

Un risque d'essoufflement...

Il est intéressant de noter que la dernière enquête de la RICS sur le marché de l'immobilier commercial semble indiquer que la dynamique qui a soutenu la reprise du secteur pourrait désormais en partie s'essouffler. Cela est plus particulièrement manifeste pour la demande de biens à usage locatif qui, selon le rapport le plus récent, a baissé au deuxième trimestre de l'année 2010 pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2009. Les prévisions de location demeurent également en retrait, bien que dans une moindre mesure que précédemment, alors que les incitations fiscales continuent d'augmenter et que les durées de location diminuent. Ce ne sont toutefois pas les scénarios sur lesquels nous tablons si la hausse du marché commercial doit se poursuivre. Les prévisions sur l'évolution des valeurs vénales ont commencé à se détériorer, et il semblerait également que le niveau de la demande d'investissement dans l'immobilier soit en baisse.

Il n'est pas difficile d'expliquer de façon rationnelle cet apparent revirement de l'état d'esprit. Avec des rendements initiaux approchant les 8 % au milieu de l'année 2009, le secteur de l'immobilier commercial semblait généralement offrir une valeur intéressante, comparé notamment aux revenus des autres actifs. Toutefois, alors que la base d'évaluation est revenue à des niveaux considérés comme plus normaux, l'accent a été mis sur les moteurs fondamentaux de l'immobilier, tels que l'économie, la demande sous-jacente d'espace commercial et, plus important, la probabilité d'une inversion de la dérive baissière des loyers.

... ou une pause ?

Les récents flux d'informations économiques ont été relativement mitigés au Royaume-Uni, mais le PIB du deuxième trimestre a enregistré un gain notable de 1,2 % comparé aux trois premiers mois de l'année. Ce rythme de croissance ne devrait manifestement pas durer ; en effet, on parle beaucoup ces derniers temps de la possibilité d'une récession en W, alors que les réductions de dépenses du gouvernement commencent à faire sentir leurs effets. Néanmoins, les prévisionnistes les plus réputés, tels que la Banque d'Angleterre, considèrent encore que la croissance devrait être proche de cette tendance en 2011. Si cela se confirme, les signes d'un essoufflement de la dynamique de la reprise du marché commercial pourraient s'avérer n'être qu'une simple pause. Mais une récession en W aurait de sérieuses conséquences sur le marché des occupants (dans la mesure où le chômage repart à la hausse) et soulève la question de savoir si les rendements actuels peuvent être maintenus.

À ce stade, le premier scénario nous semble plus plausible que le second, mais même ainsi, le tableau national sera vraiment contrasté. Les régions qui sont généralement plus dépendantes des aides de l'État seront plus exposées que les autres, dans la mesure où le secteur public réduit ses activités. Certains espaces de bureaux actuellement occupés par le gouvernement ou des agences gouvernementales seront de nouveau mis sur le marché, tandis que les économies régionales les moins vigoureuses pourraient provoquer une baisse de la demande pour les immeubles commerciaux et industriels ainsi que pour les hôtels. Londres et le Sud-Est, qui ont tiré la reprise de l'immobilier, devraient confirmer leur surperformance, la relative bonne santé du secteur privé dopant l'économie de la capitale.

L'un des principaux risques pour le marché, même en cas de reprise durable, est la possibilité d'une hausse des taux d'intérêt, car cette hausse accentuerait plutôt la vente forcée de biens immobiliers. Il semble toutefois que la banque centrale devrait pour l'instant laisser sa politique inchangée. Lorsque débutera la phase de resserrement monétaire, sa mise en œuvre se fera de manière mesurée, afin de contrebalancer le durcissement drastique de la politique budgétaire. En outre, l'arrêt de la politique d'assouplissement quantitatif semble repoussé, en raison de l'incertitude quant à la réaction des marchés financiers.

Le refinancement en question

Selon certains, les créances à recouvrer de l'immobilier s'élèveraient à environ 228 milliards de livres sterling, dont environ un cinquième peut être globalement classé dans la catégorie des prêts douteux. En outre, le problème du refinancement se profile, avec une dette d'environ 160 milliards de livres sterling arrivant à échéance dans les cinq prochaines années et près de 20 milliards de livres sterling de titres adossés à des hypothèques commerciales arrivant également à échéance. Il ne serait pas absurde d'en conclure que les banques vont probablement réduire à moyen terme leur exposition à ce secteur, ce qui laisse penser que les conditions auxquelles elles sont prêtes à reconduire ces prêts devraient être moins intéressantes qu'à l'origine.

Cela constituera un autre obstacle que le secteur de l'immobilier devra surmonter et justifie une certaine prudence quant à l'avenir. Néanmoins, dans l'hypothèse d'une poursuite de la croissance économique et d'un contexte inflationniste ne nécessitant pas une hausse marquée des taux d'intérêt, le marché de l'immobilier commercial ne devrait pas retomber de manière significative dans la récession...

  1. Cet indice compile les indices qui suivent l'évolution de la performance du marché de l'immobilier. Il fait référence dans ce domaine.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2010-11/le-royaume-uni-dans-l-expectative.html?item_id=3065
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