Alain BÉCHADE

docteur en droit et chartered surveyor, est président du directoire du Groupe Atis Real (Auguste-Thouard). Il est aussi professeur à l’ICH - Cnam et chargé de cours à Paris I.

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Le cycle de l’immobilier d’entreprise

Les cycles de l’immobilier d’entreprise sont directement corrélés aux cycles économiques ; les cycles économiques constituent les cycles majeurs, amplement analysés par Kondratieff, Schumpeter ou le Français Simiand 1

Succinctement, les cycles économiques sont divisés en deux phases : une ascendante qui est celle de la hausse des productions et des prix, etc. et une descendante qui est celle de la régression de la production, des salaires, des profits, des crédits et de la hausse du chômage.

Au sein des cycles majeurs nous trouvons les cycles mineurs, et au sein de ces cycles mineurs nous trouvons les cycles financiers et les cycles immobiliers. L’analyse des corrélations entre les crises économiques et les crises immobilières montre que les crises sont plus longues et d’amplitude plus forte dans les phases descendantes des cycles économiques, où les récessions sont plus fortes et plus longues et les reprises plus courtes. C’est l’incidence exacte du cycle majeur économique sur un cycle mineur, comme le cycle de l’immobilier d’entreprise. L’analyse comparative des évolutions du PIB et des volumes de transactions démontre cette corrélation relative. Il faut préciser ici que la corrélation entre le PIB et le volume des transactions de bureaux, se fait actuellement au travers de la création d’emplois tertiaires.

Correction et ajustement

L’incidence des cycles majeurs (les cycles économiques) est importante en matière de cycles immobiliers (cycles mineurs), puisqu’elle permet de distinguer notamment entre les phases de crises correctives et les phases de crises d’ajustement.

Une « crise corrective » consiste à recycler une valeur d’opportunité en valeur économiquement fondée. La valeur d’opportunité est une valeur qui résulte d’une phase spéculative, consistant à pratiquer des surenchères sans lien réel avec les cash flows dégagés par un investissement immobilier. Une crise corrective résulte de la trilogie Euphorie -> Déception -> Correction.

Une « crise d’ajustement », quant à elle, consiste à rechercher le niveau de la valeur économiquement fondée, en fonction de la solvabilité réelle ou espérée des parties (en l’espèce, les locataires). La crise d’ajustement résulte de la correction suivant la déception et prépare une nouvelle phase de décollage selon le cycle : Correction -> Ajustement -> Décollage. C’est dire que la crise d’ajustement « recolle » la valeur de l’actif immobilier aux théories de la valeur actualisée nette, des cash flows et du temps de retour sur investissement (TRI).

En résumé, les cycles majeurs économiques, représentés par le PIB, d’une part, et les cycles mineurs financiers, représentés par les stratégies à base de TRI, d’autre part, prédominent sur le cycle mineur qu’est l’immobilier d’entreprise, et expliquent l’importance des analyses des cycles dépendants : les cycles relatifs et les cycles comparatifs.

Les cycles relatifs

Les valeurs des investissements, notamment immobiliers, présentent des évolutions cycliques qui font que toute valeur passe par des phases de décollage, de progression, de régression, d’atterrissage, etc., l’idéal étant bien sûr d’acheter à la fin de la phase d’atterrissage et de revendre au sommet de la phase de progression. C’est la gestion du temps de ce cycle qui reste à déterminer, car il est possible dans un cycle court de passer deux cycles d’évolution, voire plus.

Source : Etude en bref - IEIF - Avril 2002.

Le cycle des marchés

Il est souvent représenté par l’image du cadran d’une horloge : midi représentant le point haut du cycle et six heures représentant le point bas. C’est-à-dire qu’entre midi et six heures, les loyers se mettent à baisser, puis la baisse des loyers se ralentit puis, passé six heures, les loyers repartent à la hausse entre neuf heures et midi la hausse des loyers se ralentit avant de retrouver la phase de baisse relative.

Mais cette présentation a un inconvénient : celui de donner une notion figée du cycle alors que le propre d’un cycle est de se déplacer dans le temps. C’est pourquoi les analyses cycliques doivent s’appréhender selon des courbes sinusoïdales et non à partir d’un cadran.

L’étude du cycle du marché des bureaux en région Ile-de-France selon cette approche, permet de relativiser les cycles des transactions et des valeurs par rapport au parc existant, d’une part, et aux constructions nouvelles, d’autre part (voir graphique ci-dessous). Cette analyse permet de vérifier que la situation de ralentissement née en 2001 n’est en rien comparable avec la situation née en 1990. L’analyse comparative des cycles de flux et des cycles de stock est particulièrement significative.

Le cycle du marché des bureaux en Ile-de-France

En milliers de m²

Source : Atis Real.

Ces mêmes analyses des cycles de marché par produit, notamment des bureaux, démontrent une triple relativité : niveau des transactions, niveau de l’offre disponible et niveau des constructions. Elle est la même, que ce soit à Londres, à Francfort, etc. A ce sujet, on observera que le cycle du marché des bureaux à Francfort présente une physionomie de crise plus proche de la crise parisienne des années quatre-vingt-dix, de par notamment le niveau de construction (voir graphique ci-dessous).

Le cycle par produits

Chaque produit s’inscrit dans un cycle de marché qui lui est propre. L’analyse des cycles par produit prend en compte l’adéquation dudit produit par rapport au site, qui se traduit par un prix, lui-même déterminé par l’évolution cyclique appliquée à ce produit, qui se place au sein du cycle majeur économique qui supporte l’activité à laquelle cet immeuble est dédié. Exemple : activité logistique.

C’est ici qu’apparaît un cycle relatif bien connu : le cycle de l’obsolescence. L’obsolescence étant non pas le résultat du vieillissement d’un immeuble, mais de son déclassement en valeur par perte d’adéquation de l’usage au cycle économique dans lequel il s’inscrit. Des immeubles neufs peuvent être obsolètes dès leur création.

Le cycle du marché des bureaux à Francfort

En milliers de m²

Source : Atis Real.

Les cycles comparatifs

Reste l’analyse des cycles comparatifs, notamment en termes d’investissements. Pourquoi, à un instant « T », un investisseur privilégierait-il l’immobilier par rapport à tel ou tel autre placement ? Le cycle des analyses comparatives permet, notamment au regard du placement en obligations d’Etat, de justifier ou non l’investissement en immobilier d’entreprise, selon la catégorie de produit, eu égard au taux de rendement dégagé, par rapport aux-dites obligations d’Etat réputées placement sûr (notion de prime de risque et de prime de volatilité).

Si la financiarisation a fait de l’immeuble un actif, c’est l’analyse cyclique qui détermine la création de valeur pour cet actif.

L’émergence de l’analyse cyclique a pris une nouvelle importance dans notre connaissance de l’économie immobilière. Nous avions jusqu’à présent l’impression de subir les cycles, d’en être les observateurs. Or, nous prenons conscience que nous en sommes les acteurs ce sont nos propres excès qui provoquent ces crises que nous redoutons tant ce sont les excès des investissements spéculatifs qui provoquent la déflation des actifs. Savoir c’est comprendre, et comprendre c’est pouvoir empêcher.

L’analyse des cycles est donc déterminante, car une connaissance éclairée des phénomènes fondamentaux et structurels de l’économie immobilière nous permettra à l’avenir d’éviter bien des déconvenues nous savons que le cycle de production immobilière est plus difficile à ajuster que celui de la production manufacturière, mais que cet ajustement est fondamental, et si le prix résulte d’une abondance de capitaux et non de l’analyse du taux de retour, l’offre est privilégiée aux dépens de la demande et une bulle en résulte.

  1. Cf. « L’Analyse des cycles et perspectives » par Alain Béchade, Réflexions Immobilières n° 25, avril 1999.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-11/le-cycle-de-l-immobilier-d-entreprise.html?item_id=2512
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