est directeur des études de Dexia-Crédit Local.
Le cycle de l’investissement local
Compte tenu
de la taille considérable de son territoire et de l’importance
accordée par ses habitants aux biens et services collectifs, la
France se caractérise par le niveau plutôt élevé
de ses investissements publics. Plus précisément, «
la formation brute de capital fixe » des « administrations
publiques », pour reprendre la terminologie des comptables nationaux,
s’établit à 46,4 milliards d’euros en 2002 1.
L’importance des sommes en
jeu et la composition de ces investissements (construction de bâtiments
administratifs, culturels, sportifs construction et entretien lourd
des réseaux d’eau, des routes...) expliquent pourquoi cette
commande publique pèse lourd dans l’activité du secteur
du Bâtiment (13 % de la commande en 2002 selon la Fédération
Française du Bâtiment) et surtout des Travaux publics (66
% de la commande en 2001 selon la Fédération nationale des
Travaux publics).
Au sein de cette commande publique,
les collectivités locales françaises tiennent une place
prépondérante : plus des deux tiers, phénomène,
là aussi, un peu plus marqué que ce que l’on constate
chez nos voisins européens.
Importance des décisions locales
La « formation brute de
capital fixe » des « administrations publiques locales »
s’établit ainsi à 32,6 milliards d’euros en 2002,
et représente 11 % de l’ensemble de la FBCF nationale, tous
agents confondus. Montant et proportion considérables qui manifestent
l’importance macroéconomique de l’investissement porté
directement par les collectivités locales et encore faudrait-il,
pour caractériser l’impact de toutes les décisions
des élus locaux en la matière, pouvoir ajouter les investissements
dont ils concèdent la réalisation à des entreprises
privées.
En ordre de grandeur, l’investissement
des administrations publiques locales représente ainsi actuellement
autour de 2,1 % du PIB, niveau qui a varié le plus souvent entre
2 et 2,5 % depuis le milieu des années soixante. Le léger
tassement enregistré au début des années quatre-vingt,
après le développement important des équipements
collectifs dans les années soixante-dix, a été enrayé
avec les premières lois de décentralisation qui ont transféré
la gestion du parc des lycées aux régions et des collèges
aux départements.
Les facteurs explicatifs de l’évolution
des investissements locaux sont nombreux, et il est difficile d’en
présenter les poids respectifs. Les principaux concernent d’évidence
l’étendue des compétences locales, les besoins à
satisfaire, le coût des projets, les moyens financiers disponibles
et enfin, on l’a vu, le mode de réalisation, direct ou délégué,
des investissements qui influe sur la méthode de comptabilisation
des sommes en jeu et donc sur les chiffres étudiés.
Si l’environnement politique,
social et économique influence les décisions d’investissements
des élus locaux, le rythme de réalisation de ces projets
relève, lui, des contraintes techniques et réglementaires
liées aux projets, de la capacité des collectivités
territoriales à suivre leur réalisation et de celle du secteur
du BTP à faire face à la demande.
Observation de séries historiques
L’observation des séries
historiques des investissements locaux par niveau administratif permet
de mettre en exergue certains phénomènes.
- Le développement très important des investissements portés
par les groupements de communes à fiscalité propre (communautés
urbaines, communautés d’agglomération, communautés
de communes). La loi du 6 février 1992 relative à l’administration
territoriale de la République et la loi du 12 juillet 1999 relative
au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale ont favorisé l’essor de ces organismes (232
organismes en 1992 avant la loi, 2 360 début 2003 concernant plus
de 80 % de la population française). Leurs budgets suivent la même
tendance et leurs investissements s’établissent actuellement
à plus de 5 milliards d’euros.
Répartition des dépenses d'équipement
direct
des collectivités locales en 2001
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Source : Dexia-Crédit Local. |
- L’impact pour les régions et les départements des
premières lois de décentralisation. La prise en charge
du parc des collèges à compter de 1986 s’est traduit
par une multiplication des investissements départementaux par près
de deux en cinq ans (investissements passés de 5 milliards d’euros
en 1986 à près de 9 milliards en 1991), phénomène
encore plus marqué pour les lycées dorénavant à
charge des régions (investissements des régions passés
de moins de 2 milliards d’euros en 1986 à plus de 5 milliards
en 1991). Ce bouleversement lié à une évolution institutionnelle
se poursuit actuellement avec la régionalisation des transports
ferroviaires et pourrait trouver un nouvel exemple, de moindre ampleur,
avec le transfert aux départements des routes « nationales
».
- Un cycle dans la réalisation des investissements communaux.
L’observation de séries historiques longues met en évidence
un phénomène assez régulier : l’investissement
communal mesuré en volume connaît des ruptures coïncidant
avec les années d’élections municipales (1971, 1977,
1983, 1989, 1995, 2001).
Prégnance du cycle électoral
Ce cycle électoral illustre
la répartition dans le temps des investissements décidés
par les communes au cours d’un mandat : l’année des élections
municipales et l’année suivante sont caractérisées
– toutes choses égales par ailleurs – par un freinage
de l’investissement, la fin de mandat s’achevant avec une forte
accélération.
Un travail statistique (mesure
des écarts au trend général) permet de quantifier
sommairement le phénomène : l’influence du cycle génèrerait
un écart de - 5 % la première année, - 7 % la seconde,
+ 2 % la troisième, + 1 % la quatrième, + 2 % la cinquième
et enfin + 7 % la sixième année du mandat par rapport à
la tendance d’évolution moyenne.
Encore faut-il retenir, bien sûr,
que le faible nombre de mandats en mesure d’être étudiés
(cinq mandats entiers uniquement) rend la quantification périlleuse.
Le phénomène est
toutefois bien marqué et il correspond à un processus lié
au temps de la décision et de la réalisation. Une municipalité
nouvellement mise en place ne peut réaliser ses projets dans un
laps de temps très court. Dans un premier temps, elle est juste
en mesure de procéder aux opérations les plus simples (investissements
récurrents sur le patrimoine existant) et les plus petites. Quant
aux projets « nouveaux », souvent l’action-phare du mandat
et les projets porteurs des principaux enjeux financiers, il faut les
mettre au point, passer les marchés, lancer les travaux, les suivre…
La longueur de ces opérations dépend de la complexité
du projet et des handicaps que la municipalité doit lever (opposition,
recherches archéologiques…).
Le cycle municipal des investissements
est donc loin d’être une simple recherche «médiatique»
ou politique d’élus locaux soucieux de leur réélection
et voulant faire concilier date d’inauguration et ouverture d’une
nouvelle campagne électorale !
Le cycle existe il peut être
perturbé par le décalage des dates électorales et,
surtout, il se greffe sur bien d’autres phénomènes,
notamment le contexte économique. Il ne peut à lui seul
permettre d’anticiper les évolutions annuelles à venir.
Il faut noter également que l’on agrège ici les résultats
de la gestion de plus de 36 500 équipes municipales qui, si elles
sont toutes confrontées au même impact du calendrier électoral,
sont soumises à des contraintes toutes spécifiques (besoins
de la population, contraintes financières). Dans ce contexte, le
comportement de telle ou telle très grande collectivité
peut parfois conduire à infléchir les données d’ensemble.
Le cycle communal d'investissement
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La question
reste de savoir si ce cycle va se prolonger. On peut répondre oui,
dans la mesure où le cycle de la décision tel qu’il
a été décrit ne risque pas de changer, mais il est
vraisemblable qu’il puisse être modifié par la complexité
croissante des projets. Bon nombre d’opérations s’étendent
aujourd’hui sur deux, voire trois mandats.
Enfin, il faut noter que l’impact
macroéconomique de ce cycle spécifique aux communes2
s’atténue dans le temps à mesure que les investissements
communaux représentent une part de plus en plus réduite
des investissement locaux.
- Source : rapport sur les comptes de la Nation, 2002.
- Dans la mesure où le mode d’élection est différent et où celui des régions – très récent –
a été modifié plusieurs fois.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-11/le-cycle-de-l-investissement-local.html?item_id=2510
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