Roger TALBOT

est directeur général de Thirdwave Scotland Limited.

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La construction durable au Royaume-Uni

Depuis plusieurs années, le gouvernement britannique se préoccupe du développement durable, particulièrement dans le secteur du Bâtiment. En dépit de ses nombreuses initiatives réglementaires, les résultats sur le terrain sont encore décevants.

En 1999, le gouvernement britannique a rendu publique sa stratégie en matière de développement durable, dans un rapport intitulé : « A better quality of life, a strategy for sustainable development for the UK ». Cette stratégie nationale fixe quatre objectifs clés pour le développement durable au Royaume-Uni :

  1. le progrès social, qui reconnaît les besoins de chacun,
  2. la protection efficace de l’environnement,
  3. l’utilisation prudente des ressources naturelles,
  4. et le maintien de niveaux de croissance économique et d’emploi élevés et stables.

La stratégie s’applique à tous les secteurs de l’économie britannique, mais à l’époque de la publication de cette stratégie, l’on admettait déjà que l’industrie du Bâtiment avait un rôle particulièrement important à jouer, en donnant au pays la possibilité d’atteindre ses objectifs de développement durable.

Le Bâtiment, avec le renfort des matériaux et des services associés aux constructions et aux infrastructures urbaines, crée des emplois, consomme des ressources naturelles et de l’énergie, est responsable de certains gaspillages mais influe sur le bien-être et la productivité à une échelle beaucoup plus grande que la plupart des autres secteurs de l’économie.

En juin 2000, le gouvernement britannique a présenté un second document stratégique « Building a better quality of life – A strategy for more sustainable construction », qui met en avant les bienfaits économiques, sociaux et environnementaux pouvant résulter d’une amélioration de l’efficience de l’industrie du Bâtiment. Ce document explique de quelle façon le gouvernement souhaite que l’industrie du Bâtiment contribue au développement durable. Il préconise notamment à ce secteur économique :

  • de réduire au maximum ses déchets,
  • de minimiser l’énergie dans la construction des bâtiments et dans leur exploitation,
  • d’éviter la pollution,
  • de préserver et accroître la biodiversité,
  • de préserver les ressources en eau,
  • de respecter la population et l’environnement local,
  • d’uniformiser le niveau des prestations.

Les avantages d’une construction durable

En modifiant sa culture pour embrasser plus largement une réflexion durable à tous les niveaux, le secteur du Bâtiment peut économiser de l’énergie, réduire le gaspillage et la pollution et diminuer les coûts de la vie ou ceux liés à la propriété. Les principaux avantages d’une telle approche incluront :

  • des coûts réels réduits grâce à une meilleure productivité,
  • des coûts de la vie globaux plus faibles, en particulier ceux de l’énergie et de l’eau,
  • un environnement intérieur amélioré, conduisant à une plus grande satisfaction de l’usager, à une productivité accrue du personnel et à sa fidélisation,
  • une sécurité accrue sur les sites de construction et autour d’eux,
  • une responsabilité et un risque réduits,
  • une limitation de la charge fiscale, notamment grâce au Climate Change Levy, à la Landfill Tax et à l’Aggregates Levy,
  • une localisation plus appropriée des constructions, économisant le transport d’énergie, réduisant les encombrements et contribuant à la régénération du tissu urbain,
  • une image valorisée des entreprises de construction, démontrant à la communauté locale ce que l’on peut obtenir, et encourageant de cette manière d’autres à le demander et à l’obtenir,
  • une qualité de vie meilleure pour tous.

Un défi pour le Bâtiment

Le défi lancé au secteur du Bâtiment par la Stratégie nationale de construction durable est donc d’édifier des bâtiments au prix acceptable, sûrs et fonctionnels, tout en minimisant l’impact de leur conception, de leur construction, de leur rénovation, de leur reconversion et de leur démolition sur l’environnement naturel. Cette stratégie prend en compte le fait que la construction durable touche à la compétitivité, à la responsabilité morale et à l’intérêt personnel éclairé des responsables des entreprises concernées.

Ces cinq dernières années, un grand nombre d’initiatives publiques – une combinaison de réglementations, d’incitations et de conseils – visant à promouvoir des formes de construction durables, sont venues compléter les objectifs stratégiques du gouvernement.

Construire l’excellence

Repenser le Bâtiment : telle a été la bannière sous laquelle l’industrie du Bâtiment, ses clients et le gouvernement ont travaillé ensemble depuis le rapport Egan de 1998 portant sur l’amélioration des prestations du Bâtiment au Royaume-Uni. Repenser le Bâtiment fixe au secteur du Bâtiment des objectifs amitieux d’amélioration de sa productivité et de la qualité de ses prestations. Repenser le Bâtiment a été récemment republié sous le titre Construire l’excellence.

Le gouvernement reconnaît qu’il doit montrer l’exemple, car les marchés publics représentent à peu près 40 % de la production du Bâtiment. En juillet 2000, par la voie d’une initiative politique appelée Réaliser l’excellence, le gouvernement s’est donc engagé à améliorer les performances des ministères et des administrations centrales de l’État en tant que clients de l’industrie du Bâtiment.

Réaliser l’excellence encourage le recours à certaines règles de dévolution des marchés publics pour la commande d’une nouvelle construction, ainsi que pour tous les contrats de maintenance et de réhabilitation. Il recommande notamment le recours à une procédure de concession élargie (PFI, Initiative de financement public), et à la conception-construction.

Des procédures traditionnelles, n’intégrant pas les différents stades de vie d’un bâtiment, ne seront utilisées que si elles permettent d’aboutir à un meilleur rapport qualité/prix.

Le secteur du Bâtiment commence à admettre que le compte rendu de ses progrès et son contrôle constituent des pas essentiels sur le chemin de la construction durable. Le benchmarking est en train de devenir de plus en plus commun, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à publier des rapports sur le développement durable et sur l’environnement, et la responsabilité sociale et morale de l’entreprise est désormais partie intégrante de la vie des affaires.

Un livre blanc sur l’énergie

La politique énergétique du Royaume-Uni, telle qu’elle est exposée dans le Livre blanc sur l’énergie de 2003, est destinée à réduire les effets négatifs du changement de climat. Dans ce livre blanc, le gouvernement s’engage à réduire les émissions de dioxyde de carbone – le principal élément contribuant au réchauffement global – de quelque 60 % d’ici à 2050, avec un réel progrès pour 2020. Le Bâtiment est identifié comme un secteur clé pour atteindre ces objectifs.

Les thèmes principaux de la loi de planification et d’achat public de 2003 sont l’accélération du système de planification et une croissance de la prévisibilité des dépenses, à la fois pour les promoteurs et pour les collectivités. Selon ses termes, le développement durable est considéré comme un principe primordial qui devra sous-tendre toutes les décisions concourant à un projet. Toute personne ou organisme exerçant des fonctions touchant aux Stratégies spatiales régionales et aux Plans de développement local devra les mener à bien avec des objectifs de développement durable.

Un Plan pour des quartiers durables

Le Plan pour des quartiers durables, élaboré cette année, concrétise l’intention du gouvernement du Royaume-Uni de créer des quartiers ou des ensembles immobiliers offrant une qualité de vie élevée. La construction durable sera une composante clé de ce plan.

Le Livre blanc sur l’énergie s’engage à améliorer les standards thermiques dans les constructions, conformément aux réglementations devant entrer en vigueur en 2005. La construction de logements économes en énergie permettra de réduire la consommation de combustible, tandis que la réduction des coûts de fonctionnement des bâtiments industriels et tertiaires contribuera à améliorer les marges des entreprises.

Économiser l’énergie dans les bâtiments existants est également jugé comme important. Des conseils pratiques sur l’économie d’énergie dans les constructions existantes sont fournis par des documents tels que le Guide des économies d’énergie de la Fédération des propriétaires britanniques.

L’Union européenne à la rescousse

Une étude récente menée par le ministère du Commerce et de l’Industrie a identifié six directives de l’Union européenne qu’il estime être d’une importance essentielle pour la construction durable au Royaume-Uni :

  • directive sur les performances énergétiques des bâtiments,
  • directive sur les substances qui réduisent la couche d’ozone,
  • directive sur le recyclage des déchets,
  • directive sur le recyclage des emballages,
  • directive sur la gestion et le traitement des eaux,
  • directive sur les produits biocides.

Des résultats… en devenir

En dépit des initiatives de principe exposées plus haut, la réalité doit maintenant se montrer à la hauteur des espérances. Si quelques initiatives ont été prises qui aboutissent à des constructions durables, elles restent l’exception. Partout où des progrès ont été accomplis, cela a résulté très largement de l’application de la législation de sanction, telle que la Landfill Tax et les règlements en matière de santé et de sécurité.

La réponse du marché a été lente. Il semble que les réalités du marché empêchent les concepteurs, les promoteurs et les entrepreneurs qui souhaiteraient produire plus de constructions durables, de le faire. Même lorsque le dossier d’un projet se réfère au développement durable, cet objectif ne parvient pas souvent à apparaître dans la construction finale.

Les promoteurs de logements croient généralement que les acquéreurs ne s’intéressent pas à l’efficacité énergétique de ce fait, ils cherchent simplement à atteindre les critères minimaux fixés par les règlements en matière de construction, et même ces standards les plus bas ne sont pas toujours respectés dans la pratique.

Le manque critique de main-d’œuvre qualifiée au sein de l’industrie du Bâtiment est une des principales raisons de ce résultat décevant. Il manque en effet au secteur :

  • les capacités de planification stratégique nécessaires pour informer la production des plans de développement, des conseils de planification additionnelle, des dossiers de développement, des stratégies d’ensemble, etc.,
  • les capacités de gestion du projet pour intégrer les principes et les pratiques du développement durable dans des développements complexes,
  • les capacités de gérer et de maintenir les partenariats de développement locaux,
  • les capacités d’évaluation et de financement d’un projet là où les principes du développement durable sont de première importance.

Quelques bonnes pratiques

Si la réponse du secteur du Bâtiment a été en général décevante au Royaume-Uni, il existe cependant des exemples de bonnes pratiques qui, osons l’espérer, inspireront à l’avenir une amélioration des prestations, dès lors que l’intérêt commercial de la construction durable sera démontré.

L’un de ces exemples est l’Initiative de construction durable de Londres. Elle vise à permettre au secteur privé de répondre aux demandes concernant des spécifications précises des prestations ayant trait à la construction, à la réhabilitation et à la maintenance à Londres. Ce qui devrait permettre à Londres de devenir l’une des places mondiales du développement durable, en portant haut ses exigences en matière d’environnement, et en insistant sur la productivité des ressources, et sur les questions économiques et sociales, comme l’utilisation de la main-d’œuvre locale.

Un second exemple est celui des critères d’Edimbourg. Le conseil municipal d’Edimbourg, en collaboration avec le Partenariat pour le développement durable d’Édimbourg, a pris l’engagement d’instituer un ensemble de critères de construction durable qui seront exigés des promoteurs et des constructeurs souhaitant intervenir dans la ville.

L’espoir est que ces critères permettront à la capitale de l’Écosse d’atteindre son objectif : être à la tête de la ville-région la plus avancée en matière de développement durable en Europe d’ici à 2015. Le Conseil municipal adoptera une politique exigeant que tous les équipements et constructions qu’il aura lui-même financés, planifiés, élaborés, construits, gérés, rénovés ou entretenus s’inscrivent dans une perspective durable. Une telle politique devrait s’appliquer directement à tous les bureaux et services de la ville, ainsi qu’à leurs entrepreneurs et à leurs fournisseurs. Au-delà de cela, le Conseil utilisera tous ses pouvoirs et tous ses moyens, tels que le Service de l’urbanisme, le Contrôle du développement et les Services de contrôle du Bâtiment, pour encourager et demander aux propriétaires, aux architectes, aux promoteurs et aux entrepreneurs d’incorporer des objectifs de haute performance en matière de construction durable au processus de promotion immobilière.

Bibliographie

  • A better quality of life, a strategy for sustainable development for the UK, Department of the Environment, Transport and the Regions, Londres, 1999.
  • Building a better quality of life - a strategy for more sustainable construction, Department of the Environment, Transport and the Regions, Londres, 2000.
  • Rethinking construction: the report of the construction task force, DETR, Londres, 1998.
  • The Energy White Paper. Our energy future, creating a low carbon future. Department of the Environment, Food, and Rural Affairs, Londres, 2003.
  • Sustainable Communities Plan, Office of the Deputy Prime Minister, Londres, 2003.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-11/la-construction-durable-au-royaume-uni.html?item_id=2521
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