L’exemple de la Manche
Le gouvernement a marqué
sa volonté de donner au développement durable une dimension
majeure et l’adoption de la stratégie nationale de développement
durable va orienter son action dans l’ensemble de ses politiques.
Dans un effort de plus grande solidarité entre les générations
et entre les territoires, chaque action publique doit être examinée
à la fois dans sa dimension économique, sociale et environnementale,
prenant en compte ses conséquences à moyen et long termes
et pas seulement ses effets à court terme.
Le rôle du gouvernement en la matière est d’éclairer,
de montrer la direction et d’aider les initiatives à se développer
et non de « normer » les actions. Le développement
durable est en effet l’affaire de tous. C’est dans ce contexte
que nous, les élus locaux, nous devons nous mobiliser et agir ensemble
pour la promotion d’un développement durable de notre territoire.
La stratégie nationale
demande une participation de l’ensemble des acteurs dans leur diversité,
à l’image des forces vives de notre pays. Sa mise en œuvre
ne peut en effet être que facilitée si les futurs acteurs
en sont aussi les coauteurs. La participation est au cœur de la problématique
du développement durable, elle en constitue le principe d’action,
la clé principale. Le développement durable ne peut pas
se décréter ; il doit résulter d’une mobilisation
de tous permettant à chacun d’agir.
L’expérience de Natura 2000
Si je prends l’exemple de
l’application de la directive européenne Natura 2000,
c’est tout simplement parce qu’ayant été «
missionné » à ce sujet par la commission des affaires
économiques du Sénat, j’ai une vision assez globale
et détaillée des attentes et des difficultés qu’un
tel objectif à long terme peut engendrer.
L’objectif de Natura 2000 ? C’est avant tout de préserver la biodiversité, c’est-à-dire,
en termes simples, qu’il s’agit de ne pas laisser disparaître
les espèces végétales ou animales existant encore
aujourd’hui. Pour atteindre cet objectif, il faut à la fois
protéger les espèces, et cela a été l’objectif
de la directive « oiseaux » de 1979 et, parallèlement,
protéger leur habitat.
Pourquoi sauver la biodiversité ?
Et bien tout simplement parce qu’il s’agit d’un enjeu
essentiel pour la survie de l’espèce humaine. Tout affaiblissement
de la diversité biologique menace autant notre sécurité
alimentaire que notre énergie, que les ressources naturelles, en
médicaments par exemple, que la photosynthèse, la production
d’oxygène. Cet appauvrissement aurait des conséquences
sur la santé humaine et sur l’ensemble de nos activités
économiques ou culturelles. Aucun des facteurs constituants de
notre vie quotidienne ne serait épargné. Maintenir la biodiversité,
c’est tout simplement garantir la survie des générations
futures.
Une fois l’objectif défini,
il reste à déterminer les moyens d’y parvenir. Cela
suppose une méthodologie ; appliquer une méthodologie nécessite
des acteurs et c’est cet ensemble-là que l’on appelle
Natura 2000.
Pour assurer le succès
de cette entreprise, il est nécessaire de replacer Natura 2000
au cœur d’un aménagement partagé et concerté
de nos territoires. C’est-à-dire œuvrer à son
appropriation locale, en promouvant la concertation et l’information
en toute transparence des gestionnaires et des ayants droit des territoires
concernés. En ce qui concerne la désignation des sites (d’intérêt
communautaire), il est impératif que leur délimitation physique
soit clairement identifiée et se traduise par un affichage en mairie,
voire par une transmission aux chambres consulaires.
Le document (Docob) définit
les moyens à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif,
les mesures à prendre pour gérer l’espace dans l’esprit
de l’objectif. Il doit être un document consensuel et dire
ce qu’il est, ne rien cacher de ce qu’il comporte.
S’agissant de la procédure
d’élaboration de ces documents d’objectifs, elle fait
appel à un comité de pilotage dont la composition très
large associe des représentants des collectivités territoriales
intéressées et de leurs groupements, des représentants
des exploitants agricoles, des forestiers, des propriétaires mais
aussi des organismes consulaires, des concessionnaires d’ouvrages
publics ou encore des représentants des activités de tourisme
et de protection de la nature. On s’aperçoit que lorsqu’un
Docob est réussi, c’est toujours au bénéfice
d’une très forte implication des collectivités territoriales
qui font de Natura 2000 un outil d’aménagement et de
mise en valeur de leur territoire.
C’est pourquoi, je pense
que la présidence du comité de pilotage doit être
confiée aux collectivités territoriales, à charge
pour elles de définir le bon échelon de compétence
qui peut varier selon la taille du site, sa diversité et son organisation
territoriale. Le choix de l’opérateur reviendrait alors au
comité de pilotage qui suit l’élaboration du Docob.
En revanche, il est nécessaire que l’approbation et son évaluation,
tous les six ans, restent de la compétence de l’Etat, qui
est le seul comptable de ses engagements européens.
On le voit bien, il est nécessaire
de réfléchir à ce qui doit être fait pour protéger
et mettre en valeur notre patrimoine naturel, à l’instar de
ce qui se fait pour notre patrimoine architectural.
Cette préoccupation d’ordre
général est une ambition du Conseil général
de la Manche qui a décidé de s’engager dans une politique
environnementale cohérente, volontariste et novatrice. Pour ce
faire il était nécessaire de trouver un outil transversal
permettant d’harmoniser, de simplifier et de mettre en cohérence
les interventions tant de l’Etat et du Département que celles
des organisations professionnelles et associations.
C’est pour cela que nous
avons élaboré en 2002 la charte départementale de
l’environnement qui comprend un diagnostic environnemental de la
Manche, un plan d’intervention sur cinq ans avec des objectifs quantitatifs
clairs et un outil de suivi sur les cinq années de sa réalisation.
La position stratégique de la Manche
La Manche est un ponton. Près
de 30 % du trafic maritime mondial passent au large et nous sommes par
ailleurs au milieu de ce grand axe atlantique qui va de Bayonne jusque
vers le Benelux, l’Allemagne et bien au-delà vers le Nord.
L’objectif, dans le cadre d’un développement durable
des transports, est simple : permettre que cette position stratégique
devienne une réelle chance pour le département de la Manche.
La route maritime devient une
alternative incontournable, dès lors que nous arrivons à
saturation des autres modes de transport : ferroviaire, aérien
ou routier. En septembre 2001, la Commission européenne a présenté
un livre blanc intitulé « La politique européenne
des transports à l’horizon 2010, l’heure des choix ».
Ce document fait apparaître que le transport maritime à courte
distance jouera un rôle déterminant pour diminuer l’augmentation
vertigineuse du transport routier. La commission a donc introduit la notion
d’autoroutes de la mer. Le port de Cherbourg a pour ambition de s’inscrire
dans cette volonté, en créant un véritable «
hub roulier », qui permettra de relier plusieurs lignes
de trafic en Europe. Nous avons, forts de cela, délibérément
orienté l’avenir de Cherbourg sur les nouveaux modes de transports
maritimes qui sont les transports à grande vitesse transatlantiques
ou le « sea short shipping » évoluant lui aussi sur
un mode rapide.
Le « hub roulier
», le développement des activités fluvio-maritimes,
mais aussi, tout simplement, le cabotage rapide constituent le projet
manchois.
D’ores et déjà, plus de 30 % du trafic de marché
venant de la péninsule ibérique et allant vers le Royaume-Uni
ou l’Irlande transitent par Cherbourg. L’accroissement de notre
zone de chalandise, en incorporant les pays de l’Afrique du Nord
par exemple, ne fera que conforter le caractère stratégique
du port de Cherbourg dans cette nouvelle culture du transport maritime.
Intégrer le réseau routier européen
Par ailleurs, les autoroutes quadrillent
la France et tendent à devenir européennes. La Manche s’emploie
donc logiquement à s’intégrer à ce nouveau réseau.
Deux grands axes routiers frôlent ou pénètrent actuellement
notre département. Au nord, Paris-Caen-Cherbourg (A13 et RN13),
au sud l’autoroute des estuaires (A84) qui relie l’Europe du
Nord à celle du Sud en longeant la façade maritime. Un gain
de temps considérable, par exemple, pour les habitants du Benelux,
du Bassin parisien ou de la Bretagne et du Sud-Ouest qui veulent venir
chez nous. Ce pourrait être parfait, mais il suffit de regarder
la carte de la Manche pour réaliser qu’il manque un élément
capital à cet ensemble : une liaison de type autoroutier entre
ces deux axes pour désenclaver le centre de la Manche et le port
de Cherbourg et lui permettre de devenir un ponton sur la mer de la Manche,
notamment dans le cadre de l’arc atlantique. D’où la
nécessité de construire une liaison autoroutière
nord-sud, entre la RN13 à quatre voies Cherbourg-Paris et l’A84
des estuaires.
Pour ce faire, le département
a pris à son compte le financement et la construction du secteur
central de cette autoroute, les 18 kilomètres du contournement
de Saint-Lô. 76 millions d’euros ont été engagés
dans l’opération. Cet aménagement du réseau
routier est la base de notre développement économique, pour
rendre notre département accessible. Il nous permet de travailler
dès maintenant au développement du port de Cherbourg. Mais
cette situation nouvelle, si elle nous ouvre des perspectives économiques,
sociales et touristiques, crée également des besoins nouveaux.
L’augmentation des flux de circulation impose de disposer d’un
réseau routier interne et transversal capable d’y répondre,
pour aujourd’hui et les années qui viennent. Le Conseil général
a mis en œuvre une politique routière globale et prospective
répondant à ces impératifs. Depuis dix ans le département
de la Manche a investi plus d’un milliard de francs (150 millions
d’euros) dans son réseau routier.
Pour conclure, c’est en orientant
notre action dans une perspective à long terme et dans le souci
des générations à venir, c’est en ayant une
vision élargie et globale du monde qui nous entoure que nous assurerons
l’attractivité et la différenciation de notre territoire.
Pour y arriver, nous devons maintenir
un équilibre très fort entre l’économie et l’environnement,
l’économie et le social, le social et l’environnement,
et c’est là la vraie définition du développement
durable.
Dans toute œuvre humaine,
la réussite passe par l’implication des acteurs. C’est
vrai pour la définition de l’objectif : un projet n’est
bon que s’il est partagé par tous. C’est vrai dans la
mise en œuvre des moyens pour atteindre l’objectif : c’est
à nous, gens du terrain, qu’il appartient de porter et vivre
notre territoire. En nous impliquant dans la sauvegarde ou le maintien
de leurs paysages, dans la mise en valeur des richesses naturelles de
leurs territoires, nous rendrons aux habitants la fierté d’être
d’ici.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-11/l-exemple-de-la-manche.html?item_id=2511
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