est chef économiste de Saint-Gobain, vice-président de l’Afede (Association française des économistes d’entreprise), et président du Club de l’amélioration de l’habitat (CAH).
est directeur technique adjoint de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah).
Le cycle de la rénovation du logement ancien
En 1978, à l’heure
où la France mettait en chantier plus de 450 000 logements, le
VIIe Plan affichait une priorité nouvelle : l’« amélioration
qualitative de l’habitat ». L’Agence nationale pour l’amélioration
de l’habitat, récemment créée (1971), voyait
sa mission renforcée. Au cours des années qui suivirent,
tandis que la construction neuve décélérait, l’amélioration-entretien
du logement montait progressivement mais régulièrement en
puissance (+ 1 % l’an en volume sur la période 1990-2002).
Le marché de l’amélioration-entretien
pèse aujourd’hui 45 milliards d’euros TTC, plus que le
neuf (40 milliards d’euros TTC), plus que les ventes d’automobiles
aux particuliers (31 milliards d’euros TTC). C’est un segment
important de l’économie française.
Longtemps, les entreprises l’ont
considéré comme un marché de complément. Ils
lui ont assigné un rôle contracyclique. Lorsque l’activité
ralentissait dans le neuf, on se repliait sur ce créneau, plus
prenant en termes de relations avec une clientèle souvent non professionnelle,
plus risqué en termes de paiement et d’imprévus techniques.
Les fluctuations suivent celles du PIB
Aujourd’hui, le marché
a conquis son autonomie. Le baromètre de l’entretien-rénovation,
enquête trimestrielle menée auprès des entreprises
du Bâtiment, nous montre que, depuis 1994 au moins (date de création
de l’outil), le cycle d’activité de l’entretien-rénovation
s’est calé sur celui du PIB et suit celui de la construction neuve.
Cette concordance n’a rien
d’étonnant : le marché est large et hétérogène.
Quoi de commun entre les travaux de bricolage d’un particulier et
l’opération de quasi-reconstruction engagée par un
promoteur ? Il n’est pas surprenant que les fluctuations d’un
ensemble agrégeant des opérations et comportements aussi
distincts, rejoignent naturellement celles de l’activité économique
nationale.
L’amplitude des fluctuations
cycliques du marché a été forte au cours des dernières
années. Entre le premier et le quatrième trimestre 2000,
le volume d’affaires du marché a crû d’environ
10 % chaque trimestre (par rapport au même trimestre de l’année
précédente). Selon la Fédération Française
du Bâtiment, la conjoncture n’explique qu’un tiers de
cette progression ; la tempête de la fin 1999 est à l’origine
d’un autre tiers, les mesures de relance mises en œuvre par
les pouvoirs publics, et notamment la baisse de la TVA, apportent le complément.
Ces fluctuations auraient pu être
plus vives encore si le marché n’écrêtait pas
une part de la demande. En effet, d’importants goulets d’étranglement
brident l’offre. Certains patrons d’entreprises de petite taille
perçoivent parfois l’accroissement de leur activité
comme un facteur de risque supplémentaire et l’encadrement
de collaborateurs plus nombreux comme une tâche d’autant plus
ingrate que les difficultés de recrutement de personnel persistent.
Ces réticences quasi-culturelles à développer leur
activité peuvent les conduire à reporter une partie des
travaux demandés et les amener à l’annulation d’une
autre part.
Dans l’ensemble hétérogène
« amélioration de l’habitat », les sociétés
de HLM et les personnes morales, perçues individuellement comme
des donneurs d’ordre importants, ne représentent que 10 %
du marché. Ce sont essentiellement les décisions des personnes
physiques qui font l’activité du secteur. Cette catégorie
d’acteurs commande à elle seule 91 % des travaux engagés
(81 % pour les propriétaires occupants et 10 % pour les autres
bailleurs personnes physiques).
Une croissance tendancielle « faite
» par les ménages
En conséquence, les ménages
« font » le marché. Les facteurs bien connus qui déterminent
leur consommation et ceux de la demande immobilière résidentielle
expliquent bien l’évolution cyclique du secteur. Celle-ci
nous paraît relativement stabilisée.
Il ne nous paraît, en revanche,
pas utopique d’espérer un renforcement de la croissance tendancielle
du secteur, en tenant compte, d’une part, de la nécessité
pour l’État de concentrer ses moyens sur l’offre de logements
destinés aux personnes à revenus modestes, sur le traitement
des quartiers les plus dégradés et sur la qualité
environnementale des logements, d’autre part, des fortes contraintes
budgétaires qui vont peser dans les mois à venir sur la
dépense publique.
Car les « réserves
» de développement du marché sont nombreuses :
- Le recours au crédit y est encore limité : 25 % seulement
des dépenses totales de rénovation sont réalisées
à crédit (le plus souvent à court terme) et ce ratio,
qui progresse avec le niveau de la dépense, n’atteint que
33 % pour les grosses opérations (de 7 622 à 15 240 euros).
A titre de comparaison, 49 % des dépenses automobiles sont financées
à crédit.
En revanche, le niveau des taux hypothécaires joue un rôle
essentiel, quoique décalé, sur l’activité rénovation.
Pourquoi ? Parce qu’il conditionne le volume des transactions dans
l’ancien. Or, ce sont les accédants récents (depuis
moins de quatre ans) qui consomment le plus de « rénovation
». Leur dépense moyenne en travaux de ce type est 1,5 fois
supérieure à celle de l’ensemble des propriétaires
et accédants.
- La logique de « consommation plaisir », forte sur le marché
des biens dits supérieurs, ceux dont l’élasticité
consommation-revenu est supérieure à l’unité
(services, culture, loisirs, électronique…) progresse sur
ce marché. Le profil des dépenses des ménages par
tranche de revenus montre un fort potentiel de croissance dans ce sens.
Mais aujourd’hui, c’est encore trop largement par nécessité
qu’on effectue des travaux d’amélioration-entretien dans
le logement. La vétusté, la saleté, une défaillance
ou une détérioration sont cités comme les facteurs
déclenchants de 39 % du montant total des travaux de rénovation.
L’élasticité des dépenses d’entretien-rénovation
(au revenu disponible des ménages) demeure faible et inférieure
à l’unité. Sans évolution de ce paramètre,
compte tenu d’hypothèses moyennes de progression du pouvoir
d’achat des ménages, les dépenses d’entretien-rénovation
évolueraient au mieux de 1,5 à 2 % l’an à l’horizon 2008. Mais l’attachement
croissant des Français à la qualité de leur logement
milite pour une hypothèse plus favorable.
Produit intérieur brut et rénovation
du logement (France)
(Croissance en valeur par rapport
au même trimestre de l'année précédente)
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- Le développement du taux de propriété est encore
faible en France, comparé au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Son
augmentation à terme pourrait soutenir l’activité entretien.
- Les mises aux normes réglementaires ou techniques vont induire
de nombreux travaux pour répondre notamment aux exigences issues
des contraintes de développement durable et aux engagements internationaux
de la France. Le logement va devoir, par exemple, diminuer les rejets
de gaz à effet de serre liés au chauffage (l’habitat
dans son ensemble émet plus de 17 % des rejets de gaz à
effet de serre).
Cela devrait conduire les propriétaires du parc de logements existants
à d’importants progrès en matière de performances
thermiques des bâtiments, pour éviter que l’écart
ne se creuse trop avec les logements neufs et répondre à
ces nouveaux impératifs. Les pouvoirs publics s’apprêtent
à prendre les mesures nécessaires en la matière.
Ces travaux représentent d’ores et déjà une
dépense annuelle des ménages de l’ordre de 6 milliards d’euros TTC.
- Une promotion de l’offre plus volontariste, de la part des nouvelles
générations d’entrepreneurs et d’artisans, appuyée
par une distribution de matériaux de construction encore mieux
adaptée à la diversité et aux spécificités
de ce marché, paraît de plus en plus probable et pourrait
conduire à des affectations budgétaires des ménages
plus favorables à l’habitat.
On notera, pour finir, que la valorisation du patrimoine immobilier résidentiel n’est pas
uniquement une question franco-française. Elle se pose à
la plupart des grands pays européens. Ceci est de nature à
stimuler les dynamiques de structuration des filières, et à
accélérer l’intégration verticale de certains
sous-secteurs, comme l’équipement de la cuisine ou la fenêtre…
On le voit, le marché de l’amélioration de l’habitat ancien est bien un marché
d’avenir, en constante évolution pour s’adapter à
des perspectives prometteuses et répondre à des défis
majeurs : améliorer le cadre de vie de nos concitoyens, tout en
créant des emplois non délocalisables et en contribuant
pour l’avenir à la préservation de notre planète
dans la lutte contre l’effet de serre.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-11/le-cycle-de-la-renovation-du-logement-ancien.html?item_id=2509
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