Maurice MANCEAU

est directeur Habitat France de Saint-Gobain.

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Mieux travailler ensemble

Le plan Grenelle Bâtiment a créé une dynamique qui impose aux acteurs du secteur de travailler ensemble, mais aussi de s'investir résolument dans l'acquisition de nouvelles compétences pour construire ou réhabiliter des bâtiments plus performants en matière de consommation d'énergie. Il s'agit d'un enjeu essentiel pour les entreprises du bâtiment.

Le Grenelle est-il une chance pour les entreprises du bâtiment ?

Le plan Grenelle Bâtiment a deux vertus au moins. Grâce à cette démarche, les acteurs de la filière construction ont compris qu'ils devaient relever un véritable défi... mais aussi qu'ils sont obligés de travailler tous ensemble pour y parvenir.

Si je remonte en arrière, c'est-à-dire à 2007, au démarrage des travaux des groupes de travail du Grenelle, nous parlions de la future réglementation thermique (RT), alors que la précédente, la RT 2005, n'était appliquée que depuis un an. Nous en avons radicalement modifié la philosophie - même en fondant la nouvelle réglementation sur des objectifs de consommation d'énergie globale et non sur la mise en œuvre des moyens pour y parvenir. La vraie révolution s'est produite là : c'est elle qui oblige tous les intervenants de la chaîne à travailler ensemble.

Culturellement, le Grenelle a été le révélateur d'un nouveau modèle : des milliers de personnes se sont rencontrées, des objectifs de consommation énergétique des bâtiments ont été définis, pour le neuf mais aussi pour l'ancien, avec l'esquisse d'une définition des compétences nécessaires aux acteurs. Pour le neuf, nous savions qu'une maîtrise d'œuvre forte et des entreprises structurées « sauraient faire ». Pour la réhabilitation, la partie n'était pas gagnée...

Pourquoi ?

Si la réhabilitation est effectuée par de grandes entreprises épaulées par une assistance technique, cela doit marcher car l'organisation est proche de celle de la construction neuve. Mais près de 80 % de la rénovation en France est réalisée sans maîtrise d'œuvre. Or, imposer des objectifs d'efficacité énergétique, cela revient de facto à fixer des objectifs de compétences et de formation aux entrepreneurs et à leurs salariés, car le gros de la rénovation est réalisé par des TPE et des artisans qui non seulement ne connaissent pas toujours pleinement leur propre sujet, mais méconnaissent plus encore les métiers connexes qu'on leur demande d'exercer. Il y a donc un véritable problème de formation pour toutes ces petites entreprises qui doivent travailler à la rénovation énergétique des bâtiments. Cela fait partie des questions sur lesquelles nous nous sommes interrogés au sein du Club de l'amélioration de l'habitat, qui associe acteurs publics et privés.

Comment avez-vous mené à bien ce questionnement ?

Nous avons réfléchi à la réalité du marché. Pour le particulier qui cherche à faire changer une fenêtre, il faut d'abord trouver un entrepreneur qui accepte de venir chez lui faire un devis. Mais le professionnel qui vient à son domicile ne doit pas lui proposer qu'une fenêtre, il lui faut aussi suggérer des isolations complémentaires - des murs ou des combles, par exemple - et être en mesure d'expliquer quels sont les aides ou les financements disponibles pour ce genre de travaux... Ce n'est pas simple ! Il faut qu'il ait une compétence technique et financière globale.

Nous avons donc essayé de définir quelles compétences seraient nécessaires pour chaque métier et, une fois cela fait, nous avons décidé de mutualiser ces informations au sein du Club de l'amélioration de l'habitat grâce à E-nergieBAT, un site de e-learning ouvert en septembre dernier avec le soutien de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Ce site propose 32 modules de formation qui seront bientôt complétés par des sujets sur les risques électriques et sur l'accessibilité. Grâce à lui, nous espérons contribuer à une meilleure formation des artisans face aux demandes énergétiques nouvelles, y compris sur la réglementation. Le démarrage de ce site est encourageant : au cours des six premiers mois, plus de 12 000 utilisateurs y ont passé plus d'une demi-heure.

Pourquoi avez-vous mené cette action ? D'autres le font déjà, à travers Feebat par exemple...

C'est la responsabilité de tous les acteurs du bâtiment, aux côtés des organisations professionnelles du secteur : nous tous devons faire remonter le niveau de qualification dans notre secteur si nous voulons réussir sur le marché de la performance énergétique.

La maîtrise d'œuvre montre souvent la voie dans la recherche de nouvelles compétences. L'industriel, lui, doit fournir des argumentaires clairs sur toutes les situations nouvelles, telles que la RT 2012, bien sûr, mais aussi la réglementation accessibilité. Le négociant doit apporter des compléments à un juste niveau de pédagogie pour que l'artisan dispose de toutes les informations qui lui sont nécessaires. Et l'artisan doit acquérir les compléments de connaissances qui lui sont indispensables pour proposer une offre complète. Au Club de l'amélioration de l'habitat, nous avons même imaginé d'aider le particulier à poser les bonnes questions grâce à un autre site, actuellement en développement.

En quoi l'exigence de performance énergétique va-t-elle modifier les métiers du bâtiment ?

D'abord parce qu'elle suscite l'émergence de nouveaux métiers, comme celui de thermorénovateur, par exemple. Ensuite, parce qu'elle suppose souvent une assistance à maîtrise d'ouvrage et le développement des métiers de courtage assisté. Enfin, je le répète, et sans doute surtout, parce que même pour les métiers traditionnels elle exige un très important effort de formation - « en présentiel » ou par e-learning - pour lequel les entreprises devraient se rendre disponibles et dégager le temps nécessaire.

Cela vous semble-t-il réaliste ?

Oui, si l'on accepte de monter l'escalier normalement et pas en sautant des marches. Il faut élaborer un planning de mise en place des sujets traités, faire preuve d'imagination et adapter les formations aux différents types de besoin et aux diverses catégories d'acteurs de la filière. L'objectif final est d'arriver à un niveau de qualification des différents acteurs qui assure au client une prestation de qualité.

Cela vaut-il pour d'autres sujets que l'énergie ?

Oui, bien sûr, j'ai déjà parlé de l'accessibilité mais j'aurais pu évoquer la santé, qui est un sujet d'avenir. Cette question aussi est complexe, il faut l'aborder en imaginant une pédagogie adaptée aux artisans. Il s'agit d'une voie de progrès incontournable.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2011-6/mieux-travailler-ensemble.html?item_id=3093
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