est premier vice-président du conseil régional Champagne-Ardenne et chef d'entreprise.
Une dynamique régionale à achever
La formation professionnelle
et l’apprentissage sont les premières compétences de
plein exercice qui ont été transférées aux
Régions. Au fil des ans, les transferts de compétences se
sont succédé, et on peut considérer qu’au 1er
janvier 2005, le niveau régional sera réellement le «niveau
total de compétence» dans ce domaine. À cette date,
l’État gardera la compétence Emploi, et les Régions,
la compétence Formation. D’ici là, bien des difficultés
devront être surmontées pour que les Régions jouent
pleinement leur rôle.
Localement, les politiques de
formation imposent un partenariat fort entre les principaux acteurs et
financeurs que sont l'État, les partenaires sociaux et les Régions.
Si l'État déconcentré et le conseil régional
ont fait la preuve de leur capacité à mettre en commun leurs
moyens au service d'une politique régionale de l'emploi, de l'éducation
et de la formation, il s'avère plus difficile de mettre en place
un véritable schéma régional des formations qui inclurait
les actions de formation menées en entreprise.
Les partenaires sociaux sont habitués
à discuter et négocier entre eux au plan national. Ils rendent
compte de leurs échanges au gouvernement. Ils sont encore trop
peu décentralisés et il est donc difficile de les intégrer
réellement dans un plan régional global. Les fonds de la
formation et de l'alternance sont pour eux un véritable «
jardin secret ». Il y a un manque évident de transparence
qui se ressent dans la difficulté à mettre noir sur blanc
les plans ou actions de formation en alternance au niveau d'une branche
ou d'un bassin d'emploi. Cela freine une véritable dynamique régionale
pour l'emploi et la formation.
Double défi
Le système français était conçu
de telle sorte que l'on se formait une fois pour toutes quand on était
jeune. On était orienté de manière plus ou moins
autoritaire dès l'adolescence. Il n'y a pas longtemps encore, dans
des bassins à mono-activité, le parcours d'une personne était prédéterminé
à sa naissance.
Alors que des mutations profondes s'opèrent dans
la formation professionnelle, nous devons relever tous ensemble le double
défi de l'orientation et de la formation tout au long de la vie.
Or, notre société est en panne, les intérêts
individuels semblent s'opposer aux intérêts collectifs. Les
réformes sont difficiles à mettre en œuvre, car il
y a la force d'inertie du statu quo et des avantages acquis. Il nous faut
tenir compte des possibilités et des aspirations de chaque individu,
et, en même temps, intégrer ces données individuelles
dans le projet collectif d'une communauté de travail. Le pari à
faire est bien de savoir concilier ce qui paraît inconciliable,
à savoir la formation individualisée et l'intégration
dans une démarche de groupe.
Reclassements difficiles
Lors des plans sociaux, on s'aperçoit que de nombreux
salariés n'ont eu aucune formation pendant les nombreuses années
passées en entreprise. Certains n'ont pas acquis en formation initiale
les savoirs de base. Il est donc très délicat pour les cellules
de reclassement de les réintégrer dans le circuit de l'entreprise.
On s'aperçoit souvent que le plus difficile dans la formation est
de donner ou de redonner le goût d'apprendre aux individus, et ensuite
de les aider à « apprendre à apprendre ». C'est
ce qui fait passer de la formation subie ou assistée à la
formation voulue et responsable.
C'est cette problématique globale de l'orientation
et de la formation tout au long de la vie que les régions doivent
assumer, en impulsant les formations initiales ou continues et en fédérant
tous les partenaires autour d'un objectif majeur : permettre à
chaque citoyen de réaliser son projet de vie et à chaque
entreprise ou service public ou privé de trouver les collaborateurs
dont il a besoin. Le centralisme débouche toujours sur l'obligation
et sur l'uniformisation, alors que la décentralisation facilite
l'individualisation des rapports et la prise en compte des spécificités
locales ou individuelles.
Orientation tout au long de la vie
En ce qui concerne l'orientation tout au long de la vie,
les régions doivent en assumer l'animation et la coordination.
Compte tenu de leur compétence globale en matière de formation
professionnelle et d'apprentissage, elles doivent veiller à ce
que chaque citoyen, jeune ou adulte, puisse trouver une information concrète
sur les métiers. Cette information doit être la même
quel que soit l'âge ou le statut du demandeur.
Actuellement, l'Éducation nationale oriente les
jeunes en fonction de ses propres critères, qui ne tiennent pas
toujours compte de la réalité économique ni de la
réalité du monde de l'entreprise. On a parfois l'impression
que le jeune est orienté par défaut, et qu'il va dans les
classes où il y a de la place. Il faut donc l'aider à découvrir
sa vocation et à la tester au travers de découvertes ou
stages en entreprise. La culture du travail collectif doit être
donnée très tôt. Le système français
est entièrement fondé sur les diplômes. Le message
a été pendant longtemps qu'il fallait que 80 % des jeunes
aient le bac. Cela sous-entendait que ceux qui ne l'avaient pas n'avaient
pas de chance de s'intégrer sur le marché du travail. Cela
a eu des effets très pervers. D'une part, on a incité les
jeunes à rester le plus longtemps possible dans le circuit de l'Éducation
nationale et donc, à retarder au maximum leur entrée dans
la vie active. D'autre part, on a laissé croire à leurs
parents, les adultes actifs qui étaient plus de 50 % à ne
pas avoir de diplôme, qu'ils étaient en sursis dans leur
entreprise.
Les Régions doivent œuvrer à réconcilier
les salariés avec leur métier et à orienter les jeunes
vers ces métiers qui recrutent. Il leur faut donc faire connaître
les entreprises dans leur réalité quotidienne. Le Benelux
a mis sur pied le premier dimanche d'octobre, la Journée de l'entreprise
(JDE), qui attire plus de 2 millions de visiteurs. C'est l'événement
qui déplace le plus de monde dans l'année, avant la Journée
du patrimoine. La région Champagne-Ardenne vient de lancer la même
opération pour permettre aux jeunes et aux adultes de découvrir
tranquillement les entreprises et leurs métiers. Le succès
des deux premières manifestations incite à pérenniser
la démarche.
Le nouvel accord des partenaires sociaux sur la formation
professionnelle continue est une réelle avancée. Il va permettre
aux salariés de mieux s'adapter aux évolutions économiques
et aux évolutions de leur métier. La grande innovation est
que chaque salarié possède désormais un droit personnel
à la formation. La formation tout au long de la vie devient donc
une réalité et même un droit qu'il va falloir intégrer
dans les programmes régionaux de formation. La validation des acquis
et des compétences en sera l'outil central, et il devra être
géré par les Régions.
Ne pas oublier les publics en difficulté
À côté des jeunes de mieux en mieux
orientés selon leur vocation et des adultes ayant le droit de se
former suffisamment pour conserver leur emploi ou pour y progresser, il
va rester un noyau dur que constituent les publics en difficulté.
L'Éducation nationale laisse sortir chaque année depuis
longtemps environ 10 % d'une classe d'âge sans qualification. Les
entreprises, de leur côté, se sont séparées
de nombreux salariés sans qualification auxquels elles n'avaient
fourni aucune formation.
Les Régions demandent clairement une extension
de leurs compétences à l'ensemble des demandeurs d'emploi,
quel que soit leur âge, pour mener une politique cohérente
et efficace de formation à l'écoute des besoins des entreprises.
L'Afpa décentralisée serait un outil complémentaire
efficace pour mener à bien cette délicate mission. C'est
d'autant plus nécessaire qu'à partir de 2006 apparaîtra
un double phénomène de ciseau, avec le départ à
la retraite des « papy boomers » et l'arrivée sur le
marché du travail de jeunes de moins en moins nombreux. Chaque
Région aura donc besoin de toutes ses forces vives.
Une décentralisation à achever
La Champagne-Ardenne s'y prépare en ayant créé
une école régionale de la deuxième chance, qui, cas
unique, couvre l'ensemble du territoire régional avec ses quatre
antennes départementales. C'est un processus individualisé
d'insertion sociale et professionnelle dans la durée (2 à
3 ans) avec une alternance très forte en entreprise.
Les vagues successives de décentralisation ont
clairement renforcé la compétence de droit commun des Régions
en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. Même
si des contrats de branche sont signés régionalement, il
reste à inté-grer concrètement le monde de l'entreprise
dans les schémas et programmes régionaux de formation. L'apprentissage,
filière noble de formation, doit être davantage valorisé,
ce qui implique qu'il soit considéré comme une orientation
normale par l'Éducation nationale, et que les chambres consulaires
participent davantage à son fonctionnement. La dernière
étape à franchir pourrait consister en la mise au point
d'une véritable compétence partagée au niveau de
la formation des salariés.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/une-dynamique-regionale-a-achever.html?item_id=2539
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