est secrétaire confédéral de Force Ouvrière en charge du secteur formation permanente / emploi / assurance-chômage.
Les trois acquis de l'accord du 20 septembre 2003
Les observatoires prospectifs
des métiers et des qualifications, le plan de formation et le droit
individuel à la formation constituent les dispositifs essentiels
de l’accord interprofessionnel sur la formation continue, selon Force
Ouvrière, l’un des syndicats signataires.
Plus personne aujourd'hui ne
doute du bouleversement que nous allons connaître dans la seconde
partie de la décennie dans laquelle nous sommes déjà
bien engagés. En 2006, les 50-60 ans vont devenir plus nombreux
dans notre population active que les 20-30 ans. Nous n'avons jamais connu
un tel renversement de la pyramide des âges, ce qui nous prive de
toute référence pour en mesurer les conséquences
sur la structuration à venir de notre marché du travail.
Il est pourtant clair que cette
évolution se traduira par des tensions sérieuses en termes
de qualifications disponibles pouvant aller, dans certains secteurs perçus
aujourd'hui comme peu attractifs, jusqu'à de réelles et
quasi insurmontables pénuries de salariés qualifiés.
L’inégalité d’accès
à la formation
Faut-il pour autant sombrer dans le pessimisme ? Non.
Nous croyons que ces constats vont concourir à mobiliser les entreprises
et les branches. Nous avons le devoir de nous interroger sur l'utilité
et la capacité des instances ou des institutions dont la fonction
consiste à anticiper et à accompagner le mouvement. Il serait
incompréhensible de faire porter aux entreprises ou aux salariés,
seuls, la responsabilité de l'analyse structurelle et prévisionnelle
des besoins.
Statistiquement, une femme non qualifiée dans
une TPE avait, en 2001, 25 fois moins de possibilités d'accéder
à une action de formation continue qu'un homme, ingénieur,
travaillant dans une entreprise de plus de 500 salariés.
Au-delà du constat, navrant de banalité,
qui veut que « la formation aille à la formation »,
il convient de nous préoccuper de la déperdition énorme
que génèrent ces inégalités en termes de motivation,
d'efficacité et de profit humain et matériel.
Comment débusquer et provoquer l'expression des besoins en formation
continue en présence de formation initiale faible ou même
inexistante ? Comment convaincre toutes les entreprises, y compris les
plus petites, de l'impérieuse nécessité d'impulser
des actions permettant de mieux mobiliser leurs ressources internes ?
Comment montrer que la vie professionnelle, affectée aujourd'hui
de nombreux facteurs d'instabilité, ne peut plus se concevoir comme
une suite d'actes mécanisés et répétitifs
?
Tels étaient les enjeux placés devant les
négociateurs de l'accord interprofessionnel sur la formation professionnelle
continue. Les avons-nous relevés ? L'avenir le dira. Il paraît,
a priori, évident que toutes les parties engagées dans la
négociation en avaient saisi l'importance et qu'une volonté
partagée d'aboutir existait.
La promotion interne : un vain mot ?
Alors que la démographie est un élément
déterminant de l'évolution de notre population active pour
les vingt prochaines années, le paradoxe réside dans la
coexistence de pénuries de qualifications et d'un chômage
élevé. En outre, par une précarisation accentuée
du travail, nous nous privons des stabilités nécessaires
pour développer de hautes qualifications en négligeant les
acquis de l'expérience.
Il apparaît important que les entreprises se persuadent
qu'elles négligent leurs savoir-faire internes et que le management
de communication, pour utile qu'il soit, n'est pas un élément
déterminant de leur pérennité.
Au cours de la longue période de chômage
de masse que nous avons vécue, des habitudes ont été
prises, de mauvaises habitudes, fondées sur l'espoir que les recrutements puissent se faire sans efforts de prospection, qu'on puisse embaucher
à des conditions de diplôme et d'expérience qui soient
au-delà de ce qui était strictement nécessaire avec
un supplément de coût très faible. Les comportements
de recrutement vont changer et l'introspection de l'entreprise devenir
une condition première pour faire évoluer les définitions
de postes et pourvoir les emplois vacants.
La récente négociation interprofessionnelle
relative à la formation professionnelle a montré le degré
de préoccupation des interlocuteurs sociaux quant à ces
risques de pénuries de qualifications qui, observables pour certaines
dès maintenant, ne pourront que s'amplifier dans les années
à venir.
Les observatoires prospectifs
Trois dispositifs principaux structurent l'accord.
D'abord, les signataires ont décidé, dans
une démarche volontariste, que toutes les branches professionnelles
devront être dotées, dès la mi-2004, d'un observatoire
prospectif des métiers et des qualifications. Cela constitue un
outil pour permettre de raisonner à partir de données les
plus objectives possibles.
Dans toute prospective, il existe une marge d'erreur.
La démarche est-elle pour autant invalide ? Assurément non !
L'établissement d'un diagnostic permet de réfléchir
à la définition même de nouvelles qualifications et,
surtout, aux moyens de les acquérir. En ce sens, il doit être
admis que la spécialisation des formations professionnelles sera
directement liée à la fiabilité de la prévision.
L'accord interprofessionnel se place donc dans une logique
de prospective, non seulement pour la formation, mais aussi pour l'emploi.
Il existe ainsi une double nécessité d'anticipation
: au niveau de l'entreprise et de la branche, pour percevoir les spécifications
des métiers, et au niveau interprofessionnel, pour faire apparaître
les transversalités qui modifient, parfois profondément,
l'exercice professionnel.
Le plan de formation
À partir de ces observations, les CPNE (Commissions
paritaires nationales de l'emploi) devront énoncer les priorités
de formations dont seront informées toutes les entreprises, y compris
leurs instances représentatives du personnel. C'est sur ces bases
que pourront être élaborées les actions constituant
le plan de formation.
L'accord définit trois catégories d'actions
dans le cadre du plan de formation de l'entreprise et instaure un régime
de rémunération pour la formation hors temps de travail.
L'employeur devra structurer ce plan en distinguant :
- Les actions qui accompagnent l'évolution du poste de travail. Elles
se déroulent totalement pendant le temps de travail. Le salarié
conserve son salaire normal. C'est le cas le plus simple. Exemple : si
une nouvelle machine remplace la précédente, il faut que
le salarié soit formé à l'utilisation de ce nouvel
outil.
- Les actions de formation liées à l'évolution des
emplois et au maintien dans l'emploi. Les heures de formation sont rémunérées
au taux normal. Toutefois, si l'horaire collectif de travail est dépassé,
ces heures, dans la limite de cinquante, ne s'imputent pas sur le contingent
d'heures supplémentaires. Pour comprendre ce type de formation,
on peut l'illustrer par le cas d'un ouvrier soudeur qui soudait «
à main levée » et qui suit une formation pour piloter
un automate de soudure. C'est le même emploi, mais avec une importante
évolution technologique.
- Les actions de formation qui ont pour objet le développement des
compétences. Ces actions doivent participer à l'évolution
de la qualification générale du salarié, et donner
lieu à une reconnaissance par l'entreprise. Le temps passé
à ces formations peut se dérouler en dehors du temps de
travail dans la limite de quatre-vingt heures par an. En ce cas, le salarié
bénéficie, pour chaque heure accomplie, d'une allocation
de formation qui correspond à 50 % de sa rémunération
nette de référence. L'entreprise doit préciser ses
engagements avant le départ en formation. Ils portent sur les priorités
d'accès aux emplois disponibles correspondant aux connaissances
acquises, l'attribution de la classification et la prise en compte des
efforts accomplis par le salarié.
Il y a, dans ces dispositions, une véritable source
de dialogue social. L'absence de prise de conscience face aux enjeux d'un
tel exercice prospectif risquerait de conforter certaines entreprises
dans leur approche utilitariste et à court terme du marché
du travail comme vivier de main-d’œuvre immédiatement
opérationnelle. Sous ce prétexte de « manque de visibilité
», elles laisseraient à la charge de la collectivité
tout ce qui leur semble ne pas concourir à leurs besoins immédiats
et qui pourtant forgent la force de travail (formation initiale et continue
principalement).
Le droit individuel à la formation
Le droit individuel à la formation (DIF) est vraisemblablement
la principale innovation de l'accord. Son but est de réduire les
inégalités d'accès à la formation et de donner
au salarié les moyens d'être « acteur » de son
parcours professionnel.
Ce droit est de vingt heures par an, cumulables sur six
ans dans la limite de cent vingt heures. Si la formation a lieu hors du
temps de travail, le salarié bénéficiera d'une allocation
de formation d'un montant de 50 % de sa rémunération nette.
Le salarié prendra l'initiative de l'utilisation de ce nouveau
droit. Il informera l'employeur de son désir et définira
avec lui l'action de formation qu'il pourra suivre.
Dans le cadre du DIF, le salarié pourra élaborer
et mettre en œuvre, conjointement avec son employeur, un projet professionnel,
au regard des besoins en qualification de son entreprise et de son désir
de développer ses connaissances, ses compétences et ses
aptitudes professionnelles. L'évolution se conçoit désormais
comme un parcours individuel qui sera ponctué d’étapes
: bilans, reconnaissance des qualifications, formations…
Il convient, ici, d'intégrer les perspectives
que nous ouvre une validation des acquis de l'expérience bien comprise
et bien conçue. Au-delà du fait que celle-ci doit revêtir
un caractère dynamique, c'est-à-dire entraîner le
salarié dans une démarche de développement de ses
capacités, elle peut permettre de conforter les constats faits
au regard de la recomposition des métiers.
Le droit individuel à la formation constitue-t-il
pour autant cet « élément psychologique » susceptible
de déclencher l'envie de se former ? L'accord n'est qu'un menu
proposé aux salariés, à condition que ces derniers
aient de l'appétit. Il est clair que l'information, l'accompagnement
et l'incitation que devront créer les interlocuteurs sociaux et
les pouvoirs publics, notamment territoriaux, seront déterminants.
Le rôle des organismes de formation apparaît, lui aussi, comme
essentiel dans leur capacité et leur volonté de proposer
une offre de formation adaptée, en termes de public et de proximité.
Nous pouvons, sans fausse modestie, juger cet accord
« important », en laissant à l'avenir le soin de le
qualifier éventuellement d'« historique ». C'est maintenant
en «acteurs», employeurs, salariés, pouvoirs publics,
organismes de formation, que nous devons nous saisir de son contenu. À
chacun d'en comprendre et d'en développer le sens profond pour
faire de ce levier un instrument de promotion sociale et de parcours de
réussite dans les entreprises.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/les-trois-acquis-de-l-accord-du-20-septembre-2003.html?item_id=2534
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