est membre (CFDT) du Conseil économique et social de Rhône-Alpes.
Ne pas oublier les territoires
Apprendre tout au long de la
vie est un véritable défi qui nous oblige à repenser
ensemble formation initiale, formation continue, apprentissage et orientation.
Mais aussi à relier tous ces processus au développement
économique et social et à l’aménagement des
territoires. Ce qui passe inévitablement par des stratégies
spatiales, particulièrement régionales, les Régions
encadrant une mise en œuvre interactive de la formation
au niveau local.
Plusieurs évolutions récentes
concourent à faire avancer la réflexion sur une question
sur laquelle la France a du retard par rapport à d'autres pays
européens : l'intégration de l’approche territoriale
dans la politique de développement des compétences. Il s'agit
de :
- la dynamique créée par l'accord national interprofessionnel
du 20 septembre 2003,
- la décentralisation et, au-delà, la montée du rôle
des espaces de l'Europe, la région, l'agglomération et le
pays,
- la stratégie européenne d'orientation et d’éducation
tout au long de la vie,
- la volonté de cette même Union d'être plus compétitive
grâce au développement d'une société de la
connaissance et, mieux encore, de reconquérir une industrie et
une production autonomes.
Pour progresser dans l'analyse,
regardons les domaines appelant une intervention territoriale qu’il
faut absolument concevoir comme complémentaire, et non concurrentielle,
des stratégies nationales, de branches et d'entreprises.
Un parcours régional ou local
Le parcours orientation/formation/emploi des individus :
qui dit parcours dit paysage. Celui des opérateurs, voire des
techniciens, est très largement régional ou local. C'est
bien là que se résolvent le paradoxe difficultés
de recrutement /chômage mais aussi la connexion si difficile entre
l'offre des entreprises et la demande sociale.
Cette maîtrise de la mobilité est un enjeu
encore plus fort pour les salariés. Les chocs de la mondialisation
et de l'élargissement de l'Europe remettent en question la pérennité
des entreprises et des emplois.
Face à cela, en plus des stratégies existantes,
trois réformes sont nécessaires :
- dépasser le partage existant entre patrons et syndicats, co-construire
une anticipation commune, hors situation de crise, rechercher une vision
prospective et anticipatrice ;
-
assurer au licencié un contrat de travail avec l'entreprise passée
ou à venir ou bien un contrat d'activité ;
- et, enfin, mobiliser les capacités des territoires.
On sait aujourd'hui qu'une entreprise à elle seule
ne peut apporter les garanties nécessaires, mais que cela peut
être le cas de l'interentreprises de proximité ou de branches
territorialisées. Un exemple : dans le contrat État-région
Rhône-Alpes précédent, Medef et CFDT avaient envisagé
un donnant-donnant entre accès rapide des jeunes au travail et
garanties territoriales de promotion et mobilité.
La logique territoriale des PME ou de l’exclusion
Cette logique territoriale se retrouve aussi dans les
évolutions des PME, leur travail en grappes, l'organisation du
dialogue social au travers des commissions paritaires locales, mais également
dans la responsabilité sociale des entreprises, qui est à
la fois une politique volontariste et un investissement à retour
(un environnement prospère, une qualité des territoires
créent un milieu favorable à l'entreprise). Il en va de
même pour la reconquête industrielle lorsqu'il y a dynamisme
et projets des acteurs économiques, bonne réactivité
à la mondialisation, capacité à répondre à
la demande éphémère... Le rapport espace-temps, porté
particulièrement par les femmes cherchant à mieux composer
vie professionnelle, vie au travail, vie en formation et à créer
des conditions satisfaisantes de transport et d'aide aux familles se trouve
également au niveau territorial.
Combler le retard sur l’évaluation
Lutter contre le chômage et les processus d'exclusion
passe aussi par le territoire. On le voit bien dans le partenariat service
public de l'emploi/entreprises pour la mise en œuvre des PARE et
PAP. Face à l'interaction, chez les personnes les plus en difficulté,
de la question de l'accès au travail avec les problèmes
de santé, logement ou illettrisme, il faut des politiques régionales
coordonnées, des programmes globaux de mobilisation locale jusqu'au
quartier, jusqu'à la barre HLM.
Le territoire se révèle également
le champ pertinent où faire avancer la culture de l'évaluation
(là aussi perdure un retard français) : évaluation
des politiques publiques, des services publics, mais aussi évaluation
des compétences. Les Régions, déjà aux commandes
sur l'orientation, les bilans de compétences… sont appelées
aujourd'hui, de par leurs compétences, à appuyer la valorisation
des acquis de l'expérience et son développement dans les
entreprises en essayant d’éviter des systèmes trop
complexes.
Quelles locomotives ?
Reste enfin le chantier de la citoyenneté, de
la démocratie participative, de la démocratie sociale. La
citoyenneté individuelle du vote doit être complétée
par une citoyenneté plus permanente et collective : celle des corps
intermédiaires. La société civile doit prendre beaucoup
plus de place et de responsabilités, et ainsi dépasser le
jacobinisme du « tout au politique », même quand il
est de proximité. L’idée avance dans l'espace régional
et commence à prendre corps dans les conseils de développement
des agglomérations et des pays. Il n'est plus possible d'en rester
uniquement à un vote là où on dort, qui n'a rien
à voir avec là où on travaille, là où
on traite sa santé, là où on se cultive…
Territoires de projets, territoires apprenants, territoires
citoyens font progresser négociation et contrat et reculer culture
de mesures, de guichet, de sébile. Au-delà, ils apportent
leur contribution à la question : « Quelles sont les locomotives
aujourd'hui les plus pertinentes du développement économique
et social ? »
La tradition française (de Colbert à de
Gaulle) donne ce rôle à l'État, aux grandes entreprises
et aux centres de recherche. Ce qui s’est traduit notamment par le
développement des pôles de hautes technologies irriguant
la création d'entreprises, vision qui n'est plus que partiellement
pertinente.
De nouveaux facteurs de progrès
Partir de la problématique de « l'attractivité
du territoire » fait progresser les réflexions. Ainsi, dans
les agglomérations où habitent 80 % des populations :
- la dégradation des quartiers,
- le poids important de populations prises dans les processus d'exclusion,
-
une situation d'asphyxie (déplacements, logement…),
ont des conséquences négatives en termes
de développement économique.
A contrario :
- la cohésion sociale et urbaine,
-
des infrastructures à la hauteur,
-
une bonne offre de logements et de transports,
-
la qualité des services publics et privés, de la formation,
de l'environnement, de la convivialité, de la vie et de la culture
des quartiers,
-
un bon urbanisme commercial,
sont a priori autant de facteurs bénéfiques
à la création de richesses et de compétences.
Autrement dit, une agglomération tirée
uniquement par une locomotive « nouvelles technologies » est
très fragile. Son atout, c'est la qualité globale prise
comme élément fédérateur et structurant.
Débattre et s'engager dans une stratégie
territoriale, dans une vision et une organisation territorialisées
du développement économique, c'est apporter une forte plus-value
économique et une augmentation des richesses à partager.
Cette approche s'appuie sur l'émergence de nouveaux facteurs de
progrès :
- une vraie intégration des milieux urbains et ruraux, avec négociation
de l'échange des produits locaux et du partage de l'espace,
- l'implantation de pôles de commerces de proximité, de zones
artisanales de qualité bien situées,
- une meilleure diffusion des produits à forte valeur ajoutée,
- le soutien aux réseaux ou grappes de PME,
- une formation généralisée à l'innovation,
à la culture entrepreneuriale,
- la valorisation du caractère cosmopolite et multiculturel des populations,
- le bon équilibre dans les relations espace/temps (Bureau des Temps…),
- le dynamisme des acteurs territoriaux, avec entre autres, la montée
du rôle et des points de vue des femmes,
- la qualité des interfaces éducation, recherche, production…
Il s'agit, en somme, d'une vision qui intègre
pleinement et de façon moderne l'économique et le social,
en faisant de la promotion des potentiels humains, des qualités
et diversités de l'emploi, de l'intelligence collective, de la
démocratie participative et de la citoyenneté active, les
moteurs du développement économique et social et de l'élévation
générale du niveau des compétences.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/ne-pas-oublier-les-territoires.html?item_id=2540
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