est directrice des ressources humaines du groupe Bayard.
Anticiper la gestion des compétences
Les techniques de gestion prévisionnelle
des emplois mises en place voici une vingtaine d’années dans
le cadre de lourdes restructurations sectorielles laissent la place à
la gestion anticipée des compétences collectives.
Les grandes restructurations d'il
y a quinze ou vingt ans dans des secteurs comme la sidérurgie ou
la banque avaient engendré des démarches de gestion prévisionnelle
des emplois (GPE), voire de gestion prévisionnelle des emplois
et des compétences (GPEC).
Ces démarches privilégiaient
l'aspect quantitatif compte tenu de leur vocation à gérer
des événements collectifs (restructurations, redéploiements…).
Elles s'appuyaient sur des outils, certes très utiles (cartes des
emplois, des métiers, référentiels de compétences,
par exemple), mais qui étaient à cette époque exhaustifs
et complexes. Cela les rendait lourds à utiliser et compromettait
la réactivité qui était pourtant recherchée
lors de leur élaboration.
La rapidité des évolutions
du périmètre des entreprises par concentrations, fusions,
cessions, ainsi que l'incertitude pesant actuellement sur quasiment tous
les secteurs de l'économie, rendent de plus en plus complexe la
prévision en matière d'emploi au sens quantitatif du terme.
Des systèmes de veille
Parallèlement, les évolutions rapides de
certains métiers du cœur de l'entreprise liées à
l'internationalisation, au développement des technologies, à
la simplification des process de production, par exemple, nécessitent
la mise en place de systèmes de veille. Cette veille s'exerce,
d'une part, sur les grandes tendances d'évolution des métiers,
qu'il s'agisse de création, de modification de leur contenu ou
de disparition, et, d'autre part, sur l'identification et l'évaluation
quantitative et qualitative des populations concernées, auxquelles
il convient d'apporter une attention particulière pour développer,
faire évoluer leurs compétences ou maintenir leur employabilité.
Si l'on prend également en considération
l'analyse classique des données démographiques et des indicateurs
sociaux de l'entreprise, en particulier dans le contexte actuel de l'allongement
de la durée de vie au travail, on perçoit aisément
la nécessité d'anticiper la gestion des compétences
collectives de l'entreprise.
Les perspectives de devoir maintenir, développer
les compétences et la motivation au travail de salariés
plus âgés, et de gérer dans un avenir proche de nombreux
départs à la retraite, obligent les directions d'entreprise
à anticiper à la fois en termes d'emploi mais surtout de
compétences.
Une gestion individualisée des ressources
humaines
Intégrer l'ensemble de ces évolutions (économiques,
technologiques, démographiques…), c'est mettre en œuvre
une gestion anticipée des compétences collectives, c'est-à-dire
un système de gestion des ressources humaines qui permette acquisition,
maintien, développement ou abandon de telles ou telles compétences.
Au cœur de ce système : un investissement
important en formation et une véritable gestion des carrières.
La gestion anticipée des compétences collectives repose
en effet sur une gestion individualisée des ressources humaines.
La mise en place d'outils de gestion collective reste
indispensable pour permettre une gestion individualisée efficace.
Les outils d'aujourd'hui reposent sur des principes identiques à
ceux qui avaient présidé à la mise en place des premiers
outils de gestion prévisionnelle des emplois, mais ils sont plus
simples et, par conséquent, d'une mise en œuvre plus réactive
et plus opérationnelle : la carte des métiers se limite
aux métiers et fonctions clés de l'entreprise, les compétences
associées sont, elles aussi, limitées aux compétences
clés et les métiers et populations « sensibles »
sont identifiés pour faire l'objet d'analyse et de décisions
particulières.
Mais cette « instrumentation » n'aura d'impact
sur la vie et les résultats futurs de l'entreprise qu'à
la condition indispensable d'intégrer ces référentiels
dans la gestion individuelle et opérationnelle des ressources humaines
au quotidien.
L'entretien annuel et l'évaluation des compétences
par le responsable hiérarchique prennent une place privilégiée
dans la gestion anticipée des compétences, puisque c'est
en fonction de cette évaluation que sont prises les principales
décisions de GRH : développement des compétences
(formation, nouvelle affectation, évolution professionnelle…),
recrutement pour compléter les compétences de l'équipe
ou de l'entreprise, mais également la rétribution qui a
un impact sur la motivation des collaborateurs.
Une gestion différenciée selon
les secteurs
Dans les secteurs d'activité où les process
de production restent très structurants (contextes à forte
connotation technique et industrielle), où la convention collective
segmente fortement les qualifications, la gestion des compétences
est axée sur les métiers et les postes, et elle reste très
collective. Le contenu des postes est précis, et son évolution
peut être plus facilement anticipée. La gestion anticipée
peut donc être plus quantitative (par exemple : « Combien
me faut-il d'opérateurs avec cette qualification au regard de mon
organisation du travail, combien en recruter, muter, etc. ? »),
plus collective (« Quelles formations donner pour telle catégorie
de métiers en fonction des évolutions prévues et
des compétences nécessaires à terme ? »), et
les compétences acquises peuvent déboucher sur une qualification.
Une gestion individuelle des compétences pourra
se faire en parallèle, avec le risque d’en limiter la portée,
tout au moins en termes d'évolution de la qualification.
Dans les métiers des services (ingénieurs,
informaticiens, par exemple) ou les métiers intellectuels (chercheurs,
consultants, journalistes… ), parler de poste n'a que peu d'intérêt.
Il s'agit davantage de fonctions organisées selon les ressources
internes, la priorité à donner à tel ou tel type
de compétences.
L'anticipation porte sur un besoin en compétences
qui ne correspondent pas nécessairement à celles d'un poste
prédéterminé. Le besoin peut évoluer dans
le temps, et le profil nécessaire évoluera aussi. La gestion
anticipée des compétences est donc plus individualisée,
plus souple et pourra également avoir un impact sur la constitution
des équipes et l'évolution de l'organisation.
Un rôle partagé dans l’entreprise
L'évaluation régulière des compétences
existant dans l'entreprise et au sein des équipes, l'évaluation
des compétences individuelles des collaborateurs et l'évaluation
des besoins futurs sont des enjeux majeurs pour l'entreprise, impliquant
direction générale, managers opérationnels et fonction
ressources humaines.
C'est par rapport aux orientations stratégiques
pour l'entreprise que les besoins futurs sont déterminés.
L'évaluation des compétences détenues et nécessaires
est partagée entre les managers opérationnels et la fonction
ressources humaines. Enfin, les mesures prises pour adapter les compétences
collectives actuelles aux besoins futurs concernent également managers
opérationnels et fonction ressources humaines, qu'il s'agisse de
la formation, de la mobilité, du recrutement ou de la constitution
du vivier de compétences internes qui seront mobilisées
demain.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/anticiper-la-gestion-des-competences.html?item_id=2541
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