Thérèse de LIEDEKERKE

est directeur des Affaires sociales de l'Unice (Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe).

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L'Europe, catalyseur et lieu d'échanges

Chaque pays doit découvrir lui-même la meilleure façon d’effectuer la transformation qui permettra à l’apprentissage tout au long de la vie de devenir réalité. Mais l’Europe peut être un catalyseur de changement et un lieu d’échanges où l’expérience d’autres pays sert de source d’inspiration ou permet d’éviter des erreurs. Elle offre aussi le cadre nécessaire pour lever les obstacles à la mobilité transfrontalière au sein du marché unique.

Depuis 2001, les échanges d'expériences s'organisent en fonction d'objectifs communs adoptés dans le cadre de la stratégie pour la croissance et l'emploi visant à faire de l'Europe l'économie fondée sur la connaissance la plus compétitive au monde. Un rapport sur la mise en œuvre de ces objectifs est préparé chaque année par la Commission et débattu au Conseil par les ministres de l'Éducation.

Les autorités publiques européennes ne sont cependant pas seules à agir dans ce domaine. L'éducation et la formation occupent une place importante dans le dialogue social européen. Depuis son lancement en 1986, les partenaires sociaux européens ont adopté quarante-sept textes communs, dont quinze traitent d'éducation et de formation. L'initiative la plus récente est le cadre d'actions sur le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie adopté au mois de mars 2002.

Une démarche sur les compétences et les qualifications

L'originalité de cette nouvelle démarche sur les compétences et les qualifications tient tant au contenu qu’à la méthode. S'agissant du contenu, le texte préconise une approche nouvelle de la problématique de l'apprentissage tout au long de la vie. La notion de « compétences », au cœur de la réflexion, y est définie comme les savoirs, les aptitudes et les savoir-faire mis en œuvre et devant être maîtrisés dans une situation professionnelle donnée par opposition aux « qualifications » entendues comme l'expression formelle des capacités professionnelles du salarié reconnues au niveau national ou sectoriel. La question de l'apprentissage tout au long de la vie y est donc abordée sous l'angle du fonctionnement du marché du travail plutôt que celui des systèmes de formation.

L’impact du cadre d’actions sur les Etats membres

À partir d'études de cas concrets, les partenaires sociaux européens ont défini quatre domaines d'action prioritaires :

  1. l'identification et l'anticipation des besoins en compétences et en qualifications ;
  2. la reconnaissance et la validation des compétences et des qualifications ;
  3. l'information, l'accompagnement et le conseil ;
  4. les ressources.

Ils se sont engagés à :

  • promouvoir ce cadre d'actions dans les États membres ;
  • faire chaque année un bilan des actions nationales réalisées sur les quatre priorités identifiées ;
  • présenter une évaluation de l'impact des quatre priorités tant sur les entreprises que sur les salariés en mars 2006. Cette évaluation pourra conduire à la mise à jour des quatre priorités identifiées.

Le premier rapport sur la promotion du développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie a été publié par les partenaires sociaux européens en mars 2003. Il indique clairement que la mise en œuvre du cadre d'actions dans les États membres a redynamisé les débats des partenaires sociaux nationaux sur le développement des compétences. Il apparaît en outre que le cadre d'actions a inspiré quatre initiatives du dialogue social sectoriel au niveau européen (dans le secteur bancaire, le textile, cuir et habillement, la métallurgie et l'agriculture).

On distingue quatre types d'actions :

  1. diffusion du cadre d'actions ;
  2. discussion et intégration des priorités dans des conventions collectives ;
  3. promotion de l'approche et des priorités du cadre d'actions dans les enceintes de concertation tripartite ;
  4. projets ciblés sur l'une des priorités définies.

La levée des obstacles à la mobilité transfrontalière

Le second rapport annuel sur le suivi du cadre d'actions sera publié en mars 2004. Comme le premier, il se concentrera sur les initiatives nationales des quinze membres actuels de l'Union ainsi que les actions menées par les partenaires du dialogue interprofessionnel ou sectoriel européen. Cependant, dès 2005, les dix nouveaux États membres de l'Union européenne seront concernés par cet exercice visant à promouvoir le développement des compétences tout au long de la vie.

Un élément clé pour le bon fonctionnement des marchés du travail est la transparence des qualifications car l'opacité constitue un obstacle à la mobilité professionnelle et géographique. Si la levée des obstacles à la mobilité professionnelle reste le champ d'action privilégié des États membres, celle des obstacles à la mobilité transfrontalière relève de l'action communautaire. À l 'origine, l'action de l'Europe s'est essentiellement concentrée sur la reconnaissance mutuelle des diplômes et a donné lieu à bon nombre de directives garantissant la libre circulation des étudiants, d'une part, et la libre prestation de services dans les professions réglementées, d'autre part.

Une telle approche n'est cependant pas transposable pour traiter des professions non réglementées  ou  la  validation  des  compétences  acquises   par  l'apprentissage non formel. En effet, la reconnaissance mutuelle n'est pas une condition préalable à la mobilité des salariés. Dans ces domaines, l'Europe a donc opté pour la promotion de la transparence et créé un CV européen et des suppléments de diplômes afin d'aider les entreprises à faire les bons choix en termes de gestion des ressources humaines, notamment lors du recrutement de salariés d'un autre État membre.

Bien qu'en plein essor, la validation des compétences acquises par l'apprentissage non-formel reste un domaine d'expérimentation en Europe comme ailleurs, d'où l'intérêt des échanges d'expériences internationaux. Ici aussi, l'Europe joue le rôle d'un catalyseur du changement et les acteurs du dialogue social sectoriel européen participent à cette dynamique. La formalisation ou la généralisation de ces expériences doivent cependant être évitées afin de ne pas freiner l'innovation.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/l-europe-catalyseur-et-lieu-d-echanges.html?item_id=2535
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