est président d'Adecco France.
Intérim et formation : une approche originale
Alors que les partenaires sociaux
ont récemment signé l’accord interprofessionnel sur
la formation continue et que le gouvernement vient d’en transposer
les termes dans la loi, il est intéressant de regarder la manière
dont la profession de l’intérim a mobilisé l’outil
de la formation pour répondre aux attentes conjointes des entreprises
et des personnes.
Le cadre particulier du contrat
de travail temporaire et la position d'intermédiaire des entreprises
de travail temporaire ont conduit les partenaires sociaux de l'intérim,
comme les entreprises de la branche, à faire preuve d'originalité
et d'adaptation permanente aux mutations du marché du travail.
À la suite des lois Auroux
de 1982 donnant un nouveau cadre à l'intérim et au contrat
à durée déterminée, les partenaires sociaux
de l'intérim ont été invités à mettre
en place la formation professionnelle au bénéfice des salariés
intérimaires. La problématique de l'adaptation d'un dispositif
de formation, conçu originellement pour des salariés en
contrat à durée indéterminée, à des
salariés sous contrat de travail temporaire s’est alors très
vite posée.
Une construction conventionnelle spécifique
Une seule illustration pour s'en convaincre, celle de
l'articulation entre contrat de travail et formation. La formation professionnelle
n'est possible, au sens de la loi, que dans le cadre d'un contrat de travail.
Or un intérimaire est en contrat de travail (contrat de mission)
dès lors qu'il est en mission auprès d'une entreprise utilisatrice.
Rien que très logique à cela. Il n'était, bien entendu,
pas concevable de soustraire un intérimaire à une entreprise
pour le former, alors que cette dernière fait appel à lui…
pour travailler. Il a donc fallu trouver une autre voie pour rendre effective
la formation au bénéfice des salariés intérimaires.
C'est ainsi qu'a été « inventé », en
1983, le contrat de mission formation, dont l'objet est d'héberger
la formation dans un contrat de travail… hors temps de travail. Dès
cette date Adecco a pu bâtir (et notamment dans le domaine du Bâtiment)
des dispositifs permettant de former les collaborateurs intérimaires
aux compétences recherchées par les entreprises.
Des applications précoces
À partir de cette première pierre, les
partenaires sociaux du travail temporaire ont développé
un ensemble de dispositifs de formations en alternance innovants avec
le souci de leur adaptation permanente aux spécificités
des publics visés. C'est ainsi que le contrat de qualification
intérimaire a été instauré par la profession
du travail temporaire dès 1986. Ce contrat permet, chaque année,
à plus de 1 300 salariés intérimaires Adecco d'acquérir
une nouvelle qualification par alternance de périodes de formation
et de missions en entreprise. Il s'avère être un excellent
vecteur d'attraction de nouveaux entrants pour le secteur du BTP en butte
à une pénurie chronique de compétences.
Cette recherche permanente d'efficacité a donné
lieu à la création, en 1995, du contrat de mission jeunes
intérimaires (CMJI), contrat par alternance qui concentre la formation
en début de contrat et est suivi de missions visant à mettre
en pratique les connaissances acquises. Il s'adresse à un public
de jeunes ayant déjà travaillé trois mois dans l'intérim,
avec pour objectif de maîtriser rapidement les premières
bases d'un métier : chaque année près de 1 000 CMJI
sont signés permettant aux entreprises de mobiliser rapidement
de nouvelles compétences.
Le principe fondateur de la transférabilité
Enfin, partant du constat que les formations de longue
durée montrent leurs limites pour des publics éloignés
de l'emploi, la profession a créé en 2000 le contrat de
mission formation insertion (CMFI). Destiné à des demandeurs
d'emploi éprouvant des difficultés particulières
d'insertion ou de réinsertion (chômeurs de longue durée,
RMIstes, Programme Trace…), le CMFI est un contrat de formation court
(deux à quatre mois) permettant d'inscrire rapidement les personnes
dans le cercle vertueux de l'emploi. Un premier bilan réalisé
par Adecco sur 540 CMFI montre qu'ils représentent un réel
« coup de pouce » pour le retour à l'emploi des publics
visés.
Un des atouts de ces dispositifs est qu'ils s'appuient
sur un principe fondateur de transférabilité. Transférabilité
dans l'emploi : plus de 80 % des formations suivies dans le cadre de l'alternance
par les intérimaires débouchent sur une qualification reconnue
dans la classification d'une convention collective (24 % pour l'ensemble
des contrats de qualification réalisés en France, selon
une enquête menée par l'Agefal en 2000). Transférabilité
des droits : l'ancienneté des intérimaires pour l'accès
à la formation se calcule au niveau de la profession, et non entreprise
par entreprise. C'est d'ailleurs aussi le cas pour l'accès au Cif
(congé individuel de formation).
Dernière innovation en date, et non des moindres,
l'instauration d'un droit individuel à la formation pour les intérimaires
dès octobre 2000. La branche de l'intérim fut également
l'une des premières à prévoir un mode de financement
de la validation des acquis. Ce dispositif s'avèrera particulièrement
adapté à la situation des intérimaires en rendant
possible la reconnaissance des expériences acquises au fil des
missions et en dépassant un horizon jusque-là marqué
par l'absence de diplôme.
91 % des intérimaires sont en emploi à
l'issue de leur formation en alternance. Ce chiffre est d'autant plus
appréciable qu'ils sont 70 % à avoir un niveau de qualification
égal ou inférieur au niveau V.
Une telle performance résulte de la position et
du mode de fonctionnement des entreprises de travail temporaire. De par
leurs réseaux d'agences — Adecco dispose ainsi de 1000 agences
sur le territoire — au plus près des réalités économiques
locales, elles ont une capacité inégalée à
identifier les attentes des entreprises et, par-delà, à
détecter les évolutions dans le contenu des métiers
comme l'émergence de nouveaux besoins en termes de compétences.
En découlent des choix de contenus de formation conduisant à
un débouché quasi assuré en emploi.
Les atouts des réseaux
Au-delà de cet atout de proximité, Adecco a développé
une véritable ingénierie de formation doublée de
moyens d'accompagnement et de tutorat des personnes formées qui
permettent de garantir un parcours de formation de qualité. Ce
point mérite d'être noté, tant nombre de formations
ne vont pas jusqu'à leur terme en raison de l'absence d'un tutorat
puissant et à l'écoute des difficultés rencontrées
par les stagiaires.
Enfin, cette qualité ne serait rien sans une capacité à
identifier, attirer et sélectionner des candidats susceptibles
de suivre les formations proposées, a fortiori sur des métiers
dits « pénuriques ». La proximité y joue un
rôle important, mais aussi un savoir-faire en matière de
détection des compétences et des potentiels de publics peu
habitués à se « valoriser ».
Aujourd'hui où l'on s'interroge sur les solutions à mettre
en place pour réinsérer plusieurs centaines de milliers
de personnes plus ou moins éloignées de l'emploi, l'expérience
et l'approche originales retenues par l'intérim pourraient très
certainement avoir valeur d'enseignement, et constituer un instrument
pour contribuer à la résorption du chômage.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/interim-et-formation-une-approche-originale.html?item_id=2544
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