est directeur des affaires européennes et internationales à la Confédération du patronat allemand (BDA). Elle est présidente du groupe de travail Emploi de l'Unice, membre du Comité du dialogue social européen,
vice-présidente du groupe des employeurs au Comité économique et social européen, et membre du conseil d'administration de l'Organisation Internationale du Travail.
Allemagne : un lien étroit avec la performance des entreprises
Si le système scolaire
allemand est peu efficace, c’est grâce à la formation
en alternance et à l’engagement volontariste des entreprises
que la main-d’œuvre acquiert des compétences, y compris
par des efforts de formation tout au long de la vie.
La formation à travers
la vie devient de plus en plus importante pour la performance des entreprises,
non seulement en Allemagne mais aussi dans l'Europe entière. Cela
est dû essentiellement à trois facteurs :
-
l'accélération du progrès technologique et de l'innovation,
qui fait que les processus de production et les produits ont des cycles
de vie de plus en plus courts,
-
l'internationalisation des échanges éco-nomiques qui touche
un nombre croissant d'entreprises, et notamment les PME,
-
le
vieillissement de la population active, ce qui impose une adaptation constante
des compétences à l'évolution technologique et aux
exigences du marché pour rester « employable ».
La formation à travers
la vie n'est qu'un élément du développement des compétences
des hommes. Elle repose sur le système d'éducation générale
— scolaire et universitaire — et sur le système de formation
professionnelle initiale.
Un système scolaire peu performant
Pour être efficace, la formation à travers
la vie a besoin d'abord d'un système scolaire qui puisse donner
aux jeunes à la fois les connaissances intellectuelles de base
— lire, écrire, calculer — et la capacité de se former
tout au long de la vie. Or, selon les études internationales, notamment
l'étude récente « Pisa » de l'OCDE, le système
allemand d'éducation générale se situe parmi les
moins performants des pays industrialisés. Cette étude confirme,
en principe, ce que les entreprises allemandes ressentaient déjà
depuis longtemps. Le niveau de connaissance de base chez les jeunes qui
quittent le système scolaire et entrent en entreprise pour travailler,
ou pour recevoir une formation professionnelle, se trouve en baisse quasiment
constante. Ceci oblige les entreprises allemandes à dépenser
des sommes importantes pour combler les déficiences du système
scolaire. Ce phénomène est d'autant plus regrettable qu'il
empêche les entreprises d'investir cet argent pour la vraie formation
continue.
Les raisons de cette situation sont multiples. D'abord,
le système scolaire lui-même, c'est-à-dire un système
décentralisé, ce qui va de pair avec l'absence de critères
et de contrôles de qualité pour l'ensemble des Länder allemands.
Ceux-ci détiennent la compétence exclusive en matière d'éducation.
La prédominance de l'école à mi-temps
joue, elle aussi, un rôle négatif. Elle implique que la performance
scolaire des élèves dépend moins de la qualité
des professeurs que du niveau d'éducation des parents. À
cela s'ajoute encore une approche pédagogique fortement enracinée
dans la culture allemande qui privilégie l'évolution libre
et spontanée des enfants par rapport à l'enseignement de
connaissances «dures».
Le système allemand de formation professionnelle
repose sur le principe de l'alternance entre l'entreprise et l'école
professionnelle. Ce système, pratiqué par les entreprises
de manière entièrement volontaire, continue à être
le fondement principal de l'excellent niveau de la main-d’œuvre
qualifiée en Allemagne.
Le rôle essentiel de la formation initiale
en alternance
Le contenu de la formation est déterminé
par les partenaires sociaux, le contrôle de qualité et les
examens sont assurés par les chambres de commerce et d'industrie.
Ce système a deux avantages principaux : primo, le contenu de la
formation est constamment adapté aux besoins des entreprises ;
secundo, la formation en alternance assure une transition facile des jeunes
entre la formation et l'insertion professionnelle, comme en témoigne
le taux très bas de chômage des jeunes en Allemagne.
L'engagement des entreprises pour la formation en alternance
a pourtant été mis à une rude épreuve, en
raison des pressions sur les coûts imposées par la mondialisation
et aggravées par la crise économique des dernières
années. Tout cela a remis notamment en question la tradition selon
laquelle les grandes entreprises formaient un nombre de jeunes qui dépassait
leurs propres besoins en main-d’œuvre, ce dont bénéficiaient
les PME qui étaient souvent les sous-traitants de ces grandes entreprises.
L'Allemagne n'a pourtant pas répondu à
ce problème par l'introduction d'une taxe obligatoire pour les
entreprises comme cela se pratique en France (même si certains partis
politiques proposent l'introduction d'un tel système). La réponse
allemande consiste plutôt à développer les centres
de formation multi-entreprises, centres organisés par les organismes
de formation attachés aux associations patronales régionales
et sectorielles (Bildungswerke der deutschen Wirtschaft). Ces centres
de formation permettent à toutes les entreprises, y compris les
PME, de participer de manière active à la définition
des contenus de la formation et de s'engager, dans la mesure de leurs
moyens, dans des formations de haute qualité.
Une formation continue fondée sur le
volontariat
Tout comme la formation initiale, la formation continue
est également fondée sur le volontariat. Elle est largement
pratiquée par les entreprises allemandes. Une recherche récente
sur la formation à travers la vie en Allemagne de l'Institut de
l'économie allemande (Institut der deutschen Wirtschaft) montre
que, sur 100 salariés, 99 bénéficient de mesures
de formation continue. Selon les estimations de cet institut de recherche,
les entreprises allemandes dépensent 20 milliards d'euros par an
pour la formation continue de leurs salariés.
Dans le domaine de la formation à travers la vie,
ce sont également les associations patronales avec leurs propres
centres de formation qui jouent un rôle de plus en plus important,
notamment pour les PME qui n'ont pas les moyens d'organiser par elles-mêmes
ces activités ainsi que pour des formations qui dépassent
les besoins de l'entreprise individuelle mais qui sont nécessaires
pour assurer l'employabilité des salariés sur le marché
du travail.
Des défis importants
À la lumière de l'évolution économique
et démographique actuelle, les défis pour le système
de formation continue en Allemagne sont nombreux.
- D'abord, il faut créer les conditions nécessaires pour assurer
une progression continue des activités de formation à travers
la vie. Cela ne sera possible que si celle-ci n'est pas perçue
comme relevant uniquement de la responsabilité de l'entreprise.
Les salariés doivent, eux aussi, investir dans leur formation à
travers la vie.
- De même, les pouvoirs publics sont appelés à améliorer
la qualité du système d'éducation générale
en éliminant les déficits au niveau de l'éducation
générale et à développer l'offre de formation
continue générale qui devrait permettre à chaque
individu de mettre à jour ses compétences et d'assurer ainsi
son «employabilité» tout au long de sa vie.
- Ensuite, il faut trouver les moyens et les instruments pour mesurer et
évaluer les compétences acquises par les salariés
de manière informelle sur le lieu du travail.
- Il faut promouvoir le développement des mesures de formation continue
multi-entreprises, qui donnent aux PME un accès direct à
la formation à travers la vie. Mais ces mesures doivent rester
basées sur le volontariat. L'introduction d'une taxe obligatoire
pour la formation est rejetée catégoriquement par les employeurs
allemands, car elle ne ferait qu'augmenter les coûts du travail tout
en conduisant à une mauvaise allocation des ressources ainsi prélevées.
- La formation initiale et la formation continue doivent se concentrer davantage
sur l'entreprise, afin de créer une culture plus « entrepreneuriale
» et de promouvoir la création d'entreprise comme une étape
possible dans la vie professionnelle.
- Enfin, la formation à travers la vie doit se concentrer davantage
sur les compétences interculturelles et internationales. Il faut
poursuivre la promotion des échanges internationaux et de la mobilité
géographique — encouragée par les programmes européens
Leonardo, Socrate, etc. C'est un facteur essentiel de l'achèvement
du marché unique européen.
Au niveau européen, la stratégie de Lisbonne,
qui consiste en un « benchmarking » des initiatives et des
systèmes nationaux de la formation continue, peut fournir des éléments
importants pour le développement et pour l'ajustement des systèmes
pratiqués dans les différents États membres de l'Union
européenne. C'est dans cet esprit que les partenaires sociaux ont
négocié et adopté, au printemps 2002, un cadre d'actions
sur la formation à travers la vie. Ce cadre d'actions doit être
mis en œuvre par les entreprises dans leur pratique quotidienne.
Une conférence européenne sur ce sujet avec des études
de cas concrets, que la BDA a organisée ensemble avec le Medef
et les organisations patronales danoises et autrichiennes en février
2003, a montré que les partenaires sociaux et les entreprises peuvent
s'inspirer mutuellement dans un « learning process » européen
pour améliorer leurs modèles de la formation à travers
la vie.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/allemagne-un-lien-etroit-avec-la-performance-des-entreprises.html?item_id=2525
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