est délégué général adjoint de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM).
Libres réflexions
Formation initiale, alternance,
formation tout au long de la vie, emploi des plus de 50 ans... Les réponses
d’un expert reconnu bien au-delà du secteur de la métallurgie.
Quelles sont, pour vous, les principales faiblesses
du système éducatif français ?
Dominique de Calan : Notre système éducatif
est excellent pour les enfants qui ont une intelligence conceptuelle,
mais tout à fait défaillant pour ceux qui ont une intelligence
expérimentale. Nous nous sommes donc interrogés sur les
moyens de ne pas rejeter une partie des jeunes de ce système et
nous avons développé des formations qui, du CAP au bac professionnel
en trois ans, du bac professionnel au diplôme d'ingénieur
en alternance, sont bien adaptées à des jeunes qui ont besoin
de découvrir un processus pour pouvoir le généraliser.
Pour des jeunes qui ont une intelligence expérimentale,
l'apprentissage se justifie en effet pleinement et les résultats
sont là : en 2004, nous aurons 5 000 élèves en bac
professionnel et 1 500 ingénieurs apprentis ! Au terme de trois
ou quatre ans, nous compterons dans notre branche plus d’un millier
d'élèves suivant un bac professionnel en trois ans.
N'y a-t-il pas d'autres déficiences patentes
du système ?
Pour comprendre les enjeux de demain, il faudrait redéfinir
ce qu'est la culture générale, c'est-à-dire le bagage
de connaissances maîtrisées par un être humain pour
comprendre son environnement. Or, en France, il nous manque une culture
technologique pour bien appréhender ce qui se passe aujourd'hui
autour de nous. Nos concitoyens n'ont, par exemple, pas les moyens de
comprendre le grand débat actuel sur le développement durable.
Nous devons donc demander à l'école et
au collège de donner une connaissance technologique à nos
enfants : en un mot, de leur apprendre bien sûr à lire, à
écrire, à compter — dans une autre langue aussi —, mais
également à maîtriser leur environnement technologique.
À cette culture générale, je dois ajouter la capacité
«d'apprendre à choisir».
À la fin de la troisième ou après
le bac, on demande aux jeunes de s'orienter. Or ils ne savent pas vers
quelles voies se diriger, quels métiers choisir. Leurs parents
n'ont pas non plus les bons réflexes et se conforment trop souvent
à l'objectif social qui leur permet d'avoir le sentiment d'avoir
fait « ce qu'il fallait », tandis que les enseignants se «
lavent les mains » de cette orientation. Pourtant, choisir, cela
s'apprend et, aujourd'hui, nous avons les outils nécessaires pour
contribuer à une orientation intelligente.
Il est difficile pour les parents d'aider leurs
enfants à s'orienter…
Les fédérations de parents d'élèves
devraient s'occuper sérieusement de cette question. Mais c'est
aussi la responsabilité des entreprises, des professeurs et des
élus car ce défaut d'orientation aboutit à des chiffres
monstrueux : 20 à 25 % des élèves d'une classe d'âge
sortent du système éducatif sans diplôme ; plus du
tiers de nos concitoyens démarrent dans la vie sur un échec.
C'est inacceptable !
La réforme de l'enseignement supérieur
dite « LMD » est-elle une bonne chose pour les entreprises ?
Oui, il faut accepter que l'offre de formation supérieure
soit organisée suivant le mode licence-master-doctorat afin que
nos étudiants acquièrent une culture européenne et
que soit ainsi facilitée la mobilité professionnelle au
sein de l'Union européenne. Pour nous, entreprises, cela suppose
que l'on n'oublie pas les filières de formations professionnalisées : après un DUT ou un BTS, la licence professionnelle doit se faire
en alternance, car c'est l'alternance qui constitue la meilleure des portes
d'entrée dans le monde du travail.
Qu'est-ce qui vous semble essentiel dans le
contexte économique actuel pour que la formation débouche
sur un emploi ?
Une des conséquences de la mondialisation, c'est
la revanche du métier. Observez les grands groupes de services
: ils se recentrent sur leurs métiers, pas forcément sur
«l'emploi». Je suis convaincu qu'au troisième millénaire,
les personnes qui maîtriseront un métier et seront mobiles
auront un emploi.
Que pensez-vous de l'accord sur la formation
continue ?
Cet accord et extrêmement intéressant car
il réforme le système existant en profondeur en apportant
cinq révolutions :
- d'abord, il met en place la co-décision : dans chaque entreprise,
le salarié doit être d'accord pour se former. J'invite donc
les chefs d'entreprise à convaincre leurs salariés de suivre
une formation car la décision doit être partagée ;
- ensuite, il vise à « professionnaliser » plutôt
qu'à « diplômer »; c'est important car une personne
au chômage ne souhaite pas un diplôme mais un métier
!
- il prévoit l'individualisation de la formation ;
- il suppose que pour se former, il va falloir travailler plus, ce qui me
semble incontournable : comme à l'avenir l'emploi bougera sans
cesse, il faudra toujours mettre son métier « à jour
» ;
- enfin, il a pour objectif de maintenir l'employabilité des hommes
et des femmes, c'est-à-dire de leur permettre d'acquérir
une maîtrise de leur métier — avec un regard extérieur
à l'entreprise — pour être sûrs que leur emploi n'est
pas obsolète.
La notion d'employabilité est souvent
jugée un peu idéaliste…
Je suis convaincu que les chefs d'entreprise qui pensent
qu'ils pourront licencier demain sans se soucier de l'employabilité
de leurs salariés se trompent. Dans l'Union européenne,
on ne les laissera pas remettre sur le marché du travail des salariés
devenus « inemployables ».
Comment faire, alors ?
Eh bien, il faut former les gens tout au long de leur
vie ! Et créer des observatoires pour bien comprendre quelles sont
les conditions de l'employabilité, les caractéristiques
nouvelles des métiers. L'UIMM va ainsi mettre en place un Observatoire
de la maintenance.
Il y a un problème spécifique
d'emploi pour les plus de 50 ans. Comment l'aborder ?
C'est une vraie révolution : pour la première
fois dans l'histoire de l'humanité, les cycles technologiques se
sont raccourcis, souvent à moins de dix ans, alors que les cycles
biologiques se sont allongés. Nous devons donc réfléchir
au statut professionnel des seniors et je pense que cette réflexion
doit reposer sur une rémunération — moins élevée
en fin de vie qu'au début —, et sur une reconversion pour laquelle
il faut, bien sûr, former ces seniors qui ne peuvent plus exercer
le même métier jusqu'à la fin de leur vie. Enfin,
il faut veiller à ce que cette classe d'âge garde une «
appétence pour l'emploi ».
Les particularismes de l’UIMM
Pour Dominique de Calan, « l'UIMM
est une fédération très particulière
car l'industrie a souhaité, après la Première
Guerre mondiale, différencier responsabilité
sociale et responsabilité économique. Les entreprises
de la métallurgie adhèrent donc à l'UIMM
pour l'ensemble de leurs problèmes sociaux et à
une fédération économique pour le reste.
»
«L'UIMM compte aujourd'hui 130 syndicats professionnels
et on ne peut comprendre son importance en matière
sociale qu'en sachant que nous servons les conventions collectives
et les intérêts sociaux de 48 000 entreprises
qui emploient 2 millions de salariés et réalisent
plus de 360 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Nous
sommes à la fois la plus grande fédération
des petites entreprises (avec 600 000 salariés dans
des entreprises de moins de 50 personnes) et des grandes.
»
« Nous avons deux particularismes majeurs. Comme
le Bâtiment, nous sommes une branche pour laquelle le
contenu du savoir-faire et de la technologie est essentiel
: nous avons donc besoin de qualification. En revanche, à
la différence de la construction qui travaille sur
un territoire donné, même les plus petites de
nos entreprises travaillent sur un marché mondialisé.
»
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http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/libres-reflexions.html?item_id=2531
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