Javier FERRER DUFOL

est vice-président de la Fondation tripartite pour la formation dans l'emploi et de Confemetal (Confédération espagnole des syndicats d'entrepreneurs du métal).

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Espagne : une réforme en profondeur

Le législateur vient d’introduire un nouveau système global de formation professionnelle, qualifications et certifications.

Pour comprendre l'évolution du système de formation continue depuis sa création jusqu'à sa récente réforme, il est nécessaire de connaître le contexte, pendant la dernière décennie, du Système national de formation professionnelle qui rassemble trois sous-systèmes : la formation professionnelle d'insertion des jeunes dans la vie active, la formation professionnelle des demandeurs d'emploi et la formation professionnelle continue des salariés.

Une loi sur les qualifications et la formation professionnelle

Dans les années 1990, les deux programmes nationaux de formation professionnelle qui ont dessiné la politique de formation, reflétaient le consensus existant sur le besoin de fusionner ces trois sous-systèmes. Leur diversité n’était pas adaptée à la nécessité de promouvoir la formation tout au long de la vie. Ce scénario a abouti en 2002 à la loi sur les qualifications et la formation professionnelle qui met en place un système global de formation professionnelle, qualifications et certifications dont l'instrument central est le Système national des qualifications. Ce système repose sur un Répertoire national des qualifications professionnelles, qui rassemblera les qualifications identifiées dans le système productif et leur formation correspondante, ainsi qu'une procédure de validation et d'enregistrement de celles-ci. Le Répertoire deviendra un référent obligatoire pour l'ensemble de la formation professionnelle.

Les années 1990 ont été, en outre, le point de départ de la formation continue. En 1992, les organisations patronales CEOE et Cepyme et les syndicats de salariés UGT et CCOO ont signé le premier accord national de formation continue, qui a été complété par un accord tripartite (le syndicat CIG a ensuite adhéré à ce premier accord). C'est là l'origine du sous-système de formation continue.

Un point de départ parce que, jusqu'en 1992, il n'y avait pratiquement pas de formation continue dans les entreprises  ; alors qu'elle faisait partie d'un programme d'aides pour la formation de la population active, celle-ci n'existait pas en tant que sous-système de formation spécifique. Seules les grandes entreprises dotées de moyens économiques et d’une tradition de formation organisaient de la formation continue, les autres entreprises n'en faisaient pas, sauf quelques exceptions. De plus, lorsque des actions de formation continue avaient lieu, elles intervenaient dans le cadre de changements technologiques ou d'autres changements ponctuels au sein de l'entreprise.

Un mode de gestion paritaire jusqu’en 2001

C'est ainsi que les premiers accords nationaux de formation continue ont répondu au besoin de générer une culture de la formation dans l'entreprise. Depuis 1993, le sous-système de formation gère et distribue des aides pour former les salariés. Ce rôle a été confié à la Fondation pour la formation continue (Forcem) dont les fonds proviennent en partie des sommes collectées au titre de la contribution de formation professionnelle versée par les entreprises et les salariés, du FSE et de subventions spécifiques de l'Institut national du Travail.

Tout le sous-système a été conçu autour de la négociation collective, donnant naissance à un mode de gestion qui est resté, jusqu'en 2001, paritaire. Impulser la formation continue semblait devoir faire appel, et c'est ce que nous avons constaté après près de dix ans, à la participation active et à la concertation des entreprises et des salariés ainsi que des organisations, de branche ou territoriales, qui les représentent. Ce fort caractère participatif a été un élément clé pour obtenir l'adhésion à la formation d'un très grand nombre d'acteurs qui ont réussi à la faire entrer dans tous les secteurs, territoires et types d'entreprise.

Les quatre premières années de gestion ont été très positives, surtout si l'on se souvient que nous avons connu alors une période de récession économique. Entre 1993 et 1996, le nombre de participants à des plans de formation financés par le système a été multiplié par quatre, avec la création de commissions paritaires de formation dans pratiquement toutes les branches et territoires. Une situation très favorable pour entreprendre, en 1996, la réforme des Accords nationaux de formation continue.

Un élargissement du champ des bénéficiaires

À cette occasion, plusieurs changements ont été introduits. Le plus significatif a été l'élargissement des aides à des groupes sociaux très importants pour notre économie, tels que les artisans et les salariés du secteur agricole (REASS) qui se sont parfaitement intégrés dans le système de la formation. Jusqu'en 2001, ce sont 390 925 artisans et 252 983 salariés de l'agriculture qui sont venus grossir le nombre total de stagiaires de cette période.

Les grands changements, plus précisément dans le mode de gestion du sous-système, sont intervenus en 2000 lors de la dernière réforme des accords nationaux de formation continue. La tendance à la fusion qui dominait la scène de la formation professionnelle et ses liens de plus en plus forts avec la politique de l'emploi, ont encouragé une reflexion globale qui a ouvert les portes du sous-système aux services de l'État. La gestion est devenue tripartite, avec la création de la Fondation tripartite pour la formation dans l'emploi qui, actuellement, est chargée de la régulation et de la gestion.

Deux changements majeurs

Mais, depuis 2000, deux événements d'extraordinaire importance se sont produits : d'une part, la loi sur les qualifications et la formation professionnelle, et, d'autre part, deux décisions du Tribunal constitutionnel qui stipulent que les communautés autonomes doivent intervenir dans la gestion de la formation continue. Ainsi, la formation continue devra s'adapter au Système national de qualifications et sa gestion devra se conformer aux champs de compétences en vigueur dans notre pays. Ces deux points sont précisés dans le décret royal 1046/2003, qui régira le sous-système de formation continue à partir du 1er janvier 2004.

Ce décret n'introduit pas seulement un nouveau mode de gestion, il introduit également un nouveau mode d'attribution des aides. Le premier prendra forme dans la Fondation de l'État pour la formation dans l'emploi à laquelle participeront les communautés autonomes.

Participants certifiés dans le sous-système
de la formation continue (1993-2001)

Le nouveau mode d'attribution reposera sur un système d'imputations permettant aux entreprises qui formeront leurs salariés de déduire de leurs contributions les coûts de formation. Ces possibilités d'imputation seront inversement proportionnelles à la taille de l'entreprise. Outre les imputations, le décret prévoit que des organisations d'employeurs et de salariés ainsi que des associations pourront conclure des conventions leurs permettant de faire des offres de formation directement aux salariés.1

À ce stade, nous sommes certains que la création du système d'aides à la formation a été positive, cette activité étant devenue habituelle, systématique et régulière pour un grand nombre d'entreprises et de salariés. Il est également normal que, après dix ans d'expérience, le sous-système évolue et cherche des alternatives qui lui confèrent une plus grande efficacité.

Le sous-système a démarré en 1993 avec une forte vocation de service aux entreprises et aux salariés qui s'est traduite par la simplicité des procédures d'accès aux aides. Au fur et à mesure de l'augmentation des volumes à gérer et des aides attribuées, le renforcement des contrôles est devenu nécessaire.

La conséquence a été, bien que le contrôle très rigoureux qu'exige la gestion de fonds publics soit légitime, que ses procédures se sont bureaucratisées au point qu'il est probable qu'elles sont en train de faire obstacle au bon déroulement de la formation et à la flexibilité nécessaire pour les démarches formatives de l'entreprise. C'est, à l'heure actuelle, l'un des grands défauts que le nouveau système devra corriger.

Inclure les PME...

L'un des objectifs essentiels des accords nationaux était d'inclure les PME dans les démarches de formation. Nous pouvons affirmer aujourd'hui que cet objectif est devenu une réalité car, entre 1996 et 2000, le taux de formation des entreprises de moins de 200 salariés a augmenté de 3 points. Pendant l'année 2000, 9,5 % de ces entreprises ont participé aux plans de formation financés par le système. Cependant, même si ces données sont positives, ce progrès n'est pas suffisant pour un pays dans lequel la presque totalité des entreprises (99 %) sont des PME. Il est certain qu'il existe entre elles de très grandes différences. Leur taux de formation varie entre 40% pour les entreprises de 50 à 199 salariés et 5,5 % pour les entreprises de 1 à 5 salariés. Ce sont justement celles-ci qui constituent l'un des grands défis pour les nouvelles modalités. Les mesures prévues sont, entre autres, la création de crédits d'imputation qui pourront être supérieurs aux contributions au titre de la formation professionnelle et la non-obligation de cofinancer la formation.

... et les femmes

Par ailleurs, l'évolution de la participation des femmes dans des actions de formation continue est extrêmement positive. Leur pourcentage au sein du nombre total de stagiaires du sous-système a augmenté de 15 points depuis 1994 et a atteint 42 % en 2001, 7 points de plus que leur part dans l'ensemble de la population active du secteur privé.

Evolution de la participation féminine
dans le sous-système (1994-2001)

À notre sens, l'un des éléments les plus intéressants à développer dans le futur est la formation à distance. Le sous-système devrait être la piste de décollage de cette modalité qui peut être extrêmement fructueuse pour impulser la formation dans les entreprises et qui est actuellement utilisée par plus de 7 % des entreprises de plus de 200 salariés.

En conclusion, de nombreuses et grandes avancées ont été obtenues pendant les dix années de vie du sous-système. Cependant, beaucoup de travail reste encore à faire pour améliorer l'efficacité de la formation continue et la rendre plus accessible.

  1. Il faut préciser qu'au moment de la rédaction de cet article les arrêtés ministériels concernant ces nouvelles modalités sont encore en préparation. Cependant, nous espérons que l'approfondissement de la culture de formation continue se poursuivra contribuant à matérialiser l'apprentissage permanent de la population active.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-1/espagne-une-reforme-en-profondeur.html?item_id=2530
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