Pierre GATTAZ

Président du Medef.

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Le lien entre mobilité, logement et travail

Le logement est le principal obstacle à la mobilité professionnelle des salariés. Pourtant des mesures simples - décidées et mises en oeuvre rapidement - seraient de nature à catalyser une relance indispensable à la population et au dynamisme de l'économie.

L'avenir du salariat dépend, d'abord et avant tout, de celui de l'emploi. Car l'emploi restera très majoritairement salarié, même si de nouvelles formes vont se développer dans les années qui viennent. Il faut par conséquent, pour assurer l'avenir du salariat, mener des politiques structurelles en faveur de la croissance et donc de l'emploi. Le chômage endémique et structurel qui est, dans notre pays, plus élevé de deux à trois points que chez nos principaux partenaires économiques, n'est pas incurable. Et les causes sont connues : un coût du travail excessif une complexité croissante avec une profusion de règles et de normes dans le domaine social comme dans d'autres une fiscalité inadaptée une absence de continuité dans les politiques menées l'inefficacité croissante de notre système éducatif, etc. À ces maux, s'en ajoutent de nouveaux, avec le temps et les erreurs de pilotage. Parmi ceux-ci émerge de plus en plus la question du logement.

Parce que c'est une difficulté à laquelle de plus en plus d'entreprises sont confrontées, le Medef se préoccupe de la question du logement et de ses interactions avec l'emploi. C'est pourquoi, dès mon élection, j'ai proposé de créer, au sein du pôle social de notre organisation, une commission Logement et mobilité professionnelle, présidée par Jacques Chanut, le président de la Fédération française du bâtiment.

Un obstacle à l'accès à l'emploi

De fait, selon les résultats d'enquêtes réalisées par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) 1 au cours de ces dernières années, les difficultés d'accès au logement ont des conséquences négatives sur l'accès à l'emploi : 70 % des actifs déclarent qu'ils refuseraient une opportunité professionnelle si cela les obligeait à déménager en occasionnant un surcoût financier. Il apparaît également que, sur cinq ans, 500 000 personnes en recherche d'emploi auraient effectivement renoncé à un poste parce que cela les aurait contraintes à accroître leurs dépenses de logement. Quarante pour cent des entreprises interrogées se déclarent affectées par les difficultés de logement de leurs salariés.

La crise du logement, c'est une pénurie d'offre qui maintient des prix élevés, des salariés contraints à de trop longs déplacements quotidiens qui pèsent sur leur moral et les rendent, en conséquence, moins productifs. Mais c'est aussi 0,4 point de croissance en moins en 2014 et 2015, plus de 100 000 emplois détruits depuis 2007, et des milliards d'euros de manque à gagner de recettes fiscales et sociales pour l'État comme pour les collectivités locales.

Ces constats confirment la position du Conseil d'analyse économique selon laquelle le logement serait le principal obstacle à la mobilité professionnelle des salariés. Compte tenu de notre niveau de chômage et de l'échec global des politiques menées jusqu'ici, il est impératif de conjuguer flexibilité et sécurité pour relancer l'emploi. La loi Travail aurait pu être une occasion pour avancer dans ce sens, si elle était restée ambitieuse et cohérente. Mais il faut faciliter aussi l'accès au logement pour favoriser la mobilité professionnelle.

L'ambition d'Action Logement

C'est la raison pour laquelle, avec l'ensemble des partenaires sociaux, nous avons décidé de nous engager dans une réforme en profondeur du dispositif de la participation des employeurs à l'effort de construction (Action Logement). Notre objectif est de rendre ce système plus lisible, plus équitable et plus efficient :

  • plus lisible pour les entreprises, les salariés, les acteurs de l'habitat et les élus des collectivités territoriales décisionnaires en la matière
  • plus équitable entre les entreprises assujetties, quels que soient leur taille et le montant de leur contribution
  • plus efficient dans la pertinence de l'offre de services aux entreprises et à leurs salariés, tout particulièrement l'accompagnement des mobilités professionnelles des salariés les plus précaires, et dans le développement d'une offre de logements économiquement abordables dans les principaux bassins d'emploi de notre pays.

L'ensemble des acteurs sont convaincus que la sortie de crise passe par la construction massive de logements économiquement abordables, là où sont les besoins.

Réformer tous azimuts

Si la réforme du marché du travail est nécessaire, elle ne sera pas suffisante. Il faut réformer tous azimuts. Ce que nous faisons pour Action Logement, il faut le faire pour d'autres aspects de la politique du logement (voir l'encadré).

Alors qu'attendons-nous ? Des mesures simples, décidées aujourd'hui et mises en oeuvre sans délai, seraient de nature à catalyser cette relance potentiellement créatrice de richesses et de bien-être. Toutes reposent sur la confiance des ménages et des opérateurs. Nos concitoyens sont prêts à investir pour se loger ou préparer leur retraite, pour peu qu'ils disposent d'un environnement règlementaire lisible et pérenne. Les entreprises du secteur sont prêtes à construire plus, pour peu que l'État ne les contraigne pas par des réglementations contre-productives.

Il est urgent de stopper la machine à réglementer qui bloque l'économie, l'emploi, et plombe les comptes publics. Pour libérer les énergies et le marché, à l'instar de nos demandes constantes concernant l'allègement du Code du travail, il faut avoir le courage politique de simplifier de façon drastique : le Code de l'environnement, le Code de l'urbanisme, le Code de la construction, la gouvernance habitat-urbanisme des collectivités territoriales, les rapports entre propriétaires-bailleurs et locataires. Il est également nécessaire de remettre à plat le modèle du logement social pour y réintroduire notamment de la mixité sociale.

Comme pour le marché du travail, afin d'accélérer la dynamique de création d'emplois, il faut déverrouiller notre économie en jouant sur tous les leviers. L'enjeu prioritaire dans notre pays est là, dans notre capacité à créer l'emploi. Toutes les réformes que nous réclamons, dans le logement comme ailleurs, ne sont pas dirigées contre les salariés et le salariat, mais en leur faveur. Certes, nous peinons à nous faire entendre, mais les choses progressent.

Que l'État passe à l'acte, enfin, comme les partenaires sociaux s'y sont eux-mêmes engagés, à travers le big bang d'Action Logement !

Résoudre la crise du logement par la libération de l'offre est une exigence républicaine et sociale, c'est un enjeu économique fondamental et l'un des chantiers incontournables de la bataille pour l'emploi.

Les orientations du medef pour une politique du logement plus efficiente

  1. Libérer du foncier constructible à des conditions abordables, là où sont localisés les besoins.
  2. Maîtriser l'élaboration des règles de construction pour contenir les coûts.
  3. Rendre plus incitatifs et stables les dispositifs publics favorisant l'acquisition d'un logement.
  4. Favoriser la rénovation du parc existant.
  5. Rééquilibrer les rapports locatifs et créer un véritable statut du bailleur privé.
  6. Rendre la réponse du logement social plus efficiente dans un contexte budgétaire contraint.
  7. Recentrer la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) sur sa vocation d'origine.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2016-6/le-lien-entre-mobilite-logement-et-travail.html?item_id=3547
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