Président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), député du Val-d'Oise et maire de Sarcelles.
Poursuivre la rénovation urbaine pour réussir la mixité
La situation des quartiers prioritaires s'améliorera d'autant plus que les efforts de rénovation urbaine seront accompagnés par une politique territoriale volontariste et des actions favorisant le développement économique et le retour des classes moyennes et des salariés.
L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), créée en février 2004, accompagne des projets urbains pour transformer les quartiers les plus fragiles de notre pays et offrir à leurs habitants un meilleur cadre de vie. Il a fallu une mobilisation de l'ensemble des élus, toutes tendances politiques confondues, des acteurs locaux, des bailleurs, des services de l'État, des partenaires publics et privés et des habitants eux-mêmes pour parvenir à ce résultat.
Quelques chiffres illustrent particulièrement l'ambition qui a guidé le premier programme national de rénovation urbaine, dont l'achèvement est proche : 12,5 milliards d'euros de subventions portées par l'Anru ont généré 50 milliards d'investissements pour 4 millions d'habitants dans 500 quartiers, en métropole et outre-mer. Jamais autant de moyens humains et financiers n'ont été mobilisés en faveur de populations restées trop longtemps sur le bord de la route.
Pour autant, la situation reste difficile dans de nombreux quartiers. Les stigmates de quartiers laissés trop longtemps livrés à eux-mêmes ne sauraient être effacés par un seul plan d'action, si ambitieux soit-il. C'est la raison pour laquelle un nouveau programme national de renouvellement urbain a été lancé, grâce à loi de février 2014 pour la ville et la cohésion urbaine. Cette nouvelle étape prévoit que 6,4 milliards d'euros apportés par l'Anru avec le concours d'Action logement bénéficieront à 450 quartiers, dont 200 sont confrontés à des difficultés économiques et sociales majeures.
Ce vaste programme, qui va générer 20 milliards d'investissements dans les grandes agglomérations, mais aussi dans des villes ou agglomérations moyennes, qui n'avaient pas bénéficié de la première phase de renouvellement urbain, s'achèvera en 2030.
La mixité sociale peut devenir une réalité
Les termes « mixité sociale » reviennent régulièrement lorsque l'on évoque la lutte contre la ghettoïsation des quartiers. Ils sont souvent mal compris et renvoient à des notions finalement assez abstraites, alors qu'il s'agit d'organiser, dans la durée, le peuplement de façon à assurer une cohésion indispensable au vivre-ensemble.
Changer la composition d'un quartier en quelques mois ou quelques années est illusoire. Mais si nous n'agissons pas pour faire évoluer la mixité sociale, nous réussirons certes la rénovation urbaine, mais la philosophie et la physionomie des quartiers n'évolueront pas.
Les politiques d'attribution des logements doivent être revisitées à l'échelle intercommunale pour permettre à chaque partenaire impliqué, qu'il s'agisse des bailleurs sociaux, des maires, des présidents d'agglomération ou des autres élus, d'envisager ensemble une stratégie globale de peuplement, principale garante de la cohésion et de l'équilibre des territoires.
J'ai coutume de citer la métropole lyonnaise, qui a montré qu'il était possible de créer un véritable rééquilibrage social du territoire en acceptant la solidarité intercommunale et en accueillant, dans des communes voisines, les reconstructions de logements sociaux financées par l'Anru.
Nous arriverons petit à petit à une certaine mixité en faisant revenir dans les quartiers les gens qui travaillent. À ce titre, nous attendons beaucoup de notre partenaire Action logement, dont la réforme est fondamentale car elle va contribuer à une meilleure information des salariés sur la rénovation des quartiers.
Peu de gens savent aujourd'hui qu'ils peuvent prétendre à un logement si l'entreprise dans laquelle ils travaillent est soumise à la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC). Or, c'est le cas de plus de 220 000 entreprises employant 14 millions de salariés potentiellement bénéficiaires.
Une politique territoriale adaptée
La construction, à l'échelle des agglomérations, des politiques de l'habitat prend dès lors tout son sens. Les porteurs de projet devront travailler avec les élus des villes situées hors des quartiers prioritaires. La reconstitution de l'offre de logement social hors de ces quartiers permettra aussi à certaines de ces collectivités de se mettre en conformité avec la loi SRU.
Cela pose néanmoins la question d'une politique nationale du logement imposée uniformément dans tous les territoires. On ne peut pas avoir la même approche en Île-de-France que dans des régions où il y a une problématique de logements vacants dans les zones détendues ou des problèmes de vieillissement de la population dans une partie du parc social.
Sans développement économique, pas de mixité
C'est par le développement économique que nous ferons revenir les classes moyennes, et surtout les salariés, dans ces quartiers. Nous devons donc être très vigilants sur les politiques de l'emploi. Il s'agit de favoriser, d'accompagner toutes les initiatives susceptibles de ramener de l'activité dans ces quartiers, par de l'artisanat, du commerce, des pépinières d'entreprises. Car s'y trouvent un foisonnement d'idées et beaucoup de volontés qu'il est nécessaire d'encourager, en mettant à disposition, par exemple, des rez-de-chaussée d'immeubles avec des loyers raisonnables, afin que de petites structures puissent être créées. Il faut aussi valoriser la construction d'hôtels d'entreprises pour des projets plus ambitieux. Le développement économique doit être présent dès la conception des projets de renouvellement urbain.
Pour accompagner ce développement économique, l'Anru s'est vu confier de nouveaux programmes. Le programme d'investissements d'avenir « Villes durables et solidaires », par exemple, qui bénéficie de 71 millions d'euros de subventions, vise la très haute performance et l'innovation environnementale pour le renouvellement urbain.
Les actions innovantes déployées sur les 20 sites retenus ont deux objectifs : augmenter le reste à vivre pour les habitants, notamment par la diminution des charges et l'amélioration de la performance des bâtiments, et renforcer l'attractivité des quartiers en renouvellement urbain.
Investir avec des partenaires privés
Enfin, l'Anru a été désignée comme gestionnaire d'un fonds d'investissement dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville (dont 200 outre-mer). L'Anru et la Caisse des dépôts ont signé, il y a un an, une convention pour investir ensemble dans des opérations immobilières répondant à un objectif de mixité fonctionnelle et sociale, ainsi que de développement économique des quartiers. Ce partenariat dispose de 250 millions d'euros de fonds propres, qui devraient permettre, par un effet de levier, la constitution d'un portefeuille de 1,250 milliard d'euros d'actifs immobiliers.
C'est maintenant que se dessinent les territoires de demain. C'est maintenant qu'il faut prendre la mesure de ce qui va se passer dans ces quartiers, dont les habitants sont devenus des acteurs à part entière. Ils apportent leur savoir-faire, leur expérience, leur énergie, leur connaissance du terrain et cette diversification dont nous avons tous tellement besoin.
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