Carlos DA SILVA

Député de l'Essonne, conseiller régional et président du groupe socialiste et républicain au conseil régional d'Île-de-France.

Philippe EYMERY

Chef d'entreprise à la retraite, conseiller régional et président du groupe Front national - Rassemblement Bleu Marine au conseil régional des Hauts-de-France, conseiller municipal à Dunkerque.

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Radicalisation : deux points de vue

Les diagnostics de deux élus locaux, l'un PS en Île-de-France, l'autre FN des Hauts-de-France : deux analyses profondément divergentes de la radicalistion dans les quartiers.

Constatez-vous une radicalisation politique et religieuse dans les quartiers concernés par la politique de la ville ?

Carlos da Silva : En Essonne et dans toute l'Île-de-France, nous devons faire face à des situations parfois très complexes. À Évry, dans ma circonscription, une école coranique clandestine a été fermée, début septembre, sur ordre de la préfète. D'autres font l'objet d'une enquête, comme à Villiers-sur-Marne.

Il faut à la fois se garder de toute généralisation et être totalement lucide. Le Premier ministre a notamment rappelé qu'il existait un phénomène d'enfermement et de radicalisation, non sans lien avec l'« apartheid social, territorial et ethnique » qui sévit dans certains de nos quartiers.

Si les quartiers de la politique de la ville sont des territoires particulièrement sensibles en matière de radicalisation, il ne faut pas perdre de vue que celles et ceux qui se laissent embrigader viennent de tous les milieux sociaux, des quartiers très urbanisés comme des campagnes.

Nous avons très tôt, au côté du gouvernement, pris la mesure de la situation et adapté notre action. Le gouvernement a ainsi pris la responsabilité de faire fermer depuis décembre 2015 une vingtaine de mosquées et de salles de prière considérées comme radicales.

Philippe Eymery : La politique de la ville a, dès son origine, visé les quartiers dont la population est issue majoritairement de l'immigration. Nous constatons chaque jour que ces populations constituent le terreau de la radicalisation politique et religieuse.

Cette radicalisation est polymorphe : explosion du nombre des mosquées salafistes, revendications communautaristes de plus en plus pressantes, haine de la France et des Français. Pour ce qui est des revendications qui touchent tous les domaines de la vie quotidienne, citons : exigence de repas soumis à des critères religieux à la cantine, refus de se faire soigner à l'hôpital par un médecin homme, exigence d'horaires aménagés à la piscine du fait du refus de la mixité, abattage rituel au mépris des règles sanitaires, développement du burkini depuis peu sur les plages...

Plus inquiétant, le lien est désormais établi entre les « racailles » de banlieue, délinquants petits ou grands, qui deviennent des terroristes islamistes en quelques semaines. C'est le cas des meurtriers du prêtre de Saint-Étienne-du-Rouvray assassiné en cet été 2016 et de l'auteur du carnage de masse de la promenade des Anglais à Nice.

La politique de la ville a, de fait, exacerbé les différences culturelles, cultuelles et ethniques (notamment par la discrimination positive). Ajoutez à cela la culture de l'excuse, l'urbanisme déshumanisé et le « tout social » (pour des dizaines de milliards à perte) et vous obtenez le cocktail explosif des zones de non-droit.

La politique de la ville a-t-elle vocation, de façon implicite ou explicite, à lutter contre les radicalisations ?

Philippe Eymery : La politique de la ville est d'abord un produit de marketing politique, une appellation. L'action publique menée depuis quarante ans n'a rien de politique ; c'est d'abord du clientélisme communautaire, c'est-à-dire tout le contraire d'une politique qui est au service de la cité. Quant à la ville, elle se réduit à des quartiers à forte population d'origine étrangère.

Comprendre cela, c'est comprendre que cette politique menée depuis quarante ans a en réalité développé l'islamisation en voulant acheter la paix sociale à des associations communautaires (dont, par exemple, de nombreuses associations sportives ultraradicalisées et islamisées). Cette politique a ainsi donné les moyens aux plus religieux et aux trafiquants de prendre le contrôle de quartiers entiers. L'exemple de Marseille dénoncé par les magistrats financiers de la chambre régionale des comptes de Paca est probant : « Détournements de subventions de la région par des associations fantômes à des fins électoralistes ». Ainsi, le département a distribué plus de 100 millions d'euros à quelque 4 600 associations...

Carlos da Silva : Chaque politique publique doit s'attaquer, directement ou indirectement, à ce fléau qui fait qu'une très petite minorité menace chaque jour la sécurité de nos concitoyens et jette l'opprobre sur nos quartiers.

Bien sûr, la vocation de la politique de la ville est de réduire les inégalités entre les territoires, d'agir sur les quartiers dits « sensibles » en définissant des territoires prioritaires. C'est ce qui a été fait et renforcé, dès l'été 2012, par le gouvernement, particulièrement le ministère de l'Intérieur et bien sûr le ministère délégué à la Ville, sous la responsabilité de François Lamy, qui a porté une loi d'une ampleur inédite de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, se concentrant en particulier sur les discriminations et la lutte contre les inégalités.

La gauche reconnaît évidemment l'importance de la prévention de la radicalisation et accorde un rôle central à l'État en ce sens, ainsi que des collectivités, du personnel de l'Éducation nationale, des associations...

Tous les élus de la République sont concernés. Ils sont en première ligne. C'est à eux que l'on se réfère en cas de problème - comme cela a été le cas pour l'école coranique d'Évry, où les occupants de l'immeuble ont alerté la municipalité au sujet des soupçons qu'ils avaient quant à l'activité de ces « ateliers ».

Les élus doivent donc être sensibilisés, préparés, formés à faire face à ces situations : au mois de juin, la préfecture de l'Essonne a d'ailleurs organisé un séminaire pour cela.

C'est ainsi que nous mettrons en place un maillage resserré sur les territoires pour détecter rapidement les personnes en voie de radicalisation et agir en amont pour déjouer les attentats.

Pensez-vous que la politique de la ville devrait viser cet objectif de lutte contre la radicalisation ? Comment ?

Carlos da Silva : La politique de la ville est en première ligne. Il faut à la fois lui donner les moyens de son objectif principal, la réduction des inégalités, la lutte contre la ségrégation et la reproduction sociale, et qu'elle intègre pleinement le phénomène de la radicalisation.

Le 9 mai dernier, le Premier ministre a présenté un nouveau plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme. Une circulaire définit sa mise en œuvre territoriale, notamment l'élaboration de plans d'action dans chaque contrat de ville.

Ce plan prévoit la structuration de groupes opérationnels afin de permettre des démarches locales de repérage et de prévention. Un référent est désigné, qui est en lien avec le préfet, afin de faciliter le travail en réseau, la formation des élus et des agents des collectivités, et de renforcer la coopération entre État et collectivités.

Il est à ce stade encore trop tôt pour constater les résultats concrets de cette démarche. C'est sur les moyen et long termes que nous gagnerons cette bataille. La question est de savoir si les quartiers, les territoires sensibles et prioritaires sont l'unité d'analyse la plus pertinente.

Les études prouvent que les petits groupes qui se radicalisent et partent faire le djihad ne le font pas parce qu'ils viennent d'un quartier en particulier. Ce n'est pas d'un quartier que naît le réseau, mais du réseau que naît une implantation locale. L'appartenance à un réseau d'individus en particulier est déterminante dans la radicalisation. Afin que la prévention de la radicalisation soit efficace, je suis convaincu que la politique de la ville doit davantage intégrer ce phénomène pour mieux le combattre, et pour cela travailler au plus près des populations sensibles.

Philippe Eymery : La politique de la ville est irrémédiablement marquée par son échec depuis quarante ans. Cette politique est le naufrage français. En l'occurrence, l'argent public a servi à anesthésier les consciences et à acheter un semblant de paix sociale. La France s'est appauvrie d'une centaine de milliards d'euros avec pour résultat la guerre intérieure.

Le constat est terrible. Reprenons les déclarations de Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, du 27 mars dernier : « Il y a aujourd'hui, on le sait, une centaine de quartiers en France qui présentent des similitudes potentielles avec ce qui s'est passé à Molenbeek. » On ne saurait mieux dire.

La politique à mener est une politique qui restaure l'autorité, refuse les territoires perdus de la République et offre à tous ceux qui en ont la volonté sincère la possibilité de s'assimiler à la communauté nationale. Pour reconquérir ces territoires perdus, c'est de manière conquérante que nous devons refuser le communautarisme qui fracture et divise. Il s'agit de réaffirmer l'autorité qui apaise et protège les plus faibles de la loi des caïds ou de celle des barbus. Il s'agit de rétablir la sécurité. En un mot, il faut « refranciser » ces quartiers.

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