© Sylvie Duverneuil

Yves LAFFOUCRIÈRE

Directeur général du Groupe 3F.

Partage

Le défi permanent du renouvellement urbain

L'exemple du groupe 3F témoigne de l'évolution de l'intervention des bailleurs sociaux dans les quartiers prioritaires et au-delà. Il montre que les actions doivent être menées dans la durée, en sachant s'adapter aux demandes émergentes.

On se prendrait parfois volontiers à rêver de territoires urbains plus homogènes, où n'existeraient ni banlieues déshéritées, ni périphéries reléguées. On y découvrirait une diversité sous toutes ses formes, exempte de dysfonctionnements et où il ferait bon vivre. Modèle rêvé ou à portée de main ? Qu'importe, c'est ce schéma qui sert de référence urbaine : habitats et statuts multiples, terreau d'une sociologie équilibrée, commerces de qualité et services de proximité, vieilles pierres et architecture contemporaine. Chacun trouvera dans cette brève description les bases de sa propre vision et, au gré de sa sensibilité, insistera davantage sur le rôle des échanges et des transports, de la convivialité, de la densité, du marché ou du développement durable. Ainsi s'est forgée l'idée de ce que devrait être la ville, objectif vers lequel tendent les politiques urbaines. Dans la pratique, plusieurs modes de renouvellement urbain coexistent, concomitamment à l'émergence de nouveaux champs d'intervention.

Un double objectif

Le dispositif Anru mis en œuvre par Jean-Louis Borloo a constitué un formidable accélérateur de projets. Le bilan du premier programme de rénovation urbaine, qui arrive à son terme, lui confère aujourd'hui sa légitimité. Il prouve qu'il est possible de rétablir des situations dégradées et a permis d'identifier les dysfonctionnements, les évolutions des modes de vie et des manières d'habiter, et de réfléchir à des interventions adaptées.

Dès 2003, 3F, filiale d'Action logement, a saisi les opportunités qu'offrait la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), avec l'intime conviction qu'il fallait intervenir massivement pour transformer les quartiers dans la durée.

Entre 2003 et 2013, le groupe 3F a mobilisé son savoir-faire pour la mise en œuvre de 57 projets de renouvellement urbain, 40 en Île-de-France et 17 en région. Treize mille logements ont été réhabilités et « résidentialisés », 8 000 ont été démolis et 10 000 reconstruits.

Notre groupe poursuit un double objectif : réussir la mutation des grands ensembles et faire émerger de nouveaux quartiers, lieux de mixité sociale et urbaine. Il a fallu hiérarchiser les actions à entreprendre pour garantir une intervention « juste » et pérenne sur le long terme : recréer de l'urbanité, en agissant sur l'insertion urbaine des quartiers et en privilégiant des architectures différenciées ; développer une gamme de produits (accession, locatif libre), de nouvelles formes d'habitat (petits collectifs, habitat intermédiaire) éloignées du modèle urbanistique des années 1960 ; offrir aux familles relogées des logements neufs, adaptés ou réhabilités dans le cadre d'un parcours résidentiel ascendant. Cela a également permis d'appréhender la situation des familles les plus vulnérables (précarité sociale, dépendance des personnes âgées, décohabitations...). Des services et des commerces ont été, à cette occasion, installés là où souvent il n'y en avait plus.

La recomposition des tissus urbains des quartiers a apporté une diversité architecturale, fonctionnelle, de statut, ainsi que de nouvelles formes urbaines. Les démolitions partielles ont parfois suffi pour transformer et apporter de la mixité. Comme au Noyer-Renard, à Athis-Mons, où 3F a démoli 338 logements. Le quartier est aujourd'hui métamorphosé, fruit d'un investissement de plus de quinze ans aux côtés de la collectivité. Toute une palette d'outils a été mobilisée : création d'un pôle commercial, résidentialisation en îlots, trame parcellaire recomposée et maillage viaire complété. La densification a produit une offre de logements variée et équilibrée (plus de 300 logements en accession et locatif libre, PLS et accession sociale, ateliers d'artiste).

Dans d'autres projets, des démolitions plus importantes ont été nécessaires. C'est le cas de Montconseil, à Corbeil-Essonnes. Enclavé, vivant replié sur lui-même malgré sa proximité avec le centre-ville, ce quartier souffrait d'un urbanisme dépassé et d'insécurité grandissante. Neuf cents logements ont été démolis. Un nouveau quartier a été créé grâce à la restructuration en lots indépendants, à la hiérarchisation des espaces, à la diversification des programmes de logements (locatif libre), à la construction d'un jardin et à l'installation de services et de commerces.

L'indispensable permanence de l'action

Le renouvellement urbain est une politique de long terme qui implique une permanence de l'action et des questionnements. C'est pourquoi, au fil des années, les champs d'intervention de 3F ont évolué.

Nos domaines de compétences se sont étendus à des missions portant sur l'accès à l'emploi et l'insertion professionnelle, la tranquillité résidentielle, ou encore l'accompagnement social, en appui des pouvoirs publics, et à l'indispensable gestion de proximité, en étroite collaboration avec les villes. 3F est ainsi devenu un acteur participant à la sécurité publique, à la cohésion sociale, au développement économique et à l'innovation sociale.

Le groupe reste très attentif à la qualité de conception des logements, pour réduire les charges locatives et faciliter le travail des équipes de proximité. L'objectif est bien de construire des quartiers durables adaptés aux évolutions sociales, urbaines et aux nouveaux modes d'habiter.

Les transformations sociales et urbaines ne touchant pas uniquement les grands ensembles, notre groupe est sollicité par des élus locaux pour des opérations de démolition-reconstruction en dehors des quartiers traités grâce à l'Anru. Par exemple, le quartier de l'Europe, à Colombes, n'avait pas été identifié au titre du programme national de rénovation urbaine (PNRU 1). Deux facteurs ont toutefois motivé l'intervention de 3F : le vieillissement d'un patrimoine associé à des problèmes d'insécurité et de trafic de drogue, et la dynamique apportée par l'Anru à l'Île-Marante, toute proche.

Nos domaines d'intervention vont encore s'élargir : copropriétés dégradées, territoires en déprise, centres-villes anciens, il y a là de nouvelles urgences. À Clichy-sous-Bois - Montfermeil, les habitants propriétaires occupants ou locataires vivaient dans des conditions indignes. L'État a sollicité 3F en vue d'une intervention massive, face à un territoire en voie de ghettoïsation, où régnaient violence et trafic de drogue. Un projet ambitieux de résorption des copropriétés dégradées a été engagé et 3F a construit plus de 1 000 logements sociaux en dix ans. La connexion de ce territoire à un réseau de transport efficace est indispensable à la pérennisation des efforts remarquables des différents partenaires.

3F poursuit ce travail en s'engageant dans l'opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (Orcod-IN) du Bas-Clichy, qui a l'objectif de remettre à niveau un quartier de plus de 1 500 logements en copropriétés dégradées.

D'autres problématiques émergent. Le traitement appliqué aux grands ensembles des métropoles n'est pas reproductible partout. Comment intervenir dans des zones détendues où il y a une inadéquation entre l'offre et la demande ? À Romorantin-Lanthenay, notre groupe a privilégié une offre nouvelle d'habitat individuel et de réhabilitation en centre-ville pour remplacer les barres obsolètes, avec une réduction globale de l'offre de logements.

Autre enjeu récent : les centres-villes anciens dégradés et en voie de paupérisation. 3F a ainsi repris plus de 100 logements sociaux dans le quartier Saint-Jacques, situé en secteur sauvegardé du centre-ville de Perpignan. Cette opération, qui s'inscrit dans le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), implique d'inventer un nouveau modèle d'intervention.

Des résultats tangibles

3F a ainsi contribué à la mutation de ces quartiers. Les investissements réalisés offrent de nouvelles conditions de vie aux locataires, même si ces changements et ces efforts ne règlent pas toutes les difficultés. La réparation des dysfonctionnements et le traitement des inégalités nécessitent de rester à l'écoute des habitants, qui demeurent très attachés à leur cadre de vie, comme en atteste le choix d'une grande partie des ménages d'être relogés sur site. Ce qui renvoie un message très positif sur l'attractivité de la « banlieue ».

À Corbeil, Bondy, Athis-Mons, Clichy-sous-Bois, Montfermeil, Rouen et ailleurs, la métamorphose des quartiers est saisissante. Le rôle de l'Anru y a été déterminant. Aujourd'hui, au-delà des projets nouvellement engagés, d'autres dossiers de nature différente sont à traiter : la question des copropriétés dégradées, la mutation des patrimoines obsolètes et des centres anciens, la régénération des tissus pavillonnaires. L'implication de l'Anru, forte de son succès, sur ces sujets est indispensable, et les bailleurs sociaux sont prêts à relever avec les territoires ces défis urgents pour leur cohésion.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2016-11/le-defi-permanent-du-renouvellement-urbain.html?item_id=3557
© Constructif
Imprimer Envoyer par mail Réagir à l'article