Barbara REDUCH-WIDELSKA

est présidente du comité de direction d’Unibud, organisation professionnelle polonaise du bâtiment.

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Le bâtiment polonais mise sur la qualification

Pour les salariés du bâtiment polonais, l'expatriation n'est plus une voie de salut. Les organisations professionnelles s'emploient à améliorer les qualifications, et l'image des métiers auprès du grand public est plutôt bonne.

Quelle est la situation du secteur du bâtiment en Pologne ?

Barbara Reduch-Widelska. En 2011, le secteur du bâtiment en Pologne a enregistré un niveau record d'activité. Selon les données du bureau d'études polonais PAB-PCR%26amp;F Institute, le secteur du bâtiment polonais a connu au cours des vingt dernières années la croissance la plus rapide de tous les pays d'Europe centrale.

Selon les données d'Euroconstruct, la valeur des travaux réalisés en Pologne en 2011 s'élève à environ 48 milliards d'euros, soit presque trois fois plus qu'en 1991. La croissance du secteur du bâtiment est devenue le principal moteur de l'économie polonaise et le secteur du bâtiment polonais affiche les meilleures performances des vingt-sept pays de l'Union européenne. De tous les pays ayant communiqué à Eurostat leurs données en juin 2011, la Pologne est celui qui a connu la hausse de l'activité du bâtiment la plus élevée, de l'ordre de 19,7 % au deuxième trimestre 2011.

Quelles sont ses perspectives d'évolution ?

Le développement du secteur du bâtiment en Pologne dans les prochaines années sera déterminé par les fluctuations de la conjoncture provoquées par les perturbations des marchés financiers, par la hausse des prix à la production et par une utilisation avisée des aides européennes.

Selon l'avis général des experts, la Pologne restera l'un des pays d'Europe centrale et orientale à la croissance la plus rapide, très au-dessus de la moyenne régionale. Grâce aux investissements prévus dans les secteurs énergétique, gazier et manufacturier, après des années 2009-2010 moroses et une année 2011 satisfaisante, les travaux de construction de bâtiments industriels suppléeront les travaux routiers et sportifs, qui ont jusque-là dopé le marché du bâtiment.

Le moteur principal de l'activité du bâtiment dans les années qui viennent sera le secteur énergétique. La reprise de l'investissement se profile également dans les zones économiques spéciales et dans l'environnement (centres d'incinération, stations d'épuration, etc.).

Peut-on encore imaginer un plombier polonais venant en France pour améliorer son niveau de vie ?

Aujourd'hui, les prestataires polonais ne veulent plus être des exécutants ou des sous-traitants anonymes, mais de véritables partenaires. L'écart entre les salaires réels et le coût de la vie à l'étranger n'est plus aussi attractif pour les Polonais.

Les clichés négatifs datant des premières années après l'ouverture du marché du travail communautaire s'estomperont sans doute avec le temps, grâce aux expériences de l'Allemagne, de la France et d'autres pays.

Avez-vous réalisé des études ou des enquêtes pour mieux appréhender l'image du secteur et de ses métiers ?

Tout à fait. Nous collaborons à cette fin avec nos partenaires sociaux - les organisations syndicales du bâtiment. Des projets nationaux et internationaux sont réalisés dans ce cadre.

Existe-t-il des différences dans la perception du secteur par le grand public et par les entreprises du bâtiment ?

Oui, il existe des différences car, dans bien des cas, les attentes des particuliers s'opposent aux impératifs des entreprises du bâtiment, surtout en ce qui concerne la qualité et les prix. La perception varie également en fonction des mentalités, du niveau de connaissances et d'attitudes subjectives.

Existe-t-il des catégories sociales qui sont mieux disposées que d'autres envers le secteur du bâtiment ?

De façon générale, les gens ont une bonne opinion du bâtiment. Les défaillances éventuelles sont plutôt imputées à l'administration publique et territoriale ou aux facteurs externes : crise, conditions météorologiques, etc.

Quelles sont les forces et faiblesses attribuées au secteur ?

Parmi les forces, on cite en général la grande souplesse de son activité, la construction de bâtiments neufs, la créativité, les compétences élevées, le professionnalisme, le rôle indispensable joué dans la vie économique et sociale.

Parmi les faiblesses : une mauvaise qualité des ouvrages, le non-respect des délais, la négligence, les contraintes liées à la saisonnalité et aux conditions météorologiques, la concurrence déloyale, le maquis de la procédure d'attribution des marchés publics, les accidents du travail.

La politique économique du gouvernement favorise-t-elle le développement du secteur ? Par quelles mesures ?

Je ne connais pas de dispositif particulier qui favorise le développement du bâtiment en Pologne.

En dehors de la réglementation générale en matière d'activité économique et de construction, on pourrait mentionner, éventuellement, la baisse de la TVA sur les travaux en résidentiel et les aides à la modernisation thermique des bâtiments.

Les employeurs comme les salariés du secteur du bâtiment, en leur qualité de partenaires sociaux légaux, regrettent l'absence d'un vrai dialogue constructif avec le gouvernement.

Les entreprises du secteur souhaiteraient-elles que d'autres mesures soient engagées en faveur du bâtiment ?

Oui, nous avons recours à tous les moyens légaux disponibles, notamment aux décisions communautaires et aux expériences des États membres plus anciens, pour faire évoluer le secteur du bâtiment en Pologne et la politique du gouvernement.

Votre organisation engage-t-elle des démarches particulières afin d'attirer une main-d'œuvre de qualité ?

Absolument. Dans les années 2009-2011, nous avons notamment :

  • participé à l'élaboration des standards professionnels pour les métiers du bâtiment en tant que partie consultante ;
  • élaboré, en tant que partenaires sociaux, les modalités de détermination du prix de référence des travaux de construction et d'installation, en proposant au gouvernement de les utiliser aux fins d'évaluation des offres soumises dans le cadre des marchés publics ;
  • initié la création d'un « groupe tripartite » pour le bâtiment et les services publics, regroupant les représentants des employeurs, des salariés et du gouvernement ;
  • participé au projet international « Reconnaissance des acquis de l'expérience dans le secteur du bâtiment » ;
  • signé un contrat de collaboration avec l'Organisation technique centrale (Naczelna Organizacja Techniczna), le Syndicat des métiers du bâtiment (Zwiazek Zawodowy Budowlani) et la Fédération du bâtiment et de l'immobilier (Konfederacja Budownictwa i Nieruchomosci), relatif à la qualification des salariés du bâtiment ;
  • participé activement à l'élaboration du Cadre national des qualifications, basé sur le Cadre européen des qualifications ;
  • préparé le lancement d'un nouveau projet cofinancé par l'Union européenne concernant l'élaboration et le pilotage en Pologne des standards de validation et de reconnaissance des acquis, non formels et informels ;
  • œuvré pour la possibilité de création et de fonctionnement de fonds paritaires en Pologne.

Nous agissons en collaboration avec d'autres organismes, notamment la Fédération du bâtiment et de l'immobilier, dans le cadre des travaux du Groupe tripartite du bâtiment. Les effets de nos actions sont toutefois limités en raison de la marginalisation effective des partenaires sociaux, au mépris des garanties constitutionnelles. Nous espérons que cette problématique sera réglée plus efficacement par la législation communautaire.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-2/le-batiment-polonais-mise-sur-la-qualification.html?item_id=3153
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