© Hamid Azmoun

Christian CHARPY

est ancien directeur général de Pôle emploi.

Partage

L'image du bâtiment, vecteur d'attractivité

La profession a su redorer son blason grâce à une série d'initiatives qui ont durablement modifié son image et permis d'attirer des femmes dans le secteur. Avec l'aide de Pôle emploi, elle a su également tirer parti du développement des métiers liés à la « croissance verte ».

Pourquoi certains secteurs ne trouvent-ils pas de main-d'œuvre, alors même que le chômage est au plus haut ? Pourquoi, au contraire, les demandeurs d'emploi sont-ils nombreux dans des secteurs aux faibles opportunités ? Au-delà des caractéristiques des offres d'emplois (missions, lieu de travail...), l'une des explications tient aux représentations que tout un chacun se fait d'un secteur d'activité. En effet, l'image a un impact direct sur l'attractivité d'un secteur, sur sa capacité à recruter des profils adéquats. Améliorer son image, c'est faire en sorte que de plus de plus en talents se tournent vers ce secteur et se donnent les moyens d'acquérir les compétences demandées par les employeurs. C'est également, pour les employeurs, une occasion de mener une réflexion sur leur personnel et sur leurs perspectives. Au quotidien, Pôle emploi accompagne ces évolutions et agit pour modifier les représentations.

Un regain d'image lié aux efforts de la profession

Justement, si une profession a su agir pour redorer son blason, c'est bien celle du bâtiment. Alors qu'elle connaissait des difficultés de recrutement, elle a su prendre des mesures fortes et améliorer tant les conditions de travail que le niveau des salaires. La profession a également souhaité agir sur les représentations : je pense notamment à la campagne de communication de la Fédération Française du Bâtiment qui visait à montrer des femmes sur leur lieu de travail et à transmettre le message selon lequel travailler dans le bâtiment en étant une femme était possible. La campagne visait également à rendre visible l'éventail des métiers et à mettre en avant les possibilités de carrière. Cette démarche est constructive, d'autant plus qu'elle se base sur des réalités de terrain.

La féminisation du secteur

Cela m'amène à la féminisation des métiers du bâtiment, un autre facteur qui, à mon sens, a contribué à faire évoluer l'image du secteur. Depuis 2003, Pôle emploi s'est engagé aux côtés de la Fédération Française du Bâtiment pour favoriser le recrutement durable des femmes dans les entreprises du bâtiment. Les équipes de terrain se sont attachées à mettre en valeur les candidatures féminines susceptibles de correspondre aux offres des entreprises et ont mobilisé les dispositifs d'aide pour leur embauche. De nombreuses femmes au chômage ont ainsi pu se reconvertir dans un secteur qu'elles méconnaissaient et dont elles ont découvert les perspectives.

Je pense que ces actions doivent se poursuivre pour satisfaire les besoins en recrutement des entreprises du bâtiment. En effet, la part des femmes parmi les demandeurs d'emploi reste majoritaire, ce public représente donc un vivier potentiel important pour aider les entreprises à anticiper la reprise économique, à répondre aux évolutions des marchés et à résorber le chômage.

L'impact de la croissance verte sur l'emploi et les métiers

Une autre évolution notable est le développement des activités liées à la « croissance verte », des activités qui motivent énormément. Ainsi, plus de la moitié des Français se disent intéressés par une formation liée aux métiers du développement durable, des économies d'énergie et de l'environnement, dans le cadre d'une nouvelle étape ou d'une réorientation de leur parcours professionnel 1 En témoigne l'enquête menée par Pôle emploi sur les emplois de la croissance verte, menée auprès de plus de 7 000 établissements en décembre 2010 : 48,9 % des établissements du secteur de la construction se réclamaient des éco-activités et 26,38 % des entreprises envisageaient de produire ce type de biens ou services dans les cinq années à venir. À titre de comparaison, seules 20 % des entreprises interrogées positionnées sur d'autres secteurs d'activité envisageaient de telles évolutions.

Les perspectives de développement des emplois liés à la croissance verte se confirment : dans les secteurs du recyclage et de la valorisation des déchets, de la gestion de l'eau et, bien sûr, dans le secteur du bâtiment.

Afin d'accompagner la mise en œuvre des mesures du Grenelle de l'environnement, les métiers liés à l'efficacité énergétique des bâtiments ont désormais un fort potentiel. Je pense par exemple aux métiers de poseur en isolation thermique ou de monteur de maisons à ossature bois. De nombreux métiers doivent s'adapter à ces contraintes énergétiques en formant leurs salariés à de nouvelles techniques ou de nouveaux dispositifs. Il y a donc un véritable enjeu en termes de formation, que Pôle emploi accompagne au quotidien. En 2010, nous nous étions engagés à consacrer au minimum 5 % de nos achats de formations conventionnées aux emplois de la croissance verte. Cet objectif a été largement atteint, puisque la part des « formations vertes » a atteint 16,5 % à la fin de l'année 2010.

Le bâtiment a su s'inscrire dans cette dynamique et est ainsi devenu un secteur qui concilie sensibilité environnementale, évolution sociétale et perspectives de croissance.

Afin d'accompagner cette dynamique, Pôle emploi intervient notamment en matière d'orientation des demandeurs d'emploi vers ces métiers du « bâtiment durable ». Cela implique d'informer les demandeurs d'emploi sur les opportunités d'emplois dans ce secteur, de les aider à identifier les possibles transferts de compétences, mais aussi d'agir sur l'image qu'ils ont de ce secteur. Pour cela, nous proposons dorénavant un « kit sectoriel », un outil très concret au service des demandeurs d'emploi grâce auquel chacun d'eux peut, étape par étape, construire son projet professionnel. J'y crois beaucoup, car nous savons qu'aider à l'orientation modifie les représentations.

Aider à l'orientation pour modifier les représentations

Les demandeurs d'emploi peuvent également compter sur des nomenclatures adaptées. Ainsi nous avons intégré au Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome) de nouvelles appellations telles que « fustier », terme qui désigne celui qui intervient dans la construction de maisons en rondins bruts. Nous avons également intégré des appellations correspondant à l'exigence de performance énergétique, telles que « diagnostiqueur en performance énergétique du bâtiment », ou à l'évolution de la pose et de la restauration des couvertures, avec le couvreur de panneaux solaires ou le monteur de panneaux photovoltaïques.

Enfin, les opérations dans les agences Pôle emploi contribuent en grande partie à faire bouger les choses.

À titre d'exemple, les Journées de l'alternance dans les métiers du bâtiment et des travaux publics, organisées le 13 octobre dernier à Charleville-Mézières en collaboration avec la mission locale et le centre de formation d'apprentis du bâtiment (CFA BTP) de Poix-Terron, ont permis d'informer sur les métiers porteurs et les possibilités de contrats en alternance. Alors que l'industrie connaît une baisse drastique de recrutement dans la région, les demandeurs d'emploi se réfugient dans le secteur du bâtiment, un secteur qui se maintient dans ce bassin d'emploi et qui est vu comme porteur d'avenir.

  1. Sondage Afpa-OpinionWay, octobre 2008.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-2/l-image-du-batiment-vecteur-d-attractivite.html?item_id=3150
© Constructif
Imprimer Envoyer par mail Réagir à l'article