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André MARCON

est hôtelier, maire de Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire) et président de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI).

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Hôtellerie-restauration : « Arrêtons la course aux labels ! »

Souvent considérée comme ayant une image médiocre, l'hôtellerie-restauration dispose pourtant d'atouts notables pour redorer son blason. André Marcon explique que sa mise en valeur auprès du grand public passe notamment par une action déterminée au profit des labels existants, mais aussi par le développement d'une véritable culture du service, trop souvent absente en France.

Quel jugement portez-vous sur l'image de l'hôtellerie-restauration en France ?

André Marcon. Son image est paradoxale. Globalement, elle n'est pas très bonne parce que le public estime que ses qualités de service et d'accueil sont insuffisantes. En revanche, elle est tout à fait excellente en ce qui concerne la cuisine française et ses cuisiniers. Cela tient évidemment à la culture française, et cette image est portée par nos cuisiniers. Les émissions de télévision qui se sont multipliées autour d'eux n'ont fait que la renforcer.

Ces émissions ont-elles d'autres conséquences pour ce secteur ?

Oui, elles ont eu un véritable effet « booster » : tous nos centres de formation des apprentis (CFA) affichent complet ! Nous avons observé une explosion de la demande de formation.

Le sondage réalisé par Ipsos pour la Fédération Française du Bâtiment montre bien que le grand public pense que la restauration est un secteur qui, comme le bâtiment, embauche, et qu'on y trouve plus d'emplois pour l'avenir que dans l'industrie. Il a raison. Mais le problème de la restauration, c'est celui du service.

En France, on refuse de servir car on considère « culturellement » que ce n'est pas valorisant, pas gratifiant. Il nous faut faire changer cela. Le serveur ne doit plus être un « loufiat » mais un « vendeur », il doit savoir expliquer au client ce qu'a fait le chef et quels produits il a utilisés, parler des terroirs et des richesses de son pays, reconnaître les gens.

Nous devons mieux valoriser ces métiers et faire émerger une culture du service.

Quelles sont les actions qui vous semblent nécessaires pour valoriser l'image de marque de l'hôtellerie-restauration ?

Nous devons être pragmatiques et arrêter la course aux labels et distinctions en tous genres. Améliorons déjà ce qui existe !

Ainsi, le titre de « maître restaurateur » : délivré par les pouvoirs publics en liaison avec les professionnels, il certifie la qualité du restaurateur, l'utilisation de produits locaux et la qualité de leur mise en œuvre. Pourtant, il ne se développe pas, car il n'est pas bien connu du public et qu'il existe des labels concurrents. Faute d'un nombre suffisant de restaurateurs ainsi labellisés - on n'en compte qu'un millier pour le moment -, les pouvoirs publics hésitent à le promouvoir. Je viens donc de signer une convention pour que nos efforts se focalisent sur ce titre et que l'on puisse trouver des maîtres restaurateurs dans toute la France. Il faut en finir avec les innombrables petits labels locaux.

En ce qui concerne l'hôtellerie, les nouvelles normes auraient pu aller plus loin, à mon avis, mais elles ont le mérite d'exister. Il faut mener parallèlement un vrai travail pour faire évoluer le label « Qualité tourisme » au niveau national, en veillant à ce que ce classement facultatif intègre des éléments de confort et de surface mais aussi la qualité d'accueil des établissements. Là aussi, si on réussissait à bien développer ce label, il faudrait en supprimer d'autres.

Mais il faut aller au-delà et s'intéresser également à l'environnement du tourisme. C'est avec cette ambition que les Chambres de commerce et d'industrie poussent les entreprises à s'investir dans des démarches professionnelles de développement du tourisme industriel. Le gouvernement nous en a confié la responsabilité et nous allons faire du buzz sur ce sujet !

En matière d'image, l'expérience d'autres pays peut-elle vous inspirer ?

Je suis sous le charme de ce que font les Autrichiens, qui sont pour moi les meilleurs professionnels de l'hôtellerie en Europe.

Ils ont bâti leur secteur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en mettant tous leurs moyens sur les territoires et en permettant aux acteurs locaux, souvent agriculteurs, de développer l'hôtellerie et de transformer des maisons d'hôtes en hôtels. Avec l'essor des sports d'hiver, ils se sont très vite organisés pour que le tourisme reste une richesse locale et territoriale.

Grâce à leur système fiscal, ils ont rendu difficile la vente des hôtels tandis qu'ils incitaient au réinvestissement des bénéfices. Leur taxe de tourisme est payée par les clients mais aussi par toutes les entreprises qui en bénéficient (jusqu'au coiffeur !) et gérée par les acteurs locaux du tourisme.

Tout cela a donné des moyens exceptionnels au tourisme autrichien qui a su développer une hôtellerie de grande qualité et compétitive, alors même que ce pays est enclavé et que le coût de la vie y est élevé.

Que devrait-on faire en France ?

En France, on est dans une sorte de cercle vicieux : un hôtelier cherche à très bien gagner sa vie pour rentabiliser son bien à la revente et le propriétaire suivant se voit condamné à rembourser à vie les emprunts contractés pour l'achat. Or, l'hôtellerie de charme exige des investissements en capitaux, un souci de préservation de l'environnement, mais aussi le développement de capacités de management et de service, toutes caractéristiques qui nous sont encore trop étrangères, alors que nous disposons d'une richesse touristique exceptionnelle.

Nous devons rationaliser l'organisation du tourisme et privilégier une hôtellerie familiale, gage de notre richesse territoriale.

Un exemple ? Trop souvent, le tourisme est géré « à la marge » : on a créé une taxe de séjour qui entre dans les budgets communaux ou intercommunaux et ne profite pas nécessairement au tourisme. Dans ma communauté de communes, l'intégralité de cette taxe est reversée à l'office de tourisme, qui l'utilise comme il le souhaite et ne reçoit pas d'autres subventions communales.

Comment réagissez-vous à la hausse récente de la TVA sur la restauration. Qu'attendez-vous des pouvoirs publics ?

Nous avons gagné la principale bataille : la TVA est la même sur la nourriture, qu'elle soit consommée sur place ou emportée. Maintenant, qu'elle soit relevée à 7 % en raison de la crise et que nous participions à cet effort collectif ne me paraît pas abominable, même s'il semble que l'abaissement de la TVA n'ait pas généré de baisse de recettes pour l'État, bien au contraire.

Mais aujourd'hui, ce que je demande aux pouvoirs publics, c'est de cesser de handicaper l'hôtellerie-restauration en France en imposant des normes dont les décrets d'application sont rédigés par des ayatollahs et dont le contrôle est exercé par des commissions absolument intransigeantes. Les normes de sécurité aussi bien que celles d'accessibilité doivent exister, bien sûr, mais il convient d'interpréter la réglementation avec discernement, sinon de nombreux établissements impossibles à restructurer vont courir à leur perte.

Je demande également l'annualisation du temps de travail à travers un accord avec les salariés pour qu'ils vivent mieux et gagnent mieux leur vie.

Le tourisme est le premier fournisseur de PIB en France, il faut que ses acteurs soient fiers de ce qu'ils font, de leurs entreprises, de leurs territoires. À l'image de « Passion commerce », événement qui rassemble 10 000 commerçants désireux d'intégrer des bonnes pratiques et des technologies innovantes et de le faire savoir, nous pourrions bien lancer avec cet objectif « Passion tourisme ».

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-2/hotellerie-restauration-«-arretons-la-course-aux-labels-».html?item_id=3154
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