est directeur du Centre du patrimoine mondial de l'Unesco.
Les contours du patrimoine universel
En 1972, la conférence générale de l'Unesco a adopté la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Cet instrument international repose sur le principe que certains lieux ont une valeur universelle exceptionnelle et méritent, en tant que tels, de faire partie du patrimoine commun de l'humanité.
A ce jour, 812 sites culturels, naturels et mixtes figurent sur la liste du patrimoine mondial, et 180 pays ont adopté la Convention. La Convention est donc un accord, ratifié par presque tous les pays, qui vise à garantir les ressources financières et intellectuelles nécessaires pour protéger les sites du patrimoine mondial. D'ailleurs, l'originalité de la Convention tient à ce qu'elle associe, au sein d'un même document, le concept de conservation de la nature et celui de protection des sites culturels.
Ce qui rend exceptionnel le concept de patrimoine mondial est son application universelle. Les sites du patrimoine mondial appartiennent à tous les peuples du monde, sans tenir compte du territoire sur lequel ils sont situés, un patrimoine mondial à la protection duquel « il incombe à la communauté internationale tout entière de participer ».
Le critère de la valeur universelle exceptionnelle
Quelle est la différence entre un site du patrimoine mondial et un site du patrimoine national ? La réponse est dans la notion même de « valeur universelle exceptionnelle ». Les sites sélectionnés pour constituer le patrimoine mondial sont inscrits pour leurs qualités propres, en tant que meilleurs exemples possibles du patrimoine culturel et naturel qu'ils représentent.
Patrimoine culturel signifie, aux termes de la Convention, les monuments, ensembles de constructions et sites avec des valeurs historiques, esthétiques, archéologiques, scientifiques, ethnologiques ou anthropologiques.
Pour figurer sur la liste du patrimoine mondial, les sites doivent avoir une valeur universelle exceptionnelle et satisfaire à au moins un des dix critères de sélection (six culturels et quatre naturels). Ces critères sont expliqués dans les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial qui sont, avec le texte de la Convention, le principal outil de travail pour tout ce qui concerne le patrimoine mondial. Les critères sont régulièrement révisés par le Comité pour rester en phase avec l'évolution du concept même de patrimoine mondial.
Six éléments de sélection
Les six critères de sélection pour les biens culturels sont :
- représenter un chef-d'œuvre du génie créateur humain ;
- témoigner d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ;
- apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue ;
- offrir un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l'histoire humaine ;
- être un exemple éminent d'établissement humain traditionnel, de l'utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d'une culture (ou de cultures), ou de l'interaction humaine avec l'environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l'impact d'une mutation irréversible ;
- être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle. (Le Comité considère que ce critère doit, de préférence, être utilisé en conjonction avec d'autres critères.)
Les biens proposés pour inscription selon les critères ci-dessus doivent aussi satisfaire aux conditions de l'authenticité, et tous les biens proposés pour inscription sur la liste doivent répondre aux conditions de l'intégrité. Tous les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial doivent avoir une protection législative, à caractère réglementaire, institutionnelle et/ou traditionnelle adéquate à long terme pour assurer leur sauvegarde.
Paysages et itinéraires culturels
Au-delà du patrimoine bâti, de nouveaux concepts de patrimoine mondial ont émergé depuis 1972. Les projets de proposition d'inscription, et la classification des sites déjà inscrits, ont évolué dans le temps. L'idée de sites transfrontaliers, avec le développement de projets de proposition d'inscription au patrimoine mondial d'un site s'étendant sur plusieurs pays, continue à évoluer, notamment dans le cas des catégories émergentes des paysages et des itinéraires culturels, du patrimoine industriel ainsi que des sites côtiers marins et des petites îles. Le site de l'Arc géodésique de Struve (entre l'océan Arctique et la mer Noire) inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 2005 est proposé par dix pays, dans les territoires desquels se trouvent les différents points géodésiques est un exemple parlant de la collaboration entre les pays.
En mai 2001, le président du Pérou a lancé une initiative en faveur de l'inscription sur la liste du site du Qapaq Nan, le Camino principal andino ou Chemin principal andin, qui traverse six pays : l'Argentine, la Bolivie, la Colombie, le Chili, l'équateur et le Pérou. Ce réseau de pistes a vu le jour sous l'Empire inca. Il parcourt une distance d'environ 6 000 kilomètres entre la ville de Pasto en Colombie et celle de Talca au centre du Chili, et englobe le site inscrit de la Quebrada de Humahuaca, en Argentine. Le réseau comporte non seulement les routes, mais aussi les constructions et les ouvrages de génie civil associés. Il a permis de relier des peuplements humains, des centres administratifs, des régions agricoles et minières et des lieux religieux et sacrés. L'initiative de l'inscription commune de ce site par les six pays concernés est envisagée comme un instrument puissant pour la promotion durable du développement des peuples et des communautés indigènes unis par le Qapaq Nan.
Le terme « paysage culturel » recouvre une grande variété de manifestations interactives entre l'homme et son environnement naturel. Les paysages culturels reflètent souvent des techniques spécifiques d'utilisation viable des terres, prenant en considération les caractéristiques et les limites de l'environnement naturel dans lequel ils sont établis ainsi qu'une relation spirituelle spécifique avec la nature. La protection des paysages culturels peut contribuer aux techniques modernes d'utilisation et de développement des terres, tout en conservant ou en améliorant les valeurs naturelles du paysage. L'existence permanente de formes traditionnelles d'utilisation des terres soutient la diversité biologique dans de nombreuses régions du monde. La protection des paysages culturels traditionnels est par conséquent utile pour le maintien d'une diversité biologique.
Les paysages culturels, dont des cultures en terrasses, les jardins ou les lieux sacrés, témoignent du génie créateur de l'être humain, de l'évolution sociale, du dynamisme spirituel et imaginaire de l'humanité. à ce jour, 51 paysages culturels sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial.
En octobre 2005, l'assemblée générale des Etats parties à la Convention a adopté le Mémorandum de Vienne. Avec près de la moitié de la population mondiale qui vit aujourd'hui en zones urbaines et les prévisions de croissance de l'urbanisation pour la prochaine décennie, la pression sur les villes historiques et leur paysage urbain historique va continuer à augmenter. La conservation urbaine et paysagère va donc devenir l'une des tâches les plus dynamiques et les plus ardues de notre époque. Depuis quelques années, on constate aux sessions du Comité du patrimoine mondial une augmentation spectaculaire des débats sur les constructions de grande hauteur et les interventions d'architecture contemporaine sur des sites du patrimoine mondial.
La conservation urbaine en question
C'est pour cette raison que le Comité a demandé l'organisation d'une conférence internationale sur les moyens de réguler efficacement les besoins de modernisation de notre environnement urbain quotidien, tout en sauvegardant le patrimoine irremplaçable constitué par nos villes historiques. La conférence internationale « Patrimoine mondial et architecture contemporaine – Gérer le paysage urbain historique » s'est tenue à Vienne, Autriche, en mai 2005. Le document en résultant, dénommé Mémorandum de Vienne, a été adopté en octobre 2005 par la 15e Assemblée générale des Etats parties à la Convention. Le Mémorandum de Vienne est un outil supplémentaire pour discuter, évaluer et estimer les cas de villes comportant des constructions de grande hauteur et des interventions contemporaines dans des environnements urbains d'importance patrimoniale. Les pays sont également invités à utiliser ce nouvel outil et à le rendre opérationnel dans leur politique générale et dans leurs stratégies de gestion et de la conservation.
La liste du patrimoine mondial continue à croître chaque année, et la tâche de sauvegarde devient plus formidable et particulièrement complexe. Une approche créative et adaptée permet de faire évoluer les méthodes de sauvegarde du patrimoine mondial, afin de mieux soutenir et préserver notre patrimoine commun pour les générations futures.
Bibliographie
- Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, Centre du patrimoine mondial de l'Unesco Centre du patrimoine mondial de l'Unesco
- Orientations devant guider la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine mondial, Centre du patrimoine mondial de l'Unesco Centre du patrimoine mondial de l'Unesco
- Mémorandum de Vienne sur "Le patrimoine mondial et l'architecture comtemporaine, Gestion du paysage urbain historique", Centre du patrimoine mondial de l'Unesco Centre du patrimoine mondial de l'Unesco
- Cultural Landscapes : the Challenges of Conservation, Centre du patrimoine mondial de l'Unesco Centre du patrimoine mondial de l'Unesco
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2006-2/les-contours-du-patrimoine-universel.html?item_id=2686
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