« Nous n'accordons la préférence qu'au meilleur projet ! »
Ville de près de 100 000 habitants, Roubaix n'a jamais choisi d'architectes étrangers à l'issue de ses concours et consultations de maîtrise d'œuvre. Explications.
Lorsque vous organisez un concours d'architecture, quels sont vos objectifs ?
Pierre Dubois. Nous cherchons avant tout à obtenir la meilleure réponse pour le programme défini et à faire émerger des projets variés, riches de leur diversité et proposant des solutions architecturales inventives que nous n'avions pas forcément imaginées. C'est tout l'intérêt d'un concours.
Notre objectif final est de tirer le meilleur parti des projets que nous lançons en veillant à leur expression innovante et contemporaine et au coût de l'investissement. La question architecturale et urbanistique d'un projet, son intégration dans un tissu urbain, à l'heure où on parle de densification, sont fondamentales.
La qualité et l'audace architecturales ne doivent pas être réservées à des projets prestigieux, mais peuvent être encore généralisées et démocratisées dans notre pays. C'est ce que nous essayons de mettre en place à Roubaix.
Quels ont été vos choix d'architectes les plus récents ou marquants ?
Les trois derniers projets de la ville de Roubaix sont le groupe scolaire Lucie-Aubrac, la rénovation du Conservatoire de musique à rayonnement départemental et l'extension de l'école Anatole-France, respectivement menés par les cabinets Saison Menu, ZigZag et Nomade, qui ont été choisis par voie de concours ou de consultation, suivant l'ampleur et le type de projet régi par le code des marchés publics.
L'un de nos derniers marchés de très grande ampleur a porté sur l'extension de La Piscine, musée d'art et d'industrie André-Diligent, qu'on ne présente plus à Roubaix ! La ville a procédé, à l'issue de la mise au point du programme, à un concours de concepteurs pour lequel elle a reçu quarante-six candidatures, dont deux d'architectes d'autres pays d'Europe. À l'issue d'une première sélection, le jury a retenu quatre équipes invitées à produire un projet, dont une candidature locale. Il a jugé les propositions de façon anonyme, et c'est le projet de Jean-Paul Philippon — l'architecte du projet d'origine — qui a remporté ses suffrages.
Les procédures de choix des architectes dans les opérations à maîtrise d'ouvrage publique vous semblent-elles adaptées aux besoins d'une ville comme la vôtre ?
Les procédures de consultation donnent lieu à de très nombreuses candidatures, parmi lesquelles le choix est toujours difficile. Mener une consultation n'est pas une procédure anodine cela demande beaucoup de mobilisation et de temps. La ville de Roubaix a dans ses services les compétences nécessaires pour mener ces désignations de maîtres d'œuvre.
Peu d'architectes étrangers répondent aux appels d'offres de la ville, même dans le cadre des consultations européennes. Lille 2004, avec la maison Folie de la Condition publique, avait toutefois suscité des candidatures internationales.
Quel intérêt y a-t-il à faire appel à des architectes étrangers ?
Les architectes étrangers qui répondent à des concours ciblent des projets importants et médiatiques. Roubaix n'a jamais fait appel à des agences internationales parce que, jusqu'à présent, leurs propositions n'ont pas correspondu à nos attentes. Cependant, pour des projets majeurs, l'intérêt d'un tel choix est réel, notamment en matière de communication. Prenons l'exemple de la superbe réalisation du Louvre-Lens, des architectes japonais de l'agence Saana, qui suscite lui-même l'intérêt, avant les collections qu'il abrite.
Mais il en va de même quand on parle de l'architecte français Patrick Bouchain, qui a été retenu en 2003 pour la réhabilitation de notre « manufacture culturelle » (salles de spectacle et d'exposition, pépinière d'entreprises culturelles...), la Condition publique, un ancien bâtiment consacré à l'industrie lainière : son projet et la ville de Roubaix sont mentionnés dans la présentation de ses réalisations et éveillent la curiosité des admirateurs de son travail.
Non, la France ne manque pas de talents, mais les maîtres d'ouvrage ne savent pas toujours bien communiquer sur leurs projets.
La Condition publique (manufacture culturelle).
Architecte : Patrick Bouchain.
Estimez-vous qu'une « préférence française » dans le choix des équipes d'architecture serait bienvenue ?
Nous n'accordons la préférence qu'au meilleur projet ! Nous sommes toujours très transparents sur les concours. Nous avons de très bons architectes localement qui nous font d'excellentes propositions. Le jury tranche toujours selon des critères fermes et bien définis.
En organisant des cours de sensibilisation au patrimoine et à l'architecture, quelle est votre ambition ?
Les classes Patrimoine sont réalisées en partenariat avec le service culturel de la ville. Elles visent à apprendre aux enfants à regarder les bâtiments et à percevoir leurs caractéristiques et leurs qualités. Nous espérons également éveiller leur capacité d'analyse architecturale et leur permettre de comprendre la construction des bâtiments et de déceler ce qui fait leur singularité.
Quel regard portez-vous sur l'architecture française et sur l'architecture internationale ?
Je pense que l'architecture française gagne en qualité. Et la médiatisation des projets et des agences, notamment grâce à la presse professionnelle, conduit les Français à porter un regard différent sur l'architecture.
Il est toujours très enrichissant de voir comment les projets sont traités dans d'autres contextes. Quand je suis à l'étranger, je relève souvent une belle audace dans les projets que je découvre et je constate que la France est encore timide sur ce plan.
Conservatoire de Roubaix. Architectes : agence ZigZag.
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