José GASCON

est président de la sous-commission Santé et Sécurité de la commission sociale de la FIEC (Fédération de l'industrie européenne de la construction) et directeur Santé et Sécurité du groupe espagnol FCC.

La FIEC représente par le biais de ses 33 fédérations membres nationales dans 27 pays (23 Etats membres de la Croatie, la Roumanie et la Turquie) des entreprises de construction de toutes tailles ainsi que des « acteurs globaux » de toutes les spécialités du bâtiment et du génie civil. Elle promeut les intérêts du secteur de la construction auprès des institutions communautaires.

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Santé et sécurité : de bonnes pratiques en marche

Avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 900 milliards d’euros et plus de 12 millions de travailleurs 1, la construction est l’un des principaux secteurs industriels en Europe. La santé et la sécurité des travailleurs est une priorité pour les employeurs, en raison du coût humain que les accidents du travail font peser sur les travailleurs et leurs familles, et de leur coût financier pour les entreprises et les contribuables, coût évalué à 75 milliards d’euros environ par an.

Les législations nationales et européennes adoptées dans ce domaine visent à prévenir les accidents du travail et à protéger la santé des travailleurs. Les partenaires sociaux européens de la construction sont étroitement impliqués dans la négociation de la législation européenne qui ne cesse d’être complétée. En parallèle, ils s’impliquent depuis des années dans des actions et des projets autonomes au sein du Comité européen du dialogue social « construction » afin d’améliorer la santé et la sécurité.

Les efforts des partenaires sociaux, conjugués à ceux des institutions nationales et européennes, ont permis d’améliorer sensiblement la prévention des risques dans la construction. En 1999, quelque 850 000 travailleurs de la construction ont été victimes d’accidents entraînant plus de trois jours d’incapacité de travail. Ce chiffre était en baisse de 13 % par rapport aux données de 1994 2. Mais le seul nombre d’accidents acceptable est zéro : les efforts se poursuivent donc pour atteindre cet objectif, à la fois du côté des pouvoirs publics, grâce à de meilleures législations, et du côté des partenaires sociaux, grâce à de nouvelles initiatives.

La législation européenne évolue

Depuis l’an 2000, la Commission européenne a proposé plusieurs directives importantes afin de compléter le dispositif législatif européen en matière de santé et sécurité. Ces directives visaient notamment à réduire les risques d’exposition des travailleurs aux vibrations et au bruit, risques que l’on rencontre couramment dans le secteur de la construction.

Le syndrome des vibrations du système main-bras est en effet fréquent parmi les travailleurs. 19 % des travailleurs de la construction en Europe sont exposés en permanence à des vibrations et 54 % le sont de temps à autre parce qu’ils utilisent des outils électriques manuels, comme des foreuses et des marteaux pneumatiques 3. Près d’un cinquième des travailleurs du secteur de la construction (17 %) sont aussi exposés en permanence à des niveaux de bruit élevés et plus de la moitié (53%) y sont exposés partiellement 4. Les niveaux de bruit élevés sur les chantiers aggravent les risques de troubles de l’audition.

Pour réduire l’exposition des travailleurs à ces risques, la Commission européenne a proposé aux États membres d’adopter une directive « Vibration » (2002/44/CE) en 2002 et une directive « Bruit » (2003/10/CE) en 2003. Une directive visant les rayonnements optiques a été proposée plus récemment et adoptée en 2006. Ces trois directives introduisent des valeurs limites d’exposition pour les agents physiques concernés, au-delà desquelles des mesures de protection doivent être prévues pour les travailleurs ou bien les équipements de travail adaptés. Dans un même but de protection de la santé des travailleurs, la Commission européenne a proposé en 2005 de réviser la directive « Temps de travail » afin de restreindre les possibilités de recours à la dérogation au temps de travail maximum, connue sous le nom d’ « opt out », dont certains pays européens font un usage jugé excessif.

En parallèle à l’adoption de ces directives, la Commission européenne veille à la bonne application de la législation en vigueur et à la simplification du dispositif législatif européen. Une directive réglementant le montage et l’utilisation des échafaudages a été adoptée en 2001 (2001/45/EC) pour mieux encadrer l’usage des échafaudages et réduire le nombre d’accidents du travail liés aux chutes de hauteur (près de 40 % des accidents mortels sur les chantiers). Afin de faciliter la mise en œuvre de cette directive, la Commission européenne a demandé à un groupe d’experts européens de rédiger un guide de bonnes pratiques sur le sujet. Ce guide sera disponible à la fin 2006 dans toutes les langues de l’Union européenne. En ce qui concerne la simplification du dispositif législatif, la Commission a par ailleurs lancé en 2006 une consultation officielle des partenaires sociaux sur la simplification de la législation européenne en matière de santé et sécurité. Les résultats de cette consultation seront connus prochainement.

Le rôle des partenaires sociaux

Depuis de nombreuses années, la prévention est une priorité pour les partenaires sociaux européens du secteur de la construction. Au milieu des années 90, la FIEC et la Fédération des Travailleurs du Bois et du Bâtiment (FETBB) ont été particulièrement impliquées dans les discussions préalables à l’adoption de la directive « chantiers temporaires et mobiles » (92/57/EC) qui a introduit en 1992 la fonction de coordinateur santé et sécurité sur les chantiers. Depuis, les deux organisations veillent à ce que cette fonction soit correctement exercée, pour atteindre les objectifs visés par la directive, en particulier la réduction des accidents liés à la coactivité sur les chantiers.

Afin d’aider les entreprises de construction à bien comprendre cette nouvelle fonction, ces organisations ont donc rédigé en 2002 un guide de bonnes pratiques sur la coordination de la santé et de la sécurité au travail. Ce guide, qui a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne, présente le rôle du coordinateur santé et sécurité et propose une série de stratégies pour une coordination efficace de la sécurité sur les chantiers 5. Conçu pour faciliter la mise en œuvre de la directive au niveau national, le guide de bonnes pratiques vise également le développement d’une culture santé et sécurité dans les entreprises de construction. Les fédérations membres de la FIEC ont été invitées à le diffuser auprès de leurs entreprises affiliées, notamment sous forme de posters à afficher sur le lieu de travail.

Le développement d’une culture santé et sécurité sur les chantiers repose non seulement sur des initiatives concrètes sur le lieu de travail, avec le support d’outils, de guides pratiques, mais aussi sur l’amélioration de la formation. Afin de faire des progrès dans ce domaine, la FIEC et la FETBB ont décidé de participer, en tant que partenaires, à un projet Leonardo da Vinci dont l’objectif est d’établir un réseau européen en matière d’éducation et de formation à la sécurité et à la santé au travail. Ce projet, qui devrait être finalisé d’ici la fin 2007, doit aboutir à la création d’un site Web présentant des bonnes pratiques, des approches innovantes et des «boîtes à outils» à destination des enseignants et des formateurs. La FIEC et la FETBB diffuseront les éléments collectés auprès de leurs membres.

Améliorer la culture santé et sécurité sur les chantiers suppose aussi des campagnes d’information régulières, afin d’accroître la sensibilisation et la prise de conscience du risque chez tous les acteurs du secteur. Seuls les efforts conjoints de tous les intervenants de la chaîne de production, des maîtres d’ouvrage, architectes et fournisseurs aux personnes concernées plus directement, à savoir les entreprises et travailleurs du secteur de la construction, permettront d’atteindre les meilleurs résultats en termes de réduction des accidents. La santé et la sécurité doivent être prises en compte à chaque étape de la construction, de la conception à la planification, de la préparation à l’exécution.

Des efforts d’information

L’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, située à Bilbao, a pour principale mission de diffuser de l’information. Elle organise chaque année une campagne européenne sur un thème « santé et sécurité », qui culmine avec l’organisation d’une semaine « santé et sécurité » en octobre, au cours de laquelle de nombreux événements sont organisés.

Pour la première fois en 2004, cette agence a choisi un thème sectoriel pour sa campagne, qui a été baptisée « Année européenne pour la santé et la sécurité dans le secteur de la construction ». La FIEC et la FETBB ont soutenu cette campagne et l’ont relayée auprès de leurs membres. Toutes les fédérations membres de la FIEC ont été invitées à organiser des actions à l’échelle nationale pour sensibiliser les entreprises du secteur et diffuser les bonnes pratiques et les documents promus par l’Agence.
En 2006, les partenaires sociaux européens ont également apporté leur soutien à la campagne « Débuter en sécurité » organisée par l’Agence de Bilbao pour sensibiliser les futurs et jeunes travailleurs aux risques professionnels qu’ils peuvent encourir sur leur lieu de travail. Bon nombre d’accidents sur chantier impliquent en effet des jeunes travailleurs, qui ont tendance à être moins conscients des risques, faute d’expérience. Les fédérations membres de la FIEC ont été invitées à organiser des événements spécifiques pour les jeunes travailleurs.

La FIEC et la FETBB ont adopté début 2006 une recommandation commune sur la prévention du stress au travail dans la construction, à l’attention de leurs membres. Cette recommandation souligne que la lutte contre le stress d’origine professionnelle peut contribuer à améliorer le rendement ainsi que la santé et la sécurité sur le lieu de travail.

Compte tenu des coûts humains importants d’un accident du travail, et de l’impact de la sécurité sur la productivité des travailleurs et la compétitivité du secteur, les partenaires sociaux européens sont engagés depuis de nombreuses années dans des actions de prévention. Ces actions sont entreprises le plus souvent dans le cadre du Comité européen du dialogue social « construction », et en collaboration avec d’autres acteurs, comme l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail. Elles ont principalement pour objectif de développer une culture santé et sécurité dans l’entreprise en faisant grandir la prise de conscience des risques. Elles s’appuient sur la diffusion de bonnes pratiques, d’outils et d’informations diverses, parfois ciblées sur un public particulier, les jeunes par exemple. Ces outils peuvent avoir un caractère volontaire ou obligatoire, comme la carte santé et sécurité mise en place au Royaume-Uni que les travailleurs de la construction doivent avoir en poche pour entrer sur certains sites. Cette carte atteste qu’ils possèdent les compétences de base dans le domaine de la santé et de la sécurité. Ce système de carte, qui existe également en Irlande et en Finlande, pourrait être étendu à l’ensemble des pays européens. Les partenaires sociaux européens font usage de leur réseau de communication pour diffuser des informations. à leurs organisations membres d’en tirer parti au niveau national.

  1. Données UE 15 (source : FIEC: « La construction en Europe : Chiffres clés » http://www.fiec.org/main.html).
  2. Les accidents du travail dans l’UE 1998-1999, Eurostat, Office statistique des Communautés européennes, ISSN 1024-4352.
  3. Paoli, P. & Merllié, D., Troisième enquête européenne sur les conditions de travail 2000, Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Office des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg, 2001.
  4. Idem
  5. Il contient de nombreuses photos et des schémas pour être facilement consultable et compris par les PME du secteur. Publié au départ en six langues (DE, DK, EN, ES, FR et IT), le guide a été traduit dans cinq langues supplémentaires en 2005 pour être diffusé au Portugal, en Hongrie, en Slovaquie, en Slovénie et en Turquie, en parallèle à une campagne organisée par la Commission européenne dans le but d’améliorer les standards santé et de sécurité du secteur de la construction. D’ici la fin 2006, il sera également traduit en roumain, bulgare et croate.
  6. Selon les statistiques européennes, le taux d'incidence en matière d'accidents du travail est au moins 50% supérieur parmi les personnes âgées de 18-24 ans que dans toute autre catégorie d'âge (accident non-mortel).
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2006-10/sante-et-securite-de-bonnes-pratiques-en-marche.html?item_id=2733
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