Harrie BIJEN

est secrétaire général de la Fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois (FETBB).

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Comment rendre plus attractif le travail dans le bâtiment ?

De tous les secteurs de l’économie, celui du bâtiment est incontestablement l’un des plus importants : il emploie douze millions de personnes dans l’Union européenne. Pourtant, il souffre d’un déficit d’image et doit engager des actions volontaristes pour attirer et garder des jeunes et améliorer les conditions de travail.

La construction fait partie de notre quotidien et frappe toujours l’imagination du grand public. Pour illustrer une activité économique, la télévision recourt souvent à des images du bâtiment. Bâtir est une seconde nature : les enfants jouent avec des cubes ou construisent des châteaux de sable et les adultes dessinent des plans de construction « pour de vrai ». Tout le monde connaît et se trouve en contact quotidien avec le bâtiment. Nous apprécions les résultats et en déplorons les défauts. Tout le monde a son mot à dire.

Mais l’opinion que les gens se font du secteur et de la profession est nettement moins positive. Le BTP a un problème d’image de marque. Je n’approfondirai ici qu’un volet de cette problématique, celui de la profession : comment le travail est-il apprécié et quels sont les aspects attrayants et moins attrayants du travail dans le bâtiment ?

Beaucoup de pays européens sont confrontés à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur du BTP. Les entreprises éprouvent des difficultés à recruter du personnel compétent, un manque auquel tente de pallier un nombre croissant de travailleurs immigrés venant des nouveaux pays adhérents et de pays extérieurs à l’Union européenne. Dans les états subissant une conjoncture morose, ce nouvel apport se traduit souvent par un chômage accru des ouvriers de la construction. L’Allemagne est l’exemple le plus représentatif de cette situation.

Les jeunes optent de plus en plus pour des formations à l’image de marque plus «moderne» et veulent au moins pouvoir travailler avec un ordinateur. À cela s’ajoute le fait qu'ils ne choisissent plus automatiquement la même profession que leur père ou grand-père. La mobilité sociale leur offre la possibilité de suivre des formations plus poussées et de gravir ainsi les échelons de la société.

Enfin, on sait que l’emploi dans la construction n’est pas toujours garanti et que le travail peut être dur et risqué. Autant de facteurs qui renforcent l’image négative du secteur. Pour les jeunes, il apparaît comme peu innovant et demandant peu de formation. Il ne figure donc pas dans leurs priorités en matière de formation et d’emploi.

Assurer la sécurité de l’emploi

Le bâtiment est un secteur fortement cyclique. Des périodes d’investissements alternent avec des années où les projets ne dépassent pas le stade de la table à dessin. Les pouvoirs publics recourent rarement à des investissements dans le bâtiment pour stimuler l’économie, malgré l’effet de levier que peuvent avoir les investissements dans le bâtiment. Dix emplois dans le BTP correspondent à quatorze emplois dans les secteurs sous-traitants.

Le caractère cyclique du secteur signifie que les ouvriers du bâtiment sont confrontés au chômage plusieurs fois au cours de leur vie. Le chômage saisonnier joue également un rôle non négligeable dans bon nombre de pays et de secteurs d’activité du BTP. Les partenaires sociaux, les organisations patronales et les syndicats sont continuellement à la recherche de solutions à ces problèmes. Pourtant, le phénomène continue à faire partie du quotidien de l’ouvrier du BTP.

Des solutions techniques permettent déjà aux ouvriers du Grand Nord de travailler plus longtemps en hiver que les ouvriers travaillant l’hiver dans des climats plus tempérés. Dans d’autres pays, des fonds de solidarité et des accords fixés dans les CCT assurent aux ouvriers un revenu minimal durant les mois d’hiver.

La culture du secteur se caractérise par des changements fréquents d’employeur. Lorsqu’un chantier est terminé et qu’aucun autre ne s’annonce, l’ouvrier cherchera à travailler pour un autre patron. Un comportement que favorise notamment la surreprésentation de petites et moyennes entreprises dans le BTP. Dans d’autres pays, certains employeurs semblent pallier la pénurie de main-d’œuvre en prolongeant les contrats d’embauche.

En ce qui concerne la sécurité et la santé, l’image de marque du BTP est toujours aussi négative, malgré les efforts des partenaires sociaux et de l’État et les progrès enregistrés dans nombre de pays 1.

Lorsque l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail (également appelée l’Agence de Bilbao) a entrepris de consacrer une année thématique à un secteur spécifique, son choix s’est tout naturellement porté sur le bâtiment. Encore aujourd’hui, les statistiques sont peu flatteuses.

Tous ces aspects méritent la plus haute priorité aux yeux de la FETBB. Notre travail doit être plus efficace, plus sûr et plus sain. Un impératif qui concerne tout particulièrement les nouveaux pays adhérents. Une récente étude des inspecteurs européens du travail a en effet révélé que la situation y est particulièrement dramatique.

Améliorer qualité et qualification

L’un des aspects négatifs de l’image de marque du bâtiment est son manque d’innovation. Une lacune qui s’accompagne d’exigences limitées en matière de formation. Dans beaucoup de pays, la filière professionnelle est mal perçue et beaucoup d’ouvriers apprennent le travail « sur le tas ». Si cette situation n’est pas problématique en soi, elle représente bel et bien un frein à l’innovation. La possibilité de faire appel à une main-d’œuvre abondante provenant des nouveaux Etats membres, diminue également l’urgence des efforts nécessaires à la formation de jeunes recrues. Le fait de combler ainsi la pénurie, qui n’est peut-être que temporaire, constitue une solution moins onéreuse, certes, mais d’un point de vue structurel, elle n’est pas une véritable solution, bien évidemment. Dès l’instant où l’économie sera revenue à la normale dans les nouveaux Etats membres, la plupart de ces ouvriers retourneront dans leur pays d’origine.

Les investissements dans la formation sont donc indispensables. Toutefois, cette mission reviendra essentiellement au secteur en tant que tel, étant donné qu’il est essentiellement composé de petites et moyennes entreprises.
Ces entreprises ne disposent quasiment pas de moyens pour mettre en place un système de qualité. Il appartient donc surtout aux partenaires sociaux de se préoccuper de la mise en place de formations professionnelles performantes. En observant l’ensemble des formations professionnelles, les différences en matière d’organisation dans les différents pays européens sont considérables. On peut distinguer grossièrement deux catégories : les formations sur le terrain et les formations dispensées par les écoles, avec, dans chaque catégorie, de nombreuses variantes. La durée des formations diverge également très fortement et varie entre deux et cinq ans.

Pour rendre le bâtiment plus attractif aux yeux des jeunes 2, les perspectives de formations continues, focalisées sur les nouveaux matériaux et technologies de pointe sont également très importantes. Le développement du système de formation en l’ouvrant également aux anciens, peut avoir un double avantage pour le secteur : les ouvriers restent motivés pour travailler dans le bâtiment et la modernisation du secteur peut gagner en stabilité grâce à une main-d’œuvre mieux qualifiée.

Depuis plusieurs années, les partenaires sociaux discutent de la nécessité de créer un passeport permettant de consigner la qualification des salariés. Un tel support est important, non seulement pour les candidats à l’embauche, à qui il permet de démontrer les qualifications et expériences professionnelles acquises, mais aussi pour les employeurs pour qui il constitue un outil pratique lors du recrutement et de la sélection.

Au Royaume-Uni, ce système est déjà instauré à grande échelle. La mise en place d’un passeport similaire à l’échelle européenne constituerait donc également un avantage pour le marché de l’emploi dans le bâtiment.

Consolider la formation

D’autres raisons justifient l’importance d’une consolidation des formations dans le bâtiment. Les résultats du secteur en matière de sécurité et de santé restant toujours médiocres, il est absolument indispensable d’accorder davantage d’attention à ces aspects, entre autres, par le biais de formations continues pour les anciens.

La consolidation des formations professionnelles et la formation continue sont également primordiales pour la qualité du travail. Des méthodes de travail modernes, du matériel plus performant et des matériaux de meilleure qualité devraient permettre de renforcer encore la qualité du produit. Une attention particulière doit également être accordée à la charge environnementale que représente le bâtiment, tant au niveau du travail proprement dit que du produit.

Cela suppose également un investissement humain sous la forme de qualifications professionnelles à la hauteur des exigences imposées par les méthodes de construction avancées et durables d’aujourd’hui. Cet effort ne doit pas seulement concerner les jeunes issus des formations professionnelles, mais également les anciens. Le secteur doit signer des accords visant la reconversion d’ouvriers qui ne sont plus capables physiquement d’effectuer leur travail. Un récent accord entre partenaires sociaux du bâtiment aux Pays-Bas va dans ce sens.

Pour répondre au vieillissement de la population européenne, qui ne fera qu’accentuer la pénurie annoncée de main-d’œuvre, il devient urgent de signer des accords similaires dans d’autres pays européens. Beaucoup d’États membres remettent en question l’âge légal de la retraite. Les pays qui décident le report de l’âge de la retraite doivent se déclarer prêts à investir dans une politique permettant aux ouvriers de continuer à travailler dans le bâtiment jusqu’à la retraite. Une réalité encore bien lointaine dans nombre de pays européens.

Rénover ensemble

Les possibilités de relever ces défis existent. Les partenaires sociaux du BTP ont un intérêt commun à anticiper des changements sociaux et culturels déjà perceptibles. Dans ce cadre, nous devons constamment chercher des solutions et privilégier des projets visant à répondre à ces besoins. Ces solutions doivent être énoncées et mises en œuvre sur les chantiers, dans les entreprises et au niveau national. La concertation sociale au niveau européen doit rester à l’écoute de cette évolution : avec la signature d’accords concrets, elle doit nous permettre de mettre en place un secteur européen de la construction fort et en pleine santé. Dans l’intérêt des ouvriers et des entreprises.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2006-10/comment-rendre-plus-attractif-le-travail-dans-le-batiment.html?item_id=2735
© Constructif
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Comment rendre le travail plus attractif dans les secteurs du bâtiment et du BTP ? Le bâtiment en perspective avec Constructif, magazine de la FFB.