André BABEAU

Professeur honoraire à l'université de Paris-Dauphine.

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L’immobilier résidentiel : un actif efficace de diversification des patrimoines

L’analyse sur longue période de l’évolution des placements mobiliers et immobiliers des ménages laisse présager un accroissement sensible de leurs actifs résidentiels de rapport dans la prochaine décennie.

Les éléments de comptabilité patrimoniale dont nous disposons ne nous permettent pas de remonter très loin en arrière dans l’histoire de notre pays. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, on sait cependant que le patrimoine des ménages était pour près des trois quarts composé d’actifs non financiers (logements, terrains à bâtir, terres de culture, forêts, machines et équipements des entrepreneurs individuels) et pour un quart seulement d’actifs financiers (dépôts bancaires, valeurs mobilières, créances sur les sociétés d’assurance). Cette proportion ne semble pas avoir beaucoup changé jusqu’à la fin des années cinquante.

Au cours de la décennie qui a suivi, la part du patrimoine financier des Français a commencé de s’accroître et, au début des années soixante-dix, elle s’approchait du tiers du patrimoine total. Les années 1970-1985 ont été marquées par une stabilisation, voire par un certain reflux, de cette part un peu au-dessous de 30% : ce sont les années des deux crises pétrolières et des nationalisations de 1982.

A partir du milieu de la décennie quatre-vingt, la financiarisation de l’économie est en marche et la part du patrimoine financier reprend son ascension dans le patrimoine des ménages, en dépit des fluctuations entraînées par les secousses boursières de 1987 et de 1990. Il est vrai que l’immobilier européen et même mondial connaît de son côté, entre 1991 et 1994, sa première grande crise internationale. Toujours est-il qu’à la fin de la décennie quatre-vingt, le patrimoine financier dépasse déjà assez nettement les deux cinquièmes du patrimoine total.

Environ dix ans plus tard, en 1998, à la suite d’une très bonne année boursière, le patrimoine financier dépasse la moitié du patrimoine total et il frôle même apparemment les 54% à la fin de 1999, autre très bonne année boursière1. Avec les années 2000 et surtout 2001, nettement moins favorables en ce qui concerne l’évolution du prix des actions, la proportion du patrimoine financier dans le patrimoine total a dû retomber aux alentours de la moitié.

Ces évolutions macro-économiques sont la résultante des variations de valeur des actifs et des changements dans les choix de placement de la part des particuliers : c’est la fameuse distinction prix-volume chère aux économistes. On peut donc isoler en comptabilité nationale ce qui relève des comportements des particuliers lors de l’acquisition d’actifs mobiliers ou immobiliers. Mais on verra que cette approche comporte de sérieuses limites et qu’elle demande donc à être complétée par d’autres éclairages. On reviendra par ailleurs sur les évolutions de prix des actifs dont il devra évidemment être tenu compte lors du calcul des rendements des différents types de placement.

Placements financiers et investissements « physiques »

La comptabilité nationale fournit certaines indications globales sur le poids relatif des placements financiers et non financiers réalisés par les ménages et financés, soit par leur épargne, soit par recours au crédit. Les placements financiers correspondent aux flux nets d’acquisitions (achats moins ventes) ou de dépôts sur les différents types de placements financiers possibles. On signalera ici que les achats de titres de SCPI ou de sociétés foncières cotées, qui sont à la frontière entre placements financiers et placements non financiers, sont assimilés par la comptabilité nationale à des achats de valeurs mobilières et donc comptés dans l’« agrégat » placements financiers.

Les investissements physiques correspondent à la formation brute de capital fixe (FBCF) des ménages qui se décompose en investissements dans les logements et en investissements dans les entreprises individuelles, les premiers étant nettement majoritaires. On rappellera que les investissements dans le logement se décomposent eux-mêmes en travaux réalisés pour l’entretien et l’amélioration de ces logements – forme de placement comme une autre – et les achats et les constructions de logements neufs. Les achats de logements anciens, sur lesquels on reviendra plus loin car ils sont fort importants, et les terrains acquis à l’occasion de l’achat d’un logement neuf ne font pas partie de la production nouvelle de logements et, de façon tout à fait légitime, ne figurent donc pas en « emploi » dans le compte de capital des ménages2.

Investissements traditionnels

Tels qu’ils sont ainsi définis, les rapports existant entre placements financiers et placements non financiers ont évolué au cours de la seconde moitié du XXe siècle : jusqu’à la fin des années soixante, les investissements des particuliers restent supérieurs à leurs placements financiers : on est en effet encore dans les années de croissance assez rapide du parc de logements et les formes de placements financiers des Français restent très traditionnelles ; l’assurance vie, en particulier, est alors un placement tout à fait marginal.

Au cours des douze années qui suivent, un certain équilibre s’établit entre les deux flux de placements financiers et non financiers : l’un et l’autre représentent chacun quelque 12 à 13% du revenu disponible des ménages, ce qui est considérable.

A partir de 1984-1985, c’est un nouveau paysage qui apparaît : en termes de revenu disponible, les deux pourcentages diminuent, mais la baisse des investissements est beaucoup plus forte que celle des placements financiers ; ces derniers en effet représentent encore entre 9 et 10% du revenu disponible des ménages, alors que le flux d’investissement brut se situe dans l’intervalle de 7 à 8%3. C’est que, d’une part, le parc de logements a été entièrement renouvelé depuis la guerre et que, d’autre part, sa croissance s’est considérablement ralentie après l’arrivée en âge d’activité des générations du baby-boom.

Travaux en hausse

Part respective des investissements physiques bruts et des placements financiers dans l’accumulation des ménages selon les périodes (en %)*

FBCF
Flux de placement
financiers
Total
1961-1970
59,0
41,0
100,0
1971-1983
48,7
51,3
100,0
184-1990
44,9
55,1
100,0
1991-1998
38,7
61,3
100,0

*«L’ accumulation brute » des ménages est la somme de leur FBCF (Formation brute de capital fixe) et du flux nouveau de leurs placements financiers. Les sources utilisées ici sont celles de la comptabilité nationale, base 1980.

Alors que le parc des résidences principales croissait jusqu’au milieu des années soixante-dix à un rythme compris entre 1,8 et 2% par an, ce taux entre 1990 et 2000 n’est plus que de 1,3%. Ce fort ralentissement a deux conséquences : d’une part les investissements « logement » à réaliser deviennent globalement moins importants, d’autre part, au sein de ces investissements logement, la part des logements neufs reflue au profit de travaux dont le poids s’accroît avec le vieillissement progressif du parc.

Au total, l’évolution des comportements des ménages est bien une des causes de l’évolution de la composition du patrimoine total des ménages commentée plus haut : la croissance de la part du patrimoine financier est due, au moins pour partie, à des placements financiers qui, depuis quelque quinze ans, sont nettement supérieurs aux investissements bruts réalisés par les ménages. La disparité qui a été signalée serait d’ailleurs encore beaucoup plus prononcée si, comme il se doit dans l’analyse de l’accumulation patrimoniale, au lieu de l’investissement brut de l’amortissement (ce que les comptables nationaux appellent la « consommation de capital »), nous faisions intervenir le seul investissement net.

A cette explication par les volumes, il faut adjoindre une explication qui passe par les prix : entre 1985 et 2000, les plus-values financières ont en effet été beaucoup plus importantes que les plus-values non financières et elles ont donc, elles aussi, contribué à la forte augmentation de la part du patrimoine financier dans le total.

Mais l’étude macro-économique du secteur des ménages en comptabilité nationale est évidemment très insuffisante pour nous permettre de comprendre leurs comportements en matière de choix de placements et d’investissement. La dimension « cycle de vie » ne peut plus être ignorée. Les enquêtes auprès des ménages permettent au moins d’en esquisser l’influence.

La structure du patrimoine au cours du cycle de vie

Evolution de la composition du patrimoine brut des ménages au cours du cycle de vie (en %)*

Age du chef de ménage
Patrimoine non financier
Patrimoine financier
Total
Moins de 30
68
32
100
30 à 39 ans
73
27
100
40 à 49 ans
62
38
100
50 à 59 ans
56
44
100
60 à 69 ans
48
52
100
70 à 79 ans
36
64
100
80 et plus
28
72
100
Ensemble
54
46
100

* Il s’agit en fait d’une mise en évidence de « l’effet d’âge » dans une simulation concernant l’année 2000, elle-même rendue possible par l’enquête « actifs financiers » de l’Insee de 1997-1998 ; comme l’on sait, ces enquêtes en coupe instantanée juxtaposent effets d’âge, effets de générations et effets de circonstances. Dans l’enquête en question, les actions non cotées et les « autres participations » ne sont que partiellement prises en compte dans le redressement sur données de comptabilité nationale, ce qui explique que le patrimoine financier soit encore minoritaire à la fin de l’année 2000.

Le cycle de vie des particuliers, depuis leur entrée dans la vie active jusqu’à leur disparition, est une dimension très importante de l’analyse des préférences en matière de choix de placements, en prenant le terme « préférence » dans une acception très large. En début de cycle de vie, chez les moins de trente ans, le patrimoine non financier ne dépasse guère les deux cinquièmes du patrimoine total ; les patrimoines par ménage sont certes modestes, mais la propriété du logement principal est nettement minoritaire et les actifs professionnels ne sont pas bien importants. Le patrimoine financier comprend souvent un plan d’épargne-logement qui sera peut-être utilisé ultérieurement pour obtenir un crédit, des produits traditionnels tels que les livrets et, depuis peu, l’amorce d’un portefeuille de valeurs mobilières (à partir de 1998-1999, beaucoup de jeunes ont ouvert un PEA, pour « prendre date »).

L’âge moyen de la première propriété du logement est, chez nous, aux alentours de trente-cinq ans. Cela veut dire que, dans la tranche d’âge correspondante – celle dont le chef de ménage est âgé de trente à quarante ans – la proportion des actifs non financiers s’élève fortement pour atteindre pratiquement les deux tiers du patrimoine total, brut d’endettement. En fait, par le biais de l’apport personnel, le logement acquis s’est substitué à des actifs financiers ; il n’est pas étonnant que ceux-ci soient alors réduits à la portion congrue.

Au cours des années suivantes, l’épargne du ménage sert souvent principalement, voire exclusivement, au remboursement des emprunts souscrits à l’occasion de l’achat du logement. Du point de vue de la composition des patrimoines bruts, la situation reste donc pratiquement sans changement chez les quarante à cinquante ans.

Chez les cinquante à soixante ans, on commence à voir s’amorcer une remontée de la part du patrimoine financier : les patrimoines moyens deviennent plus importants parce que l’épargne du ménage sert de moins en moins à rembourser des dettes et de plus en plus au contraire à accumuler de nouveaux actifs au-delà de la résidence principale. Il se trouve que très souvent ces actifs sont de nature financière (contrats d’assurance vie, parts de fonds d’investissement, etc.).

A partir de soixante ans, cette tendance s’accentue fortement : en évolution dynamique, le patrimoine moyen continue de croître4 et même si certains investissements non financiers ont lieu (achat d’immobilier de rapport), les placements financiers restent majoritaires. Il y a aussi certaines reventes de logements devenu surdimensionnés au profit de familles plus jeunes avec enfants. Bref, au-delà de soixante-dix ans, la part des actifs non financiers dans le patrimoine total tombe, en moyenne, sensiblement en deçà des deux cinquièmes.

Cette revente de logements anciens est, pour nous, l’occasion d’insister sur l’importance de ces transactions fréquemment conclues entre des plus de soixante ans et des moins de quarante ans : c’est en fait le passage d’une génération à l’autre. Et ce passage est maintenant souvent l’occasion de la primo-accession à la propriété du logement pour la jeune génération. Il y a quelque quinze à vingt ans, la primo-accession se faisait encore largement par l’intermédiaire des logements neufs. C’est beaucoup moins vrai aujourd’hui où ces logements neufs sont globalement moins nombreux qu’hier et où les primo-accédants se laissent souvent séduire par des logements individuels anciens. Cela est particulièrement vrai, par exemple, dans une région comme le Nord - Pas-de-Calais dont le parc est, pour beaucoup, composé de logements individuels.

Si l’on veut situer plus précisément l’importance relative de ces flux de logements anciens, on peut observer qu’en 2000, par exemple, les achats de logements neufs (y compris le foncier) par les ménages n’ont pas dépassé 41 milliards d’euros, alors que les acquisitions de logements anciens atteignaient pratiquement 68 milliards5. Ce sont maintenant ces acquisitions de logement anciens qui expliquent, pour une bonne part, la croissance de la proportion d’actifs non financiers dans le patrimoine total entre trente et cinquante ans.

Il est temps maintenant de serrer les choses de plus près et d’envisager le logement comme placement comparé à d’autres types de placements et, en particulier, à des placements financiers.

L’immobilier comme placement

Composition du patrimoine résidentiel des ménages fin 2000 (en nombre de logements)

Nombre de logements
En milliers
en % du total
Résidences principales
(propriétaires et occupants)
13 390
55,7
Logements de rapport
4 586
19,1
Résidences secondaires
2 942
12,2
Logements vacants
1 819
7,6
Autres statuts
1 286
5,4
Total
24 023
100,0

Sources : modèle Viperes et modèle Despina de Michel Mouillart (Université de Paris X – Nanterre).

Naturellement, lors de l’acquisition de la résidence principale, les considérations concernant la valeur future du bien ne sont jamais totalement absentes : tout acquéreur souhaite évidemment, s’il le souhaite ou s’il y est contraint, pouvoir revendre son logement dans les meilleures conditions possibles. Symétriquement, il arrive que les considérations familiales ne soient pas absentes de l’acquisition d’un logement qu’on envisage de donner à bail : cela peut être le logement que l’on se réserve pour la période de retraite ou celui que l’on donnera, le moment venu, à l’un de ses enfants. On peut tout de même penser que, dans ce second cas, le calcul en ce qui concerne le rendement courant du bien comme ses perspectives de plus-values se fait plus précis que dans le premier.

Que représentent les logements donnés à bail dans le patrimoine des ménages ? Plus précisément, dans leur patrimoine de rapport ? Quel rendement peut-on lui associer ? Sur un parc de résidences principales qui dépasse les 24 millions à la fin de 2000, les ménages en détiendraient un peu plus de 13 millions pour les habiter eux-mêmes et seraient en outre propriétaires d’environ 4,6 millions de logements qu’ils donnent à bail : ces logements ont comme caractéristiques d’être souvent moins grands que les logements occupés par leurs propriétaires et d’être situés dans des agglomérations moyennes ou grandes, là où la demande de locations est censée être importante.

Dans les comptes de patrimoine, à nouveau publiés par l’Insee en 20016, figure, pour le secteur des ménages, une valorisation séparée des logements (près de 1 700 milliards d’euros fin 2000) et des terrains bâtis (un peu moins de 800 milliards d’euros). Soit environ 2 500 milliards d’euros qui représentent près des deux cinquièmes du patrimoine total des ménages en cette fin d’année 2000. Mais entre 1994 et 2000, cette part a tout de même perdu près de six points de pourcentage en raison du très bon comportement du patrimoine financier.

Il est évidemment très intéressant d’essayer de situer le patrimoine immobilier de rapport dans l’ensemble du patrimoine résidentiel des ménages.

Malgré l’existence du Compte satellite du logement qui contient d’intéressantes informations, on ne dispose malheureusement pas d’une décomposition de ce patrimoine résidentiel selon les différents types de logements détenus : logements donnés à bail, résidences principales occupées par leurs propriétaires, résidences secondaires, logements ayant un autre statut.

Stabilisation des propriétaires-occupants

Composition du patrimoine résidentiel des ménages en 2000 (en valeur)

Nombre de logements
En milliards d’euros
en % du total
Résidences principales
(propriétaires et occupants)
1 613
67,7
Logements de rapport
301
12,6
Résidences secondaires
251
10,5
Logements vacants
133
5,6
Autres statuts
85
3,6
Total
2 383
100,0

Sources : outre les modèles Viperes et Despina, l’OFL du CREP/TMO est ici largement mis à contribution.

En nombre de logements donnés à bail par des personnes physiques7, l’évolution depuis la Deuxième Guerre mondiale a été contrastée : on a d’abord assisté à une longue période de reflux qui s’explique aussi bien par la progression de la proportion de propriétaires occupants que par la forte augmentation du parc locatif social. Cette période semble s’être achevée à la fin des années quatre-vingt avec un minimum d’un peu moins de 3,8 millions de logements possédés par des bailleurs personnes physiques sur un parc total de 21,2 millions de résidences principales, soit un peu moins de 18% de ce parc. Au cours de la décennie suivante (1990-2000), la proportion de propriétaires occupants dans le parc de résidences principales se stabilise entre 54 et 55% et la progression du parc locatif social n’est plus que de 1,4% en moyenne annuelle. On assiste alors à un rebond du nombre de logements possédés par des bailleurs personnes physiques : sur dix ans, la progression est de 1,8% par an, pour terminer, fin 2000, à un peu moins de 4,6 millions de logements.

Les données physiques sont une chose, leur valorisation en est une autre.

En utilisant diverses informations, notamment celles que l’on peut tirer de l’Observatoire du financement du logement du CREP/TMO et le traitement qu’en fait Michel Mouillart dans le cadre du modèle Despina, on peut avec prudence tenter de chiffrer les différentes composantes de ce parc dans le cadre de la valeur totale fournie par l’Insee. Si l’on retient une valeur moyenne d’un peu moins de 69 000 euros pour ces logements de rapport, on obtient, à la fin de 2000, un montant global de ce parc d’environ 300 milliards d’euros, soit près de 13% des actifs résidentiels des ménages et plus de 5% de leur patrimoine total.

A ce niveau, on a affaire à un encours qui est supérieur à celui de l’ensemble des placements à vue des ménages (livrets fiscalisés et défiscalisés, environ 270 milliards), à celui de leur épargne contractuelle (PEL et PEP, quelque
250 milliards) et, surtout, au montant de leur portefeuille d’actions cotées (moins de
130 milliards d’euros !). Si l’on veut prendre une autre référence, ce patrimoine « logements locatifs » des ménages représente à peu près la moitié de leurs créances au titre des contrats d’assurance vie (moins de 650 milliards d’euros fin 2000) qui ont été, on le sait, le placement chéri des épargnant français depuis le milieu des années quatre-vingt.

En détenant un montant aussi élevé de logements donnés à bail, les Français commettent-ils une lourde erreur dans leur choix de placements ou réalisent-ils une diversification raisonnable de leurs actifs de rapport ?

Le logement locatif sur la courbe rendement/risque

Il n’est certes pas facile de donner une réponse unique à une telle question : le calcul du rendement doit évidemment être effectué en tenant compte non seulement du revenu courant, mais aussi de l’évolution de la valeur du capital. Or on sait que les indices de prix concernant le logement n’ont pas toujours la représentativité que l’on souhaiterait.

En outre, en matière de logement, la géographie est souvent à l’origine d’une hétérogénéité que l’on a du mal à contrôler : les performances enregistrées à Paris sont souvent différentes de celles qui sont observées dans le reste de
l’Ile-de-France ou, a fortiori causa, en province.

Enfin, la période de référence choisie est évidemment d’une extrême importance : en découpant des périodes relativement courtes, cinq ou même dix ans, on peut faire apparaître des performances très favorables ou, au contraire, très défavorables. Cela nous oriente vers des observations couvrant des périodes longues de vingt ou même trente ans, dont il restera évidemment à montrer qu’elles sont conformes aux comportements des ménages dans ce domaine.

Sur une période de quinze ans (1985-2000), IPD (Indice de l’immobilier d’investissement) fait apparaître pour l’immobilier résidentiel un rendement nominal global (revenu courant net et valorisation du capital) de 5,7% avec un écart-type de 6,6%. Sur la même période, le rendement global des obligations ressort à plus de 9% avec un écart-type qui semble du même ordre de grandeur que celui du logement : les obligations ont donc largement sur-classé les actifs résidentiels.

Mais la comparaison est évidemment biaisée par les spécificités de la période : crise de 1991-1993 pour l’immobilier et baisse des taux d’intérêt au cours de la décennie 1990 qui est à l’origine de gains en capital importants pour les portefeuilles obligataires.

Sur une période de trente ans, nous ne disposons malheureusement pas des performances de l’immobilier résidentiel. On peut tout de même essayer d’estimer un rendement de longue période à partir des deux observations suivantes. D’abord, à partir des informations récentes publiées par IPD, il semble que le rendement locatif net de l’immobilier résidentiel s’est stabilisé autour de 4% l’an, variant dans une bande située entre 3,5 et 4,5%. Les calculs menés par Jacques Friggit8 aboutissent, par ailleurs, à la conclusion que le prix moyen des logements évolue, sauf situation exceptionnelle, comme le revenu disponible par ménage : or le revenu disponible global des ménages augmente, depuis que l’inflation a été maîtrisée, entre 4 et 4,5% par an et le nombre de ménages croît encore chaque année d’un peu plus de 1%. On parvient donc à un revenu nominal en capital qui est compris entre 3 et 3,5%. En s’en tenant au centre des intervalles, le rendement global nominal du patrimoine résidentiel s’établirait donc un peu au-dessus de 7%. Dans une estimation portant sur le rendement des SCPI, Guy Marty9 parvient à un rendement nominal de longue période (1972-2000) de 8,7% ; mais beaucoup de SCPI sont investies en immobilier professionnel.

Placements peu risqués

Avec un rendement global autour de 7% pour l’immobilier résidentiel, on est au-dessus du rendement facial des obligations à dix ans correctement notées et probablement aussi au-dessus du rendement des OPCVM obligataires de longue période. Il est d’autre part vraisemblable que l’écart-type – mesure du risque – du rendement de l’immobilier résidentiel est aussi un peu plus élevé que celui qui caractérise les placements obligataires ; mais avec un rendement global et un risque plus élevés que les obligations, cela positionne les actifs résidentiels assez normalement sur la frontière efficace des placements, plutôt dans le groupe de produits considérés comme peu risqués.

Pour terminer sur la période la plus récente, l’année 2000 et plus encore l’année 2001 ont évidemment été deux bonnes années pour l’immobilier résidentiel avec des rendements globaux qui sont revenus aux alentours de 9%, alors que l’indice CAC40 se tassait quelque peu en 2000 et refluait de 22% en 2001.

Nous sommes en train de réapprendre que la croissance des économies de marché est, pour de multiples raisons, cyclique et que le cycle immobilier a, en général, un calendrier qui est différent de celui des business cycles : la corrélation est donc faible entre le rendement du placement résidentiel et ceux des placements financiers.

Au total, sur longue période – équivalant à peu près à une génération –, l’immobilier résidentiel apparaît donc, malgré les difficultés pour trouver les bonnes références, comme un actif assez efficace de diversification des patrimoines. Il en résulte que les ménages pourraient, dans certaines conditions, accroître sensiblement leurs actifs résidentiels de rapport.

Si tel était le cas, au cours de la prochaine décennie, même en l’absence d’augmentation de la proportion de propriétaires occupants, la décroissance de la part des actifs résidentiels dans le patrimoine total pourrait être nettement freinée par rapport à l’évolution observée au cours de la dernière décennie. Si, au surplus, la proportion de propriétaires occupants recommençait à croître pour se rapprocher de 60%, cette part pourrait même se stabiliser.

  1. Ces observations reposent sur les comptes publiés à ce jour. Il n’est pas impossible qu’une prochaine révision à la baisse des postes « actions non cotées » et « autres participations » diminue sensiblement pour la période 1995-2000 la part du patrimoine financier dans le patrimoine total.
  2. Les frais d’acquisition des logements anciens (commission d’agence, frais de notaire, droits d’enregistrement) font tout de même partie de la FBCF logement des ménages.
  3. En grandeurs absolues, en 2000, par exemple, le montant des placements financiers des ménages s’est élevé à plus de 100 milliards d’euros, cependant que leurs investissements bruts étaient de l’ordre de 80 milliards.
  4. Ce qui évidemment est en totale contradiction avec le cycle de vie des ménages tel qu’on pouvait encore le décrire dans les années cinquante, avec un taux d’épargne qui devenait négatif au moment de la cessation d’activité (Franco Modigliani). A cette date, les dispositifs obligatoires de protection vieillesse n’étaient pas encore montés en régime et le passage à la retraite se traduisait alors par une très forte perte de pouvoir d’achat qui expliquait la « consommation » du patrimoine.
  5. Hors travaux réalisés au moment de ces acquisitions.
  6. « Comptes nationaux, Rapport sur les comptes de la nation 2000 », Insee Résultats,
    n° 743, juin 2001.
  7. Les références sont ici tirées du modèle Viperes construit par Michel Mouillart (université de Paris X-Nanterre).
  8. Prix des logements, produits financiers immobiliers et gestion des risques, par Jacques Friggit, Editions Economica, septembre 2001, 380 pages.
  9. « Investissements, trois décennies de performances : 1972-2000 », par Guy Marty, Réflexions immobilières, n° 31, octobre 2001.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-5/l-immobilier-residentiel-un-actif-efficace-de-diversification-des-patrimoines.html?item_id=2418
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