L’immobilier résidentiel : un actif efficace de diversification des patrimoines
L’analyse sur longue période de l’évolution
des placements mobiliers et immobiliers des ménages laisse présager
un accroissement sensible de leurs actifs résidentiels de rapport
dans la prochaine décennie.
Les éléments de comptabilité patrimoniale
dont nous disposons ne nous permettent pas de remonter très loin
en arrière dans l’histoire de notre pays. Au lendemain de
la Deuxième Guerre mondiale, on sait cependant que le patrimoine
des ménages était pour près des trois quarts composé
d’actifs non financiers (logements, terrains à bâtir,
terres de culture, forêts, machines et équipements des entrepreneurs
individuels) et pour un quart seulement d’actifs financiers (dépôts
bancaires, valeurs mobilières, créances sur les sociétés
d’assurance). Cette proportion ne semble pas avoir beaucoup changé
jusqu’à la fin des années cinquante.
Au cours de la décennie qui a suivi, la part du
patrimoine financier des Français a commencé de s’accroître
et, au début des années soixante-dix, elle s’approchait
du tiers du patrimoine total. Les années 1970-1985 ont été
marquées par une stabilisation, voire par un certain reflux, de
cette part un peu au-dessous de 30% : ce sont les années des deux
crises pétrolières et des nationalisations de 1982.
A partir du milieu de la décennie quatre-vingt,
la financiarisation de l’économie est en marche et la part
du patrimoine financier reprend son ascension dans le patrimoine des ménages,
en dépit des fluctuations entraînées par les secousses
boursières de 1987 et de 1990. Il est vrai que l’immobilier
européen et même mondial connaît de son côté,
entre 1991 et 1994, sa première grande crise internationale. Toujours
est-il qu’à la fin de la décennie quatre-vingt, le
patrimoine financier dépasse déjà assez nettement
les deux cinquièmes du patrimoine total.
Environ dix ans plus tard, en 1998,
à la suite d’une très bonne année boursière,
le patrimoine financier dépasse la moitié du patrimoine
total et il frôle même apparemment les 54% à la fin
de 1999, autre très bonne année boursière1.
Avec les années 2000 et surtout 2001, nettement moins favorables
en ce qui concerne l’évolution du prix des actions, la proportion
du patrimoine financier dans le patrimoine total a dû retomber aux
alentours de la moitié.
Ces évolutions macro-économiques sont la
résultante des variations de valeur des actifs et des changements
dans les choix de placement de la part des particuliers : c’est la
fameuse distinction prix-volume chère aux économistes. On
peut donc isoler en comptabilité nationale ce qui relève
des comportements des particuliers lors de l’acquisition d’actifs
mobiliers ou immobiliers. Mais on verra que cette approche comporte de
sérieuses limites et qu’elle demande donc à être
complétée par d’autres éclairages. On reviendra
par ailleurs sur les évolutions de prix des actifs dont il devra
évidemment être tenu compte lors du calcul des rendements
des différents types de placement.
Placements financiers et investissements «
physiques »
La comptabilité nationale fournit certaines indications
globales sur le poids relatif des placements financiers et non financiers
réalisés par les ménages et financés, soit
par leur épargne, soit par recours au crédit. Les placements
financiers correspondent aux flux nets d’acquisitions (achats moins
ventes) ou de dépôts sur les différents types de placements
financiers possibles. On signalera ici que les achats de titres de SCPI
ou de sociétés foncières cotées, qui sont
à la frontière entre placements financiers et placements
non financiers, sont assimilés par la comptabilité nationale
à des achats de valeurs mobilières et donc comptés
dans l’« agrégat » placements financiers.
Les investissements physiques correspondent
à la formation brute de capital fixe (FBCF) des ménages
qui se décompose en investissements dans les logements et en investissements
dans les entreprises individuelles, les premiers étant nettement
majoritaires. On rappellera que les investissements dans le logement se
décomposent eux-mêmes en travaux réalisés pour
l’entretien et l’amélioration de ces logements –
forme de placement comme une autre – et les achats et les constructions
de logements neufs. Les achats de logements anciens, sur lesquels on reviendra
plus loin car ils sont fort importants, et les terrains acquis à
l’occasion de l’achat d’un logement neuf ne font pas partie
de la production nouvelle de logements et, de façon tout à
fait légitime, ne figurent donc pas en « emploi » dans
le compte de capital des ménages2.
Investissements traditionnels
Tels qu’ils sont ainsi définis, les rapports
existant entre placements financiers et placements non financiers ont
évolué au cours de la seconde moitié du XXe siècle
: jusqu’à la fin des années soixante, les investissements
des particuliers restent supérieurs à leurs placements financiers
: on est en effet encore dans les années de croissance assez rapide
du parc de logements et les formes de placements financiers des Français
restent très traditionnelles ; l’assurance vie, en particulier,
est alors un placement tout à fait marginal.
Au cours des douze années qui suivent, un certain
équilibre s’établit entre les deux flux de placements
financiers et non financiers : l’un et l’autre représentent
chacun quelque 12 à 13% du revenu disponible des ménages,
ce qui est considérable.
A partir de 1984-1985, c’est
un nouveau paysage qui apparaît : en termes de revenu disponible,
les deux pourcentages diminuent, mais la baisse des investissements est
beaucoup plus forte que celle des placements financiers ; ces derniers
en effet représentent encore entre 9 et 10% du revenu disponible
des ménages, alors que le flux d’investissement brut se situe
dans l’intervalle de 7 à 8%3. C’est
que, d’une part, le parc de logements a été entièrement
renouvelé depuis la guerre et que, d’autre part, sa croissance
s’est considérablement ralentie après l’arrivée
en âge d’activité des générations du baby-boom.
Travaux
en hausse
|
Part respective des investissements physiques bruts et des placements financiers dans l’accumulation
des ménages selon les périodes (en %)*
|
|
|
|
FBCF
|
Flux de placement
financiers
|
Total
|
1961-1970 |
59,0
|
41,0
|
100,0
|
1971-1983 |
48,7
|
51,3
|
100,0
|
184-1990 |
44,9
|
55,1
|
100,0
|
1991-1998 |
38,7
|
61,3
|
100,0
|
|
|
|
*«L’ accumulation brute »
des ménages est la somme de leur FBCF (Formation brute de capital
fixe) et du flux nouveau de leurs placements financiers. Les sources
utilisées ici sont celles de la comptabilité nationale,
base 1980.
|
|
Alors que le parc des résidences principales croissait
jusqu’au milieu des années soixante-dix à un rythme
compris entre 1,8 et 2% par an, ce taux entre 1990 et 2000 n’est
plus que de 1,3%. Ce fort ralentissement a deux conséquences :
d’une part les investissements « logement » à
réaliser deviennent globalement moins importants, d’autre
part, au sein de ces investissements logement, la part des logements neufs
reflue au profit de travaux dont le poids s’accroît avec le
vieillissement progressif du parc.
Au total, l’évolution des comportements des
ménages est bien une des causes de l’évolution de la
composition du patrimoine total des ménages commentée plus
haut : la croissance de la part du patrimoine financier est due, au moins
pour partie, à des placements financiers qui, depuis quelque quinze
ans, sont nettement supérieurs aux investissements bruts réalisés
par les ménages. La disparité qui a été signalée
serait d’ailleurs encore beaucoup plus prononcée si, comme
il se doit dans l’analyse de l’accumulation patrimoniale, au
lieu de l’investissement brut de l’amortissement (ce que les
comptables nationaux appellent la « consommation de capital »),
nous faisions intervenir le seul investissement net.
A cette explication par les volumes, il faut adjoindre
une explication qui passe par les prix : entre 1985 et 2000, les plus-values
financières ont en effet été beaucoup plus importantes
que les plus-values non financières et elles ont donc, elles aussi,
contribué à la forte augmentation de la part du patrimoine
financier dans le total.
Mais l’étude macro-économique du secteur
des ménages en comptabilité nationale est évidemment
très insuffisante pour nous permettre de comprendre leurs comportements
en matière de choix de placements et d’investissement. La
dimension « cycle de vie » ne peut plus être ignorée.
Les enquêtes auprès des ménages permettent au moins
d’en esquisser l’influence.
La
structure du patrimoine au cours du cycle de vie
|
Evolution de la composition
du patrimoine brut des ménages
au cours du cycle de vie (en %)*
|
|
|
Age du chef de ménage |
Patrimoine non financier
|
Patrimoine financier
|
Total
|
Moins de 30 |
68
|
32
|
100
|
30 à 39 ans |
73
|
27
|
100
|
40 à 49 ans |
62
|
38
|
100
|
50 à 59 ans |
56
|
44
|
100
|
60 à 69 ans |
48
|
52
|
100
|
70 à 79 ans |
36
|
64
|
100
|
80 et plus |
28
|
72
|
100
|
Ensemble |
54
|
46
|
100
|
|
|
|
* Il s’agit en fait d’une mise en évidence
de « l’effet d’âge » dans une simulation
concernant l’année 2000, elle-même rendue possible
par l’enquête « actifs financiers » de l’Insee
de 1997-1998 ; comme l’on sait, ces enquêtes en coupe instantanée
juxtaposent effets d’âge, effets de générations
et effets de circonstances. Dans l’enquête en question,
les actions non cotées et les « autres participations
» ne sont que partiellement prises en compte dans le redressement
sur données de comptabilité nationale, ce qui explique
que le patrimoine financier soit encore minoritaire à la fin
de l’année 2000.
|
|
Le cycle de vie des particuliers, depuis leur entrée
dans la vie active jusqu’à leur disparition, est une dimension
très importante de l’analyse des préférences
en matière de choix de placements, en prenant le terme «
préférence » dans une acception très large.
En début de cycle de vie, chez les moins de trente ans, le patrimoine
non financier ne dépasse guère les deux cinquièmes
du patrimoine total ; les patrimoines par ménage sont certes modestes,
mais la propriété du logement principal est nettement minoritaire
et les actifs professionnels ne sont pas bien importants. Le patrimoine
financier comprend souvent un plan d’épargne-logement qui
sera peut-être utilisé ultérieurement pour obtenir
un crédit, des produits traditionnels tels que les livrets et,
depuis peu, l’amorce d’un portefeuille de valeurs mobilières
(à partir de 1998-1999, beaucoup de jeunes ont ouvert un PEA, pour
« prendre date »).
L’âge moyen de la première propriété
du logement est, chez nous, aux alentours de trente-cinq ans. Cela veut
dire que, dans la tranche d’âge correspondante – celle
dont le chef de ménage est âgé de trente à
quarante ans – la proportion des actifs non financiers s’élève
fortement pour atteindre pratiquement les deux tiers du patrimoine total,
brut d’endettement. En fait, par le biais de l’apport personnel,
le logement acquis s’est substitué à des actifs financiers
; il n’est pas étonnant que ceux-ci soient alors réduits
à la portion congrue.
Au cours des années suivantes, l’épargne
du ménage sert souvent principalement, voire exclusivement, au
remboursement des emprunts souscrits à l’occasion de l’achat
du logement. Du point de vue de la composition des patrimoines bruts,
la situation reste donc pratiquement sans changement chez les quarante
à cinquante ans.
Chez les cinquante à soixante ans, on commence
à voir s’amorcer une remontée de la part du patrimoine
financier : les patrimoines moyens deviennent plus importants parce que
l’épargne du ménage sert de moins en moins à
rembourser des dettes et de plus en plus au contraire à accumuler
de nouveaux actifs au-delà de la résidence principale. Il
se trouve que très souvent ces actifs sont de nature financière
(contrats d’assurance vie, parts de fonds d’investissement,
etc.).
A partir de soixante ans, cette tendance
s’accentue fortement : en évolution dynamique, le patrimoine
moyen continue de croître4 et même si certains
investissements non financiers ont lieu (achat d’immobilier de rapport),
les placements financiers restent majoritaires. Il y a aussi certaines
reventes de logements devenu surdimensionnés au profit de familles
plus jeunes avec enfants. Bref, au-delà de soixante-dix ans, la
part des actifs non financiers dans le patrimoine total tombe, en moyenne,
sensiblement en deçà des deux cinquièmes.
Cette revente de logements anciens est, pour nous, l’occasion
d’insister sur l’importance de ces transactions fréquemment
conclues entre des plus de soixante ans et des moins de quarante ans :
c’est en fait le passage d’une génération à
l’autre. Et ce passage est maintenant souvent l’occasion de
la primo-accession à la propriété du logement pour
la jeune génération. Il y a quelque quinze à vingt
ans, la primo-accession se faisait encore largement par l’intermédiaire
des logements neufs. C’est beaucoup moins vrai aujourd’hui où
ces logements neufs sont globalement moins nombreux qu’hier et où
les primo-accédants se laissent souvent séduire par des
logements individuels anciens. Cela est particulièrement vrai,
par exemple, dans une région comme le Nord - Pas-de-Calais dont
le parc est, pour beaucoup, composé de logements individuels.
Si l’on veut situer plus précisément
l’importance relative de ces flux de logements anciens, on peut observer
qu’en 2000, par exemple, les achats de logements neufs (y compris
le foncier) par les ménages n’ont pas dépassé
41 milliards d’euros, alors que les acquisitions de logements anciens
atteignaient pratiquement 68 milliards5. Ce sont maintenant
ces acquisitions de logement anciens qui expliquent, pour une bonne part,
la croissance de la proportion d’actifs non financiers dans le patrimoine
total entre trente et cinquante ans.
Il est temps maintenant de serrer les choses de plus
près et d’envisager le logement comme placement comparé
à d’autres types de placements et, en particulier, à
des placements financiers.
L’immobilier
comme placement
|
Composition du patrimoine résidentiel des ménages fin 2000 (en nombre de logements)
|
|
|
|
Nombre de logements
|
En milliers
|
en % du total
|
Résidences principales
(propriétaires et occupants) |
13 390
|
55,7
|
Logements de rapport |
4 586
|
19,1
|
Résidences secondaires |
2 942
|
12,2
|
Logements vacants |
1 819
|
7,6
|
Autres statuts |
1 286
|
5,4
|
Total |
24 023
|
100,0
|
|
|
|
Sources : modèle Viperes et modèle
Despina de Michel Mouillart (Université de Paris X – Nanterre).
|
|
Naturellement, lors de l’acquisition de la résidence
principale, les considérations concernant la valeur future du bien
ne sont jamais totalement absentes : tout acquéreur souhaite évidemment,
s’il le souhaite ou s’il y est contraint, pouvoir revendre son
logement dans les meilleures conditions possibles. Symétriquement,
il arrive que les considérations familiales ne soient pas absentes
de l’acquisition d’un logement qu’on envisage de donner
à bail : cela peut être le logement que l’on se réserve
pour la période de retraite ou celui que l’on donnera, le
moment venu, à l’un de ses enfants. On peut tout de même
penser que, dans ce second cas, le calcul en ce qui concerne le rendement
courant du bien comme ses perspectives de plus-values se fait plus précis
que dans le premier.
Que représentent les logements donnés à
bail dans le patrimoine des ménages ? Plus précisément,
dans leur patrimoine de rapport ? Quel rendement peut-on lui associer
? Sur un parc de résidences principales qui dépasse les
24 millions à la fin de 2000, les ménages en détiendraient
un peu plus de 13 millions pour les habiter eux-mêmes et seraient
en outre propriétaires d’environ 4,6 millions de logements
qu’ils donnent à bail : ces logements ont comme caractéristiques
d’être souvent moins grands que les logements occupés
par leurs propriétaires et d’être situés dans
des agglomérations moyennes ou grandes, là où la
demande de locations est censée être importante.
Dans les comptes de patrimoine, à
nouveau publiés par l’Insee en 20016, figure,
pour le secteur des ménages, une valorisation séparée
des logements (près de 1 700 milliards d’euros fin 2000) et
des terrains bâtis (un peu moins de 800 milliards d’euros).
Soit environ 2 500 milliards d’euros qui représentent près
des deux cinquièmes du patrimoine total des ménages en cette
fin d’année 2000. Mais entre 1994 et 2000, cette part a tout
de même perdu près de six points de pourcentage en raison
du très bon comportement du patrimoine financier.
Il est évidemment très intéressant
d’essayer de situer le patrimoine immobilier de rapport dans l’ensemble
du patrimoine résidentiel des ménages.
Malgré l’existence du Compte satellite du
logement qui contient d’intéressantes informations, on ne
dispose malheureusement pas d’une décomposition de ce patrimoine
résidentiel selon les différents types de logements détenus
: logements donnés à bail, résidences principales
occupées par leurs propriétaires, résidences secondaires,
logements ayant un autre statut.
Stabilisation
des propriétaires-occupants
|
Composition du patrimoine
résidentiel des ménages en 2000 (en valeur)
|
|
|
|
Nombre de logements
|
En milliards d’euros
|
en % du total
|
Résidences principales
(propriétaires et occupants) |
1 613
|
67,7
|
Logements de rapport |
301
|
12,6
|
Résidences secondaires |
251
|
10,5
|
Logements vacants |
133
|
5,6
|
Autres statuts |
85
|
3,6
|
Total |
2 383
|
100,0
|
|
|
|
Sources : outre les modèles Viperes
et Despina, l’OFL du CREP/TMO est ici largement mis à contribution.
|
|
En nombre de logements donnés
à bail par des personnes physiques7, l’évolution
depuis la Deuxième Guerre mondiale a été contrastée
: on a d’abord assisté à une longue période
de reflux qui s’explique aussi bien par la progression de la proportion
de propriétaires occupants que par la forte augmentation du parc
locatif social. Cette période semble s’être achevée
à la fin des années quatre-vingt avec un minimum d’un
peu moins de 3,8 millions de logements possédés par des
bailleurs personnes physiques sur un parc total de 21,2 millions de résidences
principales, soit un peu moins de 18% de ce parc. Au cours de la décennie
suivante (1990-2000), la proportion de propriétaires occupants
dans le parc de résidences principales se stabilise entre 54 et
55% et la progression du parc locatif social n’est plus que de 1,4% en moyenne annuelle. On assiste alors à un rebond du nombre de
logements possédés par des bailleurs personnes physiques
: sur dix ans, la progression est de 1,8% par an, pour terminer, fin
2000, à un peu moins de 4,6 millions de logements.
Les données physiques sont une chose, leur valorisation
en est une autre.
En utilisant diverses informations, notamment celles
que l’on peut tirer de l’Observatoire du financement du logement
du CREP/TMO et le traitement qu’en fait Michel Mouillart dans le
cadre du modèle Despina, on peut avec prudence tenter de chiffrer
les différentes composantes de ce parc dans le cadre de la valeur
totale fournie par l’Insee. Si l’on retient une valeur moyenne
d’un peu moins de 69 000 euros pour ces logements de rapport, on
obtient, à la fin de 2000, un montant global de ce parc d’environ
300 milliards d’euros, soit près de 13% des actifs résidentiels
des ménages et plus de 5% de leur patrimoine total.
A ce niveau, on a affaire à un encours qui est
supérieur à celui de l’ensemble des placements à
vue des ménages (livrets fiscalisés et défiscalisés,
environ 270 milliards), à celui de leur épargne contractuelle
(PEL et PEP, quelque
250 milliards) et, surtout, au montant de leur portefeuille d’actions
cotées (moins de
130 milliards d’euros !). Si l’on veut prendre une autre référence,
ce patrimoine « logements locatifs » des ménages représente
à peu près la moitié de leurs créances au
titre des contrats d’assurance vie (moins de 650 milliards d’euros
fin 2000) qui ont été, on le sait, le placement chéri
des épargnant français depuis le milieu des années
quatre-vingt.
En détenant un montant aussi élevé
de logements donnés à bail, les Français commettent-ils
une lourde erreur dans leur choix de placements ou réalisent-ils
une diversification raisonnable de leurs actifs de rapport ?
Le
logement locatif sur la courbe rendement/risque
Il n’est certes pas facile de donner une réponse
unique à une telle question : le calcul du rendement doit évidemment
être effectué en tenant compte non seulement du revenu courant,
mais aussi de l’évolution de la valeur du capital. Or on sait
que les indices de prix concernant le logement n’ont pas toujours
la représentativité que l’on souhaiterait.
En outre, en matière de logement, la géographie
est souvent à l’origine d’une hétérogénéité
que l’on a du mal à contrôler : les performances enregistrées
à Paris sont souvent différentes de celles qui sont observées
dans le reste de
l’Ile-de-France ou, a fortiori causa, en province.
Enfin, la période de référence choisie
est évidemment d’une extrême importance : en découpant
des périodes relativement courtes, cinq ou même dix ans,
on peut faire apparaître des performances très favorables
ou, au contraire, très défavorables. Cela nous oriente vers
des observations couvrant des périodes longues de vingt ou même
trente ans, dont il restera évidemment à montrer qu’elles
sont conformes aux comportements des ménages dans ce domaine.
Sur une période de quinze ans (1985-2000), IPD
(Indice de l’immobilier d’investissement) fait apparaître
pour l’immobilier résidentiel un rendement nominal global
(revenu courant net et valorisation du capital) de 5,7% avec un écart-type
de 6,6%. Sur la même période, le rendement global des obligations
ressort à plus de 9% avec un écart-type qui semble du même
ordre de grandeur que celui du logement : les obligations ont donc largement
sur-classé les actifs résidentiels.
Mais la comparaison est évidemment biaisée
par les spécificités de la période : crise de 1991-1993
pour l’immobilier et baisse des taux d’intérêt
au cours de la décennie 1990 qui est à l’origine de
gains en capital importants pour les portefeuilles obligataires.
Sur une période de trente
ans, nous ne disposons malheureusement pas des performances de l’immobilier
résidentiel. On peut tout de même essayer d’estimer
un rendement de longue période à partir des deux observations
suivantes. D’abord, à partir des informations récentes
publiées par IPD, il semble que le rendement locatif net de l’immobilier
résidentiel s’est stabilisé autour de 4% l’an,
variant dans une bande située entre 3,5 et 4,5%. Les calculs menés
par Jacques Friggit8 aboutissent, par ailleurs, à
la conclusion que le prix moyen des logements évolue, sauf situation
exceptionnelle, comme le revenu disponible par ménage : or le revenu
disponible global des ménages augmente, depuis que l’inflation
a été maîtrisée, entre 4 et 4,5% par an et
le nombre de ménages croît encore chaque année d’un
peu plus de 1%. On parvient donc à un revenu nominal en capital
qui est compris entre 3 et 3,5%. En s’en tenant au centre des intervalles,
le rendement global nominal du patrimoine résidentiel s’établirait
donc un peu au-dessus de 7%. Dans une estimation portant sur le rendement
des SCPI, Guy Marty9 parvient à un rendement
nominal de longue période (1972-2000) de 8,7% ; mais beaucoup
de SCPI sont investies en immobilier professionnel.
Placements
peu risqués
Avec un rendement global autour de 7% pour l’immobilier
résidentiel, on est au-dessus du rendement facial des obligations
à dix ans correctement notées et probablement aussi au-dessus
du rendement des OPCVM obligataires de longue période. Il est d’autre
part vraisemblable que l’écart-type – mesure du risque
– du rendement de l’immobilier résidentiel est aussi
un peu plus élevé que celui qui caractérise les placements
obligataires ; mais avec un rendement global et un risque plus élevés
que les obligations, cela positionne les actifs résidentiels assez
normalement sur la frontière efficace des placements, plutôt
dans le groupe de produits considérés comme peu risqués.
Pour terminer sur la période la plus récente,
l’année 2000 et plus encore l’année 2001 ont évidemment
été deux bonnes années pour l’immobilier résidentiel
avec des rendements globaux qui sont revenus aux alentours de 9%, alors
que l’indice CAC40 se tassait quelque peu en 2000 et refluait de
22% en 2001.
Nous sommes en train de réapprendre que la croissance
des économies de marché est, pour de multiples raisons,
cyclique et que le cycle immobilier a, en général, un calendrier
qui est différent de celui des business cycles : la corrélation
est donc faible entre le rendement du placement résidentiel et
ceux des placements financiers.
Au total, sur longue période – équivalant
à peu près à une génération –,
l’immobilier résidentiel apparaît donc, malgré
les difficultés pour trouver les bonnes références,
comme un actif assez efficace de diversification des patrimoines. Il en
résulte que les ménages pourraient, dans certaines conditions,
accroître sensiblement leurs actifs résidentiels de rapport.
Si tel était le cas, au cours de la prochaine
décennie, même en l’absence d’augmentation de la
proportion de propriétaires occupants, la décroissance de
la part des actifs résidentiels dans le patrimoine total pourrait
être nettement freinée par rapport à l’évolution
observée au cours de la dernière décennie. Si, au
surplus, la proportion de propriétaires occupants recommençait
à croître pour se rapprocher de 60%, cette part pourrait
même se stabiliser.
- Ces observations reposent sur les comptes publiés à ce jour.
Il n’est pas impossible qu’une prochaine révision à
la baisse des postes « actions non cotées » et «
autres participations » diminue sensiblement pour la période
1995-2000 la part du patrimoine financier dans le patrimoine total.
- Les frais d’acquisition des
logements anciens (commission d’agence, frais de notaire, droits d’enregistrement)
font tout de même partie de la FBCF logement des ménages.
- En grandeurs absolues, en 2000,
par exemple, le montant des placements financiers des ménages s’est
élevé à plus de 100 milliards d’euros, cependant
que leurs investissements bruts étaient de l’ordre de 80 milliards.
- Ce qui évidemment est en
totale contradiction avec le cycle de vie des ménages tel qu’on pouvait encore le décrire dans les années cinquante, avec un taux d’épargne qui
devenait négatif au moment de la cessation d’activité
(Franco Modigliani). A cette date, les dispositifs obligatoires de protection
vieillesse n’étaient pas encore montés en régime
et le passage à la retraite se traduisait alors par une très
forte perte de pouvoir d’achat qui expliquait la « consommation
» du patrimoine.
- Hors travaux réalisés
au moment de ces acquisitions.
- « Comptes nationaux, Rapport
sur les comptes de la nation 2000 », Insee Résultats,
n° 743, juin 2001.
- Les références sont
ici tirées du modèle Viperes construit par Michel Mouillart
(université de Paris X-Nanterre).
- Prix des logements, produits financiers
immobiliers et gestion des risques, par Jacques Friggit, Editions Economica, septembre 2001, 380 pages.
- « Investissements, trois
décennies de performances : 1972-2000 », par Guy Marty, Réflexions
immobilières, n° 31, octobre 2001.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-5/l-immobilier-residentiel-un-actif-efficace-de-diversification-des-patrimoines.html?item_id=2418
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