Notaire à Paris et président d’honneur de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI).
Revenir à des règles simples et durables
Pour le notaire, l’investissement immobilier
souffre d’une série de mesures ponctuelles ou dérogatoires.
C’est pourquoi il plaide pour la fixation de règles claires,
simples et pérennes.
Comment conseillez-vous vos clients dans la composition de leur patrimoine ?
Je leur explique qu’ils ne devraient pas avoir un
patrimoine seulement immobilier. Un patrimoine équilibré
ne comprend pas plus de 50 % d’immobilier, le reste étant
constitué de produits d’assurance vie (la France est un véritable
eldorado dans ce domaine !), et de produits financiers, actions, Sicav
ou autres…
Quel est l’inconvénient pour une personne physique à placer
tout son patrimoine dans l’immobilier ?
La fiscalité ne l’y autorise pas. La sécurité
du placement n’est pas assurée en raison du risque de non-paiement
des loyers. Enfin, ce n’est pas un placement liquide ; il n’est
pas immédiatement réalisable si vous avez besoin d’argent.
Qu’est-ce qui vous semble pénalisant dans la fiscalité
immobilière ?
D’abord la taxe foncière : selon une enquête
menée par l’Union nationale de la propriété
immobilière, c’est la taxe qui gêne le plus les propriétaires
parce qu’elle augmente en permanence – et plus fortement que
les autres taxes locales – et qu’elle paraît lourde aux
petits propriétaires.
Ensuite, la fiscalité nationale. La contribution
sur le revenu locatif (l’ancienne taxe additionnelle au droit au
bail), si elle se justifiait quand son produit était affecté
à l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat,
est très mal vécue aujourd’hui par les propriétaires.
Quant au taux de la déduction forfaitaire des
revenu fonciers, à l’origine, il permettait l’amortissement
du bien immobilier ; maintenant ce n’est plus le cas.
Supprimer la contribution sur le revenu locatif
Quelles seraient les mesures à prendre pour remédier à cette
situation ?
Il faudrait supprimer la contribution sur le revenu locatif
et accroître le taux de déduction des revenus fonciers.
Le régime du micro-foncier simplifie quand même les choses…
Oui, c’est une bonne mesure, la reconnaissance par
Bercy que les propriétaires immobiliers ne possèdent, le
plus souvent, qu’un ou deux biens dont ils tirent des revenus assez
faibles. De plus, quand on procède à un investissement immobilier,
on s’engage pour une très longue durée. Les pouvoirs
publics devraient prendre en compte fiscalement le manque de liquidité
de ce placement.
Les lois Méhaignerie, Périssol ou Besson ont quand même
contribué à développer l’investissement locatif…
Ce n’est pas une bonne chose de pousser les Français
à acheter un bien immobilier pour des raisons fiscales. Regardez
aujourd’hui, tous les propriétaires qui ont acheté
des studios en loi Méhaignerie et qui ne peuvent pas les revendre
car ils sont souvent mal situés ! Il faut prendre des mesures générales,
pas des mesures ponctuelles ou dérogatoires. Je déconseille
fortement à mes clients de « faire » de la défiscalisation
pure, du type de celle dont bénéficient les investissements
dans les DOM-TOM. Si la fiscalité française était
moins lourde et moins pernicieuse, on n’aurait pas besoin de telles
mesures.
La personne qui achète un bien immobilier en passant
par les lois Méhaignerie, Périssol ou Besson, n’a pas
une âme de bailleur et veut avant tout bénéficier
d’une défiscalisation, puis revendre son bien. Ce n’est
pas comme cela que l’on résoudra le problème du logement
dans notre pays.
Argent improductif
Les plans d’épargne logement vous semblent-ils avoir été
détournés de leurs objectifs d’origine ?
C’est incroyable de voir tout l’argent improductif
placé dans les plans d’épargne logement ! Aujourd’hui,
les particuliers qui mettent de l’argent sur un plan d’épargne
logement ne recherchent que des taux de rendement satisfaisants et n’ont
souvent pas l’intention d’investir dans l’immobilier. Il
faut modifier cette situation et contraindre les détenteurs de
plans à l’acquisition ou aux travaux immobiliers et retrouver
des taux d’endettement plus attractifs.
La cession de bien immobilier fait l’objet d’une taxation sur les
plus-values pendant vingt-deux ans. N’est-ce pas excessif ?
Le délai de vingt-deux ans est absurde. A l’origine,
les plus-values immobilières n’étaient taxées
que pendant cinq ans après l’acquisition d’un bien car
on considérait que, s’il était conservé plus
de cinq ans, le bien immobilier n’avait pas été acquis
à des fins spéculatives.
Aujourd’hui, c’est un frein à la fluidité
du marché. Il faudrait retrouver un délai de dix à
douze ans car il serait raisonnable qu’après une telle période,
on puisse effectuer des arbitrages patrimoniaux non taxés. On peut
aussi imaginer des exonérations sous condition de réemploi
dans l’immobilier ou de départ à la retraite.
Comment
se passent les successions en général ?
Les biens immobiliers sont les biens que les héritiers
vendent en premier lors d’une succession. Ils cèdent les actions
pour régler les droits de succession et ne conservent pas d’indivision
sur les logements locatifs afin d’éviter les aléas
d’une telle situation. Ma proposition serait que l’on exonère
des trois quarts des droits de succession tous les biens locatifs reçus
en héritage sous réserve de leur maintien en location pendant
neuf ans environ. Cela me semblerait de nature à réduire
l’hémorragie actuelle du parc locatif.
Cette
réduction du parc locatif vous semble préoccupante ?
Oui, la disparition du parc locatif privé, qui
n’est pas un phénomène purement parisien, est extrêmement
préoccupante. Il faut absolument réduire le désengagement
des propriétaires bailleurs car leur rôle est essentiel dans
le logement des Français.
Les gens sont très attachés à la
propriété immobilière. Il faut en profiter pour les
drainer vers l’immobilier car le secteur public ne pourra pas financer
tout seul la remise en état du parc locatif qu’il faut, pour
partie, détruire et reconstruire. Or le parc privé héberge
les trois quarts des ménages dont les revenus sont inférieurs
à 16 000 euros par an. Il a donc un rôle social important.
C’est pour cela que je propose que l’on distingue
clairement trois types de parcs de logements : le parc purement privé
qui serait normalement taxé, un parc conventionné, pour
lequel un propriétaire privé pourrait opter en respectant
certaines conditions, et en bénéficiant en contrepartie
d’une moindre taxation – par exemple, une exonération
au moins partielle de l’impôt sur la fortune – et un Parc
purement social, destiné à loger les plus pauvres.
Huit lois en vingt ans
La complexité des règles locatives est souvent avancée
comme un frein à l’investissement immobilier…
En vingt ans, il y a eu huit lois modificatives de la
règle locative, parfois avec des dispositions insensées
! On a dénaturé l’équilibre du contrat de base
entre le propriétaire et le locataire, qui était satisfaisant
en 1989, à l’issue de la loi Méhaignerie. On aurait
dû s’arrêter là ! Au lieu de cela, on a, par exemple,
obligé le propriétaire à apporter la preuve qu’il
n’a pas discriminé un locataire en raison de sa couleur ou
de son sexe. On a institué une taxe sur les logements vacants.
Pire encore, la simple exécution des décisions de justice
concernant le non-maintien dans les lieux de locataires n’a pas été
assurée…
Le propriétaire-bailleur a besoin de règles
claires, simples, durables, dans lesquelles il se retrouve avec des droits
et obligations partagés avec le locataire.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-5/revenir-a-des-regles-simples-et-durables.html?item_id=2426
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