Conseiller général et maire de Lorient.
Une école d'arts dans un quartier à vocation maritime à Lorient
La ville a choisi de transformer une fabrique de peinture
pour accueillir son Ecole supérieure d’arts. Son maire explique
l’ambition de cette opération et en tire les principaux enseignements.
L’urbanisme et l’architecture sont des préoccupations
constantes à Lorient. Au cœur de la Bretagne sud, notre métropole
régionale fut brutalement rasée en quelques bombardements
lors de l’hiver 1943. Elle dut alors composer avec des contraintes
qui furent somme toute le lot de nombreuses villes littorales. Brest,
Saint-Nazaire, Saint-Malo et Caen étaient détruites et Nantes
avait été touchée gravement. Chacune de ces villes
opta cependant pour un type de reconstruction différent et fut
alors pionnière à cause de son choix particulier : Saint-Malo
décida de reconstruire à l’identique, Brest de faire
dans le monumental, Caen, Saint-Nazaire et Lorient, dans les immeubles
de faible hauteur. À Lorient, l’idée directrice fut
de positionner le centre par rapport à la mer, avec l’aide
d’un groupe d’architectes aux options variées.
Le défi de la construction permanente
Depuis cette période de reconstruction, la ville
est en constante réalisation de projets. Le port de la Compagnie
des Indes ne dispose pas, comme certaines villes, d’une halle du
Moyen Âge transformable en bibliothèque, ou d’un donjon
susceptible d’être restructuré en musée. Chaque
activité nécessite donc la construction de bâtiments
neufs. À Lorient, le mètre carré on sait toujours
qu’en faire ! Le monde associatif dynamique (un nombre hors norme
d’associations, une véritable particularité locale)
se charge de nous rappeler sa soif de locaux adaptés.
La ville doit donc matérialiser son action dans
de nombreux domaines et notamment grâce à plusieurs projets
lourds. Ainsi, en moins de dix ans,
une université (avec ses annexes de bibliothèque et de services
universitaires), une médiathèque, un IUP, une salle de spectacle
dernier cri et un stade de première division sont sortis de terre.
De multiples autres projets ont dans le même temps été
menés à terme : les réhabilitations/entretien/construction
d’ailes neuves du parc des écoles primaires, du Centre de
formation des apprentis ou des services techniques municipaux et, surtout,
la réhabilitation d’un ancien bâtiment industriel qui
était destiné à la fabrication de peinture depuis
sa construction dans l’immédiat après-guerre.
Cet immeuble, après avoir abandonné sa
vocation première, vit se succéder une série d’activités
disparates sans ambition architecturale structurée et globale.
Quelle destination pouvait bien avoir enfin cet ensemble massif, témoin
typique des méthodes architecturales du xxe siècle ?
L’école des Beaux-Arts de Lorient rêvait d’occuper
ces lieux austères mais élégants, tout de granit
appareillé et de béton lavé. Les verrières
lumineuses étaient particulièrement séduisantes pour
les graphistes étudiants ou amateurs qui fréquentent cette
école.
L’acquisition de l’ensemble immobilier a été
réalisée en novembre 1997 avec une enveloppe budgétaire
de 1,02 million d’euros (6,7 millions de francs). La revente de l’ancien
bâtiment de l’école et la location d’une partie
du nouvel ensemble ont permis d’équilibrer l’opération
foncière.
La seconde étape consista alors au passage à la phase des
travaux pour
2,55 millions d’euros (16,7 millions de francs). Le montage du programme,
arrêté en novembre 1998, et la maîtrise d’œuvre
du projet furent assurés par le service architecture de la ville.
Les plans de la nouvelle école furent conçus par les personnels
de l’établissement, avant le démarrage des travaux
en janvier 1999 et les travaux de démolition en juin de la même
année. La partie reconstruction débuta en octobre. Enfin,
on procéda à la mise en place des équipements mobiliers
à l’été 2000.
Pour cette opération, la ville a reçu 0,98 million d’euros
(6,4 millions de francs) de subventions de l’État, 0,46 million
d’euros (3 millions de francs) de la Région et 0,21 million
d’euros (1,4 million de francs) du Département.
La réhabilitation a permis de doter la ville d’un outil ambitieux
dont peu d’autres agglomérations peuvent se prévaloir.
Disposer pour l’école d’un tel bâtiment, c’était
en effet affirmer la volonté municipale de placer l’enseignement
de l’art et la pratique artistique au cœur de ses préoccupations.
Ouverte au public depuis le 2 octobre 2000, l’École supérieure
d’arts dispose d’une surface de 4 790 mètres carrés
répartis en trois bâtiments : l’immeuble principal,
qui comprend quatre niveaux, un bâtiment dédié à
la sculpture et un autre qui fait office d’atelier général.
Culture et économie : une alliance
heureuse
Qui aurait imaginé une telle rénovation/innovation
? La récupération d’un immeuble de caractère
et le détournement réussi de sa fonction première
nous ont permis de réintégrer architecture et patrimoine
au cœur d’un quartier essentiellement industriel voué
à la pêche, au commerce et à l’industrie. L’école
est au milieu de la zone attractive en lisière du port de Kergroise
et de celui de Keroman. Cinq cents étudiants fréquentent
l’école, sans compter les centaines d’amateurs d’arts
plastiques qui occupent les locaux lors des cours du soir.
Le succès est au rendez-vous. L’ESA organise
des conférences et intervient en histoire de l’art. Elle organise
des expositions d’artistes contemporains et des travaux de ses étudiants.
Son riche fonds documentaire et sa diapothèque sont ouverts au
public et mis en réseau avec les autres bibliothèques de
la ville, notamment celle de l’université.
Les locaux permettent d’accueillir des artistes
en résidence et les enfants dès six ans pour leur première
initiation aux arts plastiques. Des ateliers leur permettent de créer,
en fonction de leur âge, dans tous les domaines de l’expression
artistique. Atelier photo, atelier dessin, peinture et modelage, sculpture,
aquarelle, reliure les amènent en grandissant à assouvir
leur passion dans les cours du soir. Une place majeure est accordée
aux travaux d’infographie.
Les moyens informatiques sont ici à la mesure des ambitions de
l’école qui leur consacre l’une de ses plus grandes salles.
L’architecture a su détourner et réintégrer
un immeuble d’intérêt. Il est souvent aisé de
détruire, il est plus utile de réinvestir intelligemment
un espace remarquable, de le détourner de sa fonction première
pour enfin le réaffecter à un autre usage. Dans ce cas,
au service de nos plasticiens créateurs.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-5/une-ecole-d-arts-dans-un-quartier-a-vocation-maritime-a-lorient.html?item_id=2423
© Constructif
Imprimer
Envoyer par mail
Réagir à l'article