Solveg LORETZ

Vice-président de Morgan Stanley Ltd. (Londres).

Raphael BRAULT

« Associé » chez Morgan Stanley Ltd. (Londres).

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La titrisation immobilière : se financer autrement ?

La croissance récente des investissements immobiliers, en particulier sur les marchés des bureaux, commerces et entrepôts, fait apparaître de nouveaux besoins en financement auxquels les banques commerciales ne sont pas toujours disposées à répondre. La titrisation constitue une alternative ou un complément aux modes de financement traditionnels.

Le marché immobilier en France et plus largement en Europe a connu une forte croissance au cours de ces dernières années. Ce phénomène a bénéficié aussi bien au marché professionnel (bureaux, commerces, entrepôts…) qu’au secteur résidentiel. Cette tendance favorable et la baisse significative des droits de mutation dans certains pays, notamment en France (de 18,2 % à 4,8 %), ont attiré un nombre croissant d’investisseurs vers des marchés de plus en plus liquides. L’exemple hexagonal est à ce titre frappant puisque, de 3,5 milliards d’euros d’investissements sur le seul marché professionnel en Ile-de-France en 1997, le volume a atteint 9,55 milliards d’euros en 2001, soit plus de 272 % de croissance en cinq ans.

Or cette expansion rapide d’une industrie hautement « capitalistique » s’accompagne de besoins en financement en constante augmentation auxquels les banques commerciales ne sont pas toujours disposées à répondre, soucieuses qu’elles sont, à juste titre, de ne pas être surexposées à un secteur éminemment cyclique. Dès lors, il convient de trouver des sources de financement complémentaires et la titrisation, parce qu’elle permet d’accéder aux marchés financiers dont la profondeur et la liquidité ont été largement favorisées par la création de la monnaie unique, se présente comme une alternative encore jusque-là relativement mal connue des professionnels de l’immobilier.

Qu’est-ce que la titrisation ?

Apparues au début des années quatre-vingt aux Etats-Unis, les premières opérations de titrisation ont été mises en place par des institutions financières dont l’objectif était de profiter de la différence entre le rendement offert par des prêts hypothécaires résidentiels individuels, et celui, bien inférieur, requis par des obligations garanties et repayées grâce aux remboursements (en intérêts et principal) de ces mêmes prêts. En effet, ce différentiel est obtenu en insérant les différents prêts au sein d’un même portefeuille dont la qualité de crédit est supérieure à celle de chaque prêt pris individuellement.

Ainsi, une opération de titrisation consiste à financer sur le marché obligataire un actif ou un portefeuille d’actifs, ledit financement étant remboursé par les seuls flux financiers futurs (cash flows) générés par ces actifs. Les actifs ainsi financés peuvent être de nature très diverse, que ce soient des prêts hypothécaires aux particuliers ou aux professionnels de l’immobilier, des créances commerciales ou encore des crédits à la consommation.

Plus précisément, une société détentrice d’un portefeuille qu’elle souhaite financer ou refinancer (aussi appelée le « cédant ») va vendre ce dernier à une société ad hoc constituée à cet effet (communément appelée Special Purpose Vehicle ou SPV) qui va émettre des obligations ou titres (par souci de simplification on emploiera le terme générique « obligation ») dont le produit permettra de financer ladite acquisition. Désormais à la tête du portefeuille, le SPV va utiliser tout ou partie des revenus engendrés par le portefeuille (intérêts, remboursements en principal, produits de ventes…) pour assurer le paiement des obligations. Les souscripteurs des obligations ont donc, en garantie de leur investissement, tous les actifs et flux contenus ou induits dans le portefeuille mais n’ont en revanche aucun recours sur le cédant. De son côté, ce dernier recevra à la fois le produit de la vente de son portefeuille et tout surplus, le cas échéant, résultant de la différence de rendement entre le patrimoine cédé et les intérêts attendus par les porteurs d’obligations. Il a ainsi refinancé ses actifs à un coût souvent très inférieur à son coût moyen de capital (fonds propres plus dette classique) tout en conservant le potentiel de son investissement.

Le schéma ci-dessous illustre un montage classique de titrisation. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

La titrisation immobilière

On peut distinguer principalement quatre grandes catégories de titrisations immobilières.

Titrisation de prêts hypothécaires performants (immobilier commercial ou résidentiel). La dette émise par le SPV est remboursée au moyen des cash flows générés par les prêts (intérêts + principal).

Titrisation de prêts hypothécaires non performants (immobilier commercial ou résidentiel). La dette émise par le SPV, qui a racheté les prêts non performants à un prix inférieur à leur valeur faciale, est remboursée au moyen des cash flows générés par les prêts qui sont soit restructurés soit liquidés (auquel cas les revenus proviennent de la vente des biens immobiliers objets d’hypothèques).

Emission d’une dette obligataire dont le produit permet au SPV d’octroyer un prêt à un emprunteur qui donne en garantie un ou plusieurs actifs immobiliers loués. La dette est alors remboursée au moyen des cash flows générés par le prêt, lui-même garanti par les actifs immobiliers et les loyers qu’ils engendrent.

Emission d’une dette obligataire dont le produit permet au SPV d’acquérir un ou plusieurs actifs immobiliers loués. La dette émise par le SPV est ici remboursée au moyen des cash flows que constituent les loyers et éventuellement du produit de la vente des actifs acquis.

Il convient de souligner que dans le cas des titrisations de prêts hypothécaires dont l’objet est un immeuble commercial, le plus souvent le prêt lui-même est garanti par les loyers produits par l’immeuble. Ainsi le risque final s’analyse donc essentiellement comme un risque de marché immobilier, ce qui permet d’atteindre de meilleures notations pour les obligations. En effet, dans l’hypothèse où un prêt serait garanti directement par l’emprunteur et non par l’immeuble et ses flux futurs, il serait difficile d’obtenir une notation significativement supérieure à celle de l’emprunteur lui-même (tout le risque reposant alors sur ce dernier). S’agissant des prêts portant sur des biens résidentiels, c’est surtout la diversité des emprunteurs (répartition géographique, catégories socioprofessionnelles…) induite par l’effet de portefeuille qui permet d’améliorer le profil de risque et ainsi d’obtenir une notation supérieure à celle des emprunteurs eux-mêmes. De surcroît, le caractère primordial d’une résidence principale pour un particulier est un facteur de réduction du risque de déchéance du terme.

Les « conduits » immobiliers

En dehors des opérations de titrisation évoquées plus haut, il convient également de mentionner les titrisations réalisées à l’aide de fonds multicédants (communément appelés « conduits »). Un conduit est une entité ad hoc mise en place par certaines grandes banques pour acquérir (ou produire) des actifs et les titriser, permettant ainsi à certains de leurs clients d’accéder aux coûts de financement particulièrement avantageux des titrisations. L’avantage de ces fonds est qu’ils permettent de rassembler un grand nombre d’actifs, de nature souvent variée, dont la taille unitaire ne saurait autrement justifier les coûts de structure d’une titrisation.

Risques et notation d’une titrisation immobilière

Analyse des risques d’une titrisation d’un bien immobilier professionnel

Comme on l’a évoqué plus haut, que ce soit dans le cadre d’une titrisation de créances hypothécaires ou d’actifs en direct, le remboursement en temps et en heure des obligations repose principalement sur les loyers ou les produits de vente générés par les immeubles faisant l’objet de la titrisation ou constituant la garantie unique des prêts titrisés. Encore une fois, le cédant ne se porte aucunement garant de la dette obligataire émise.

Il convient donc, dans un premier temps, de cerner les principaux facteurs ayant un impact négatif potentiel sur les flux de loyers pour s’intéresser ensuite à certains outils d’analyse qui permettent de mieux appréhender le risque d’une transaction.

Le premier facteur de risque réside naturellement dans l’incapacité des locataires à faire face à leurs échéances de loyers dans une conjoncture défavorable. La présence de locataires solvables, pouvant résister à une dégradation de leur environnement économique, permet de réduire significativement la probabilité de défaut et par conséquent de perte de loyers induite à la fois par le temps de relocation des surfaces libérées et par une baisse éventuelle des loyers de marché.

Au-delà de la santé financière des locataires, leur diversité et leur nombre revêtent un caractère déterminant en particulier pour les immeubles de bureaux. Plus les locataires appartiennent à des secteurs économiques variés et moins l’impact d’une crise frappant une industrie particulière sera ressenti. De même, une ventilation des loyers sur un grand nombre de locataires limitera la réduction relative des loyers agrégés en cas de défaut de l’un d’entre eux.

Passons ensuite rapidement sur les risques inhérents à tout bien immobilier qui résultent de sa « qualité », de ses prestations et de son positionnement dans son marché. Il est bien évident que les taux d’occupation et les périodes de relocation sont d’autant plus faibles que l’actif est situé dans un marché profond et liquide (capitales, centres d’affaires…). De même, la bonne « qualité » d’un actif limitera la volatilité de sa valeur de revente en cas de nécessité.

Les différences de régime juridique nationaux régissant les baux commerciaux constituent un autre facteur de risque. Au Royaume-Uni par exemple, les baux sont généralement d’une durée qui excède quinze ans sans option de congé du locataire. De telles durées permettent de limiter les fréquences de renouvellement des baux et donc les risques de non-relocation des surfaces libérées. En France en revanche, les baux commerciaux régis par le décret du 30 septembre 1953, qui prévoit des locations par périodes triennales, nécessitent une approche plus prudente (Standard & Poor’s estime à 65 % la probabilité de renouvellement des baux par les locataires au-delà de la période initiale contractée). Le cadre réglementaire peut également influer sur la répartition des travaux et charges entre propriétaire et locataires ou sur l’état dans lequel le locataire doit remettre les locaux à leur libération. Ici encore, le contexte juridique anglo-saxon est très favorable au propriétaire puisque l’intégralité des charges, taxes (taxe foncière, taxe sur les bureaux…) et travaux incombe aux locataires. Ainsi, non seulement la totalité des loyers peut être affectée au service de la dette mais il n’existe, en outre, aucune incertitude quant à la stabilité des flux, une augmentation imprévue des charges ou la survenance de travaux non envisagés au départ de l’opération n’affectant en rien le propriétaire/emprunteur ni sa capacité à honorer sa dette.

Par ailleurs, certains risques et contraintes juridiques propres aux opérations de titrisation ont peu à peu été éliminés par les législateurs. A titre d’exemple, l’utilisation des SPV vise principalement à isoler les actifs cédés (aussi appelés « sous-jacents ») et à les protéger de tout risque de contamination de faillite du cédant, qui pourrait avoir pour conséquence une nullité du transfert des actifs au SPV. C’est pourquoi certaines juridictions ont institué des structures spécifiques de droit local, véritables SPV dans leurs obligations et leur mode de fonctionnement. En voici deux exemples :

  • Les fonds communs de créances (FCC) en France régis par la loi 88-1201 du 23 décembre 1988 qui a, par la suite, été aménagée par décrets successifs en mars 1993, octobre 1997 et juillet 1998
  • Les Venoottschap voor Belegging in Schuldvorderingen (VBSI) en Belgique, crées par la loi du 4 décembre 1990.

Ainsi, le cadre législatif assure aux porteurs d’obligations l’opposabilité aux tiers de la cession des actifs à ces véhicules.

Un risque supplémentaire afférent aux opérations de titrisation et toujours lié à l’environnement législatif de chaque pays réside dans la rapidité avec laquelle un créancier peut exercer ses sûretés lorsque le débiteur est défaillant. Ici, il s’agit de comprendre dans quelle mesure et surtout dans quels délais le créancier peut mettre en œuvre son hypothèque lorsqu’un prêt n’est pas honoré ou évincer un locataire qui ne serait plus en mesure de payer ses loyers. En France, par exemple, la loi sur les faillites prévoit qu’une fois le juge saisi, une période dite d’observation d’environ vingt mois est accordée au débiteur défaillant afin que ce dernier dispose du temps nécessaire pour élaborer un plan de restructuration acceptable. Passé ces vingt mois, si le débiteur n’a pas remédié au défaut ou qu’aucun accord n’a été trouvé, le créancier peut se prévaloir de son hypothèque pour faire procéder à une mise en vente aux enchères du bien immobilier. Cette procédure peut durer entre six et vingt-quatre mois supplémentaires. Au total, pendant ces vingt-six à quarante-quatre mois, aucune somme n’est versée par le débiteur au créancier, ce qui met en péril le service de la dette obligataire et nécessite la mise en place de mécanismes de « liquidités » dans la structure de titrisation.

Pour se prémunir contre ces différents risques, les banques ont développé au fil du temps des outils de contrôle et d’analyse qui leur permettent de mieux mesurer les risques d’une opération tout au long de sa vie. Parmi ces outils, on trouve en particulier les ratios de contrôle suivants.

Ratio d’endettement sur valeur des actifs cédés (Loan to Value ou LTV ) qui mesure la marge de sécurité conférée aux obligations émises en cas de dégradation du marché immobilier. En effet, un LTV de 70 % assure qu’en cas de réduction de la valeur du sous-jacent de 30 %, son prix de vente permettra toujours de rembourser l’intégralité des obligations en principal.

Ratio de couverture de la dette (Debt Service Coverage Ratio ou DSCR) qui mesure le rapport entre les flux affectés au remboursement des obligations (loyers, intérêts et principal sur les prêts cédés, produits de ventes…) et les sommes dues au titre de ces mêmes obligations (intérêts et principal). Ainsi un DSCR de 120 % assure qu’une baisse de revenus de 17,6 % n’affectera pas le service de la dette.

Notation par les agences spécialisées

Toute titrisation, comme les émissions obligataires de sociétés commerciales, d’entreprises industrielles ou de banques requiert généralement l’octroi d’une note par les agences spécialisées (principalement Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch). Cette note est censée refléter le niveau de risque que représente la société émettrice (la note AAA de Standard & Poor’s et Fitch indique un risque très faible alors que les notes C ou D sont données à une dette jugée très risquée).

Toutefois, comme indiqué précédemment, la notation d’une titrisation diffère de la notation d’une entreprise dans la mesure où elle ne repose pas sur l’activité, la situation financière ou le risque de faillite de l’émetteur mais sur la qualité des actifs eux-mêmes et leur capacité à générer des cash flows permettant de faire face au remboursement de la dette émise qui est adossée sur ces derniers.

Ainsi, la note attribuée aux sous-jacents (que ce soit leur note intrinsèque ou résultant de la structure même de la titrisation) peut être supérieure à celle du cédant, ce qui lui permet d’accéder à des sources de financement moins onéreuses. Par ailleurs, une des caractéristiques importantes des titrisations provient de ce que les obligations sont émises en différentes « tranches », dont les notes peuvent varier significativement. En effet, il existe un certain nombre de mécanismes de protection (dit de rehaussement) couramment utilisés dans les montages de titrisation qui permettent de réduire le risque de certaines tranches en augmentant celui des autres.

Parmi ces mécanismes, en voici trois que l’on trouvera communément.

La subordination, qui assure le remboursement d’une tranche (en intérêts et principal) par priorité et antériorité aux autres. Cette subordination permet de choisir quelle partie de la dette sera remboursée en priorité en cas d’insuffisance des cash flows pour rembourser l’intégralité de la dette.

La constitution de fonds de réserve permettant d’assurer le service de la dette pendant une période donnée si les flux générés par les actifs se révélaient, à un quelconque moment de cette période donnée, insuffisants.

Le surdimensionnement du sous-jacent. En donnant en garantie des actifs dont la valeur est supérieure au montant de la dette émise, le cédant apporte une plus grande sécurité aux souscripteurs de la dette.

Ces divers mécanismes de protection ont l’avantage de donner au cédant beaucoup de souplesse dans la structuration de l’opération pour atteindre les notes souhaitées selon les différentes tranches et donc influer sur le coût de son financement.

Pourquoi titriser ?

La professionnalisation constante des acteurs de l’immobilier, qui s’est traduite par une homogénéisation des outils d’analyse, une plus grande transparence et une meilleure information, permet aujourd’hui aux investisseurs sur les marchés de capitaux de mieux appréhender les risques inhérents à un secteur qui n’a pas toujours eu toute l’attention qu’il méritait.

Or, si les avantages d’une titrisation pour l’emprunteur ont déjà été partiellement évoqués (nous y reviendrons plus loin), de telles opérations se révèlent également bien souvent très attrayantes pour les investisseurs qui souscrivent à la dette titrisée. Par exemple, les rendements des obligations émises sont souvent supérieurs à ceux d’obligations classiques ayant la même note.

Une des raisons de ce phénomène est le manque relatif de maturité du marché de la titrisation, en particulier en Europe. On constate effectivement que le volume d’émission sur le vieux continent n’a atteint que 5,9 milliards de dollars en 2000 (dont 78 % pour la seule Grande-Bretagne !) par rapport à 54,4 milliards aux Etats-Unis. Ainsi, le nombre réduit de transactions constitue un frein à l’analyse et à la compréhension plus systématique des risques. De même, il entraîne un risque de liquidité pouvant résulter d’un marché secondaire plus étroit.

Mais cette plus forte rémunération ne résulte-t-elle pas aussi de risques plus élevés ? Fitch, une des trois plus grandes agences de notation, a conduit une étude historique comparative (sur neuf ans, entre 1990 et 1999) des taux de défauts des obligations classiques par rapport aux obligations titrisées. Cette étude révèle que, pour les obligations notées Investment Grade (catégorie d’investissement par opposition à la catégorie spéculative, beaucoup plus risquée), le taux de défaut annuel est de 0,08 % pour les obligations classiques et 0,06 % pour les autres. Cette différence est encore bien plus marquée pour les obligations Non-Investment Grade (spéculatives) pour lesquelles les taux atteignent 3,07 % et 0,14 % respectivement.

Constatons par ailleurs que cette étude n’a pas pris en compte le taux final de perte (différence entre la dette due et les sommes recouvrées in fine par les créanciers) qui dans le cas d’une titrisation devrait être inférieur car ces opérations sont assorties de sûretés réelles (hypothèques...). L’attrait que constitue une titrisation pour les investisseurs apparaît alors clairement, puisqu’ils peuvent bénéficier d’une rémunération supérieure à celle d’autres formes d’émissions obligataires pour un risque inférieur.

Revenons maintenant aux avantages que présentent de telles opérations pour les emprunteurs. Tout d’abord, il convient de rappeler que la loi de 1988, qui régit les titrisations en France, et ses aménagements successifs, ont progressivement permis d’assouplir le cadre de ces transactions. Citons notamment la faculté donnée aux FCC de transférer le recouvrement des créances à un autre établissement que le cédant, la possibilité de rachat de créances et de ré-émission de parts (cf. les conduits, qui peuvent être réalimentés), la suppression des formalités de notification de la cession des actifs aux emprunteurs initiaux ou d’inscription en marge au registre des hypothèques ou encore la capacité du FCC de recourir à l’emprunt pour notamment se voir octroyer une ligne de liquidité. En outre, les FCC ne sont pas assujettis à l’impôt puisqu’ils bénéficient du statut de fonds et sont, de ce fait, neutres fiscalement.

Toutes ces caractéristiques confèrent aux titrisations une grande souplesse en terme de structuration et permettent en particulier au cédant de réaliser des arbitrages sur son patrimoine puisqu’il a par exemple, dans certaines limites, la possibilité de substituer à une partie des actifs cédés d’autres actifs de nature et de risques équivalents en cours d’opération.

Par ailleurs, parce qu’elles s’adressent aux investisseurs des marchés de capitaux, de telles transactions permettent d’accéder à un marché de la dette institutionnel, international et par conséquent beaucoup plus important que celui des banques commerciales, tout en échappant aux problèmes de syndication que rencontrent généralement ces mêmes banques.

Cette source de financement permet également aux emprunteurs de se soustraire aux contraintes d’un endettement traditionnel (souvent limité par des ratios d’endettement sur fonds propres). En effet, parce que chaque transaction est isolée dans un SPV, la dette qui en résulte ne figure pas au bilan du cédant. Ce type de financement peut donc se révéler très efficace pour des sociétés qui souhaitent soit accéder à de nouvelles liquidités sans augmenter leur niveau d’endettement soit tout simplement réduire ce dernier. La titrisation leur permet en outre de conserver le bénéfice potentiel de leur investissement initial. Comme on l’a vu précédemment, la titrisation réduit aussi sensiblement les coûts de financement en abaissant les niveaux de fonds propres requis pour chaque transaction. En effet, la structuration de la dette en plusieurs tranches plus ou moins risquées permet de satisfaire l’appétit de certains investisseurs pour des niveaux de risque et de rémunération qui ne s’inscrivent en revanche pas toujours dans la stratégie des banques commerciales. Enfin, le cédant conserve en général le rôle de gestionnaire des créances cédées (gestion courante, recouvrement, etc.), ce qui lui permet de devenir prestataire de service et ainsi de bénéficier d’une rémunération supplémentaire.

Pour conclure, soulignons que la multiplication, au cours des années quatre-vingt-dix, du nombre d’investisseurs immobiliers ayant des stratégies à court ou moyen termes, et une approche immobilière essentiellement financière a entraîné un raccourcissement des cycles et une modification des risques. Ces changements, une plus grande spécialisation du secteur et l’importante immobilisation de capitaux qu’induit tout investissement immobilier, incitent aujourd’hui un certain nombre d’entreprises à arbitrer tout ou partie de leur patrimoine immobilier pour éventuellement se recentrer sur leur cœur d’activité. La titrisation devient alors un
des moyens de satisfaire ces ambitions. Elle se prête par exemple très bien
aux opérations d’externalisation de patrimoine immobiliers (Sale & Lease-back) dans lesquelles les actifs cédés bénéficient de baux long terme avec des locataires dont la solvabilité est souvent de qualité. Ainsi, en 2000, EDF a cédé par le biais d’une titrisation un portefeuille composé de quelque 10 168 logements pour plus de 690,8 millions d’euros.

Malheureusement, certaines sociétés, qui pourraient avoir intérêt à recourir à la titrisation, continuent de penser qu’il s’agit d’opérations éminemment complexes, réservées aux seuls grands acteurs du marché. Or le développement de la titrisation a progressivement conduit à l’élaboration d’outils et de méthodes d’analyse standardisés qui permettent de monter des opérations très diverses, avec des structures simples et dans des délais relativement courts. En outre, l’existence des conduits permet aujourd’hui aux investisseurs de plus petite taille de bénéficier indirectement des avantages de la titrisation, sans pour autant devoir monter leur propre transaction.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-5/la-titrisation-immobiliere-se-financer-autrement.html?item_id=2428
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