La titrisation immobilière : se financer autrement ?
La croissance récente des investissements immobiliers,
en particulier sur les marchés des bureaux, commerces et entrepôts,
fait apparaître de nouveaux besoins en financement auxquels les
banques commerciales ne sont pas toujours disposées à répondre.
La titrisation constitue une alternative ou un complément aux modes
de financement traditionnels.
Le marché immobilier en France et plus largement
en Europe a connu une forte croissance au cours de ces dernières
années. Ce phénomène a bénéficié
aussi bien au marché professionnel (bureaux, commerces, entrepôts…)
qu’au secteur résidentiel. Cette tendance favorable et la
baisse significative des droits de mutation dans certains pays, notamment
en France (de 18,2 % à 4,8 %), ont attiré un nombre croissant
d’investisseurs vers des marchés de plus en plus liquides.
L’exemple hexagonal est à ce titre frappant puisque, de 3,5
milliards d’euros d’investissements sur le seul marché
professionnel en Ile-de-France en 1997, le volume a atteint 9,55 milliards
d’euros en 2001, soit plus de 272 % de croissance en cinq ans.
Or cette expansion rapide d’une industrie hautement
« capitalistique » s’accompagne de besoins en financement
en constante augmentation auxquels les banques commerciales ne sont pas
toujours disposées à répondre, soucieuses qu’elles
sont, à juste titre, de ne pas être surexposées à
un secteur éminemment cyclique. Dès lors, il convient de
trouver des sources de financement complémentaires et la titrisation,
parce qu’elle permet d’accéder aux marchés financiers
dont la profondeur et la liquidité ont été largement
favorisées par la création de la monnaie unique, se présente
comme une alternative encore jusque-là relativement mal connue
des professionnels de l’immobilier.
Qu’est-ce que la titrisation ?
Apparues au début des années quatre-vingt
aux Etats-Unis, les premières opérations de titrisation
ont été mises en place par des institutions financières
dont l’objectif était de profiter de la différence
entre le rendement offert par des prêts hypothécaires résidentiels
individuels, et celui, bien inférieur, requis par des obligations
garanties et repayées grâce aux remboursements (en intérêts
et principal) de ces mêmes prêts. En effet, ce différentiel
est obtenu en insérant les différents prêts au sein
d’un même portefeuille dont la qualité de crédit
est supérieure à celle de chaque prêt pris individuellement.
Ainsi, une opération de titrisation consiste à
financer sur le marché obligataire un actif ou un portefeuille
d’actifs, ledit financement étant remboursé par les
seuls flux financiers futurs (cash flows) générés
par ces actifs. Les actifs ainsi financés peuvent être de
nature très diverse, que ce soient des prêts hypothécaires
aux particuliers ou aux professionnels de l’immobilier, des créances
commerciales ou encore des crédits à la consommation.
Plus précisément, une société
détentrice d’un portefeuille qu’elle souhaite financer
ou refinancer (aussi appelée le « cédant »)
va vendre ce dernier à une société ad hoc constituée
à cet effet (communément appelée Special Purpose
Vehicle ou SPV) qui va émettre des obligations ou titres (par souci
de simplification on emploiera le terme générique «
obligation ») dont le produit permettra de financer ladite acquisition.
Désormais à la tête du portefeuille, le SPV va utiliser
tout ou partie des revenus engendrés par le portefeuille (intérêts,
remboursements en principal, produits de ventes…) pour assurer le
paiement des obligations. Les souscripteurs des obligations ont donc,
en garantie de leur investissement, tous les actifs et flux contenus ou
induits dans le portefeuille mais n’ont en revanche aucun recours
sur le cédant. De son côté, ce dernier recevra à
la fois le produit de la vente de son portefeuille et tout surplus, le
cas échéant, résultant de la différence de
rendement entre le patrimoine cédé et les intérêts
attendus par les porteurs d’obligations. Il a ainsi refinancé
ses actifs à un coût souvent très inférieur
à son coût moyen de capital (fonds propres plus dette classique)
tout en conservant le potentiel de son investissement.
Le schéma ci-dessous illustre un montage classique
de titrisation. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir)
La titrisation immobilière
On peut distinguer principalement quatre grandes catégories
de titrisations immobilières.
Titrisation de prêts hypothécaires performants (immobilier
commercial ou résidentiel). La dette émise par le SPV est
remboursée au moyen des cash flows générés
par les prêts (intérêts + principal).
Titrisation de prêts hypothécaires non performants (immobilier
commercial ou résidentiel). La dette émise par le SPV, qui
a racheté les prêts non performants à un prix inférieur
à leur valeur faciale, est remboursée au moyen des cash
flows générés par les prêts qui sont soit restructurés
soit liquidés (auquel cas les revenus proviennent de la vente des
biens immobiliers objets d’hypothèques).
Emission d’une dette obligataire dont le produit permet au SPV d’octroyer
un prêt à un emprunteur qui donne en garantie un ou plusieurs
actifs immobiliers loués. La dette est alors remboursée
au moyen des cash flows générés par le prêt,
lui-même garanti par les actifs immobiliers et les loyers qu’ils
engendrent.
Emission d’une dette obligataire dont le produit permet au SPV d’acquérir
un ou plusieurs actifs immobiliers loués. La dette émise
par le SPV est ici remboursée au moyen des cash flows que constituent
les loyers et éventuellement du produit de la vente des actifs
acquis.
Il convient de souligner que dans le cas des titrisations
de prêts hypothécaires dont l’objet est un immeuble
commercial, le plus souvent le prêt lui-même est garanti par
les loyers produits par l’immeuble. Ainsi le risque final s’analyse
donc essentiellement comme un risque de marché immobilier, ce qui
permet d’atteindre de meilleures notations pour les obligations.
En effet, dans l’hypothèse où un prêt serait
garanti directement par l’emprunteur et non par l’immeuble et
ses flux futurs, il serait difficile d’obtenir une notation significativement
supérieure à celle de l’emprunteur lui-même (tout
le risque reposant alors sur ce dernier). S’agissant des prêts
portant sur des biens résidentiels, c’est surtout la diversité
des emprunteurs (répartition géographique, catégories
socioprofessionnelles…) induite par l’effet de portefeuille
qui permet d’améliorer le profil de risque et ainsi d’obtenir
une notation supérieure à celle des emprunteurs eux-mêmes.
De surcroît, le caractère primordial d’une résidence
principale pour un particulier est un facteur de réduction du risque
de déchéance du terme.
Les « conduits » immobiliers
En dehors des opérations de titrisation évoquées
plus haut, il convient également de mentionner les titrisations
réalisées à l’aide de fonds multicédants
(communément appelés « conduits »). Un conduit
est une entité ad hoc mise en place par certaines grandes banques
pour acquérir (ou produire) des actifs et les titriser, permettant
ainsi à certains de leurs clients d’accéder aux coûts
de financement particulièrement avantageux des titrisations. L’avantage
de ces fonds est qu’ils permettent de rassembler un grand nombre
d’actifs, de nature souvent variée, dont la taille unitaire
ne saurait autrement justifier les coûts de structure d’une
titrisation.
Risques et notation d’une titrisation immobilière
Analyse des risques d’une titrisation d’un bien
immobilier professionnel
Comme on l’a évoqué plus haut, que
ce soit dans le cadre d’une titrisation de créances hypothécaires
ou d’actifs en direct, le remboursement en temps et en heure des
obligations repose principalement sur les loyers ou les produits de vente
générés par les immeubles faisant l’objet de
la titrisation ou constituant la garantie unique des prêts titrisés.
Encore une fois, le cédant ne se porte aucunement garant de la
dette obligataire émise.
Il convient donc, dans un premier temps, de cerner les
principaux facteurs ayant un impact négatif potentiel sur les flux
de loyers pour s’intéresser ensuite à certains outils
d’analyse qui permettent de mieux appréhender le risque d’une
transaction.
Le premier facteur de risque réside naturellement
dans l’incapacité des locataires à faire face à
leurs échéances de loyers dans une conjoncture défavorable.
La présence de locataires solvables, pouvant résister à
une dégradation de leur environnement économique, permet
de réduire significativement la probabilité de défaut
et par conséquent de perte de loyers induite à la fois par
le temps de relocation des surfaces libérées et par une
baisse éventuelle des loyers de marché.
Au-delà de la santé financière des
locataires, leur diversité et leur nombre revêtent un caractère
déterminant en particulier pour les immeubles de bureaux. Plus
les locataires appartiennent à des secteurs économiques
variés et moins l’impact d’une crise frappant une industrie
particulière sera ressenti. De même, une ventilation des
loyers sur un grand nombre de locataires limitera la réduction
relative des loyers agrégés en cas de défaut de l’un
d’entre eux.
Passons ensuite rapidement sur les risques inhérents
à tout bien immobilier qui résultent de sa « qualité
», de ses prestations et de son positionnement dans son marché.
Il est bien évident que les taux d’occupation et les périodes
de relocation sont d’autant plus faibles que l’actif est situé
dans un marché profond et liquide (capitales, centres d’affaires…).
De même, la bonne « qualité » d’un actif
limitera la volatilité de sa valeur de revente en cas de nécessité.
Les différences de régime juridique nationaux
régissant les baux commerciaux constituent un autre facteur de
risque. Au Royaume-Uni par exemple, les baux sont généralement
d’une durée qui excède quinze ans sans option de congé
du locataire. De telles durées permettent de limiter les fréquences
de renouvellement des baux et donc les risques de non-relocation des surfaces
libérées. En France en revanche, les baux commerciaux régis
par le décret du 30 septembre 1953, qui prévoit des locations
par périodes triennales, nécessitent une approche plus prudente
(Standard & Poor’s estime à 65 % la probabilité
de renouvellement des baux par les locataires au-delà de la période
initiale contractée). Le cadre réglementaire peut également
influer sur la répartition des travaux et charges entre propriétaire
et locataires ou sur l’état dans lequel le locataire doit
remettre les locaux à leur libération. Ici encore, le contexte
juridique anglo-saxon est très favorable au propriétaire
puisque l’intégralité des charges, taxes (taxe foncière,
taxe sur les bureaux…) et travaux incombe aux locataires. Ainsi,
non seulement la totalité des loyers peut être affectée
au service de la dette mais il n’existe, en outre, aucune incertitude
quant à la stabilité des flux, une augmentation imprévue
des charges ou la survenance de travaux non envisagés au départ
de l’opération n’affectant en rien le propriétaire/emprunteur
ni sa capacité à honorer sa dette.
Par ailleurs, certains risques et contraintes juridiques
propres aux opérations de titrisation ont peu à peu été
éliminés par les législateurs. A titre d’exemple,
l’utilisation des SPV vise principalement à isoler les actifs
cédés (aussi appelés « sous-jacents ») et à les protéger de tout
risque de contamination de faillite du cédant, qui pourrait avoir
pour conséquence une nullité du transfert des actifs au
SPV. C’est pourquoi certaines juridictions ont institué des
structures spécifiques de droit local, véritables SPV dans
leurs obligations et leur mode de fonctionnement. En voici deux exemples
:
- Les fonds communs de créances (FCC) en France régis par la loi 88-1201 du 23 décembre 1988 qui a, par la suite, été aménagée par décrets successifs en mars 1993, octobre 1997 et juillet 1998
-
Les Venoottschap voor Belegging in Schuldvorderingen (VBSI) en Belgique,
crées par la loi du 4 décembre 1990.
Ainsi, le cadre législatif assure aux porteurs
d’obligations l’opposabilité aux tiers de la cession
des actifs à ces véhicules.
Un risque supplémentaire afférent aux opérations
de titrisation et toujours lié à l’environnement législatif
de chaque pays réside dans la rapidité avec laquelle un
créancier peut exercer ses sûretés lorsque le débiteur
est défaillant. Ici, il s’agit de comprendre dans quelle mesure
et surtout dans quels délais le créancier peut mettre en
œuvre son hypothèque lorsqu’un prêt n’est
pas honoré ou évincer un locataire qui ne serait plus en
mesure de payer ses loyers. En France, par exemple, la loi sur les faillites
prévoit qu’une fois le juge saisi, une période dite
d’observation d’environ vingt mois est accordée au débiteur
défaillant afin que ce dernier dispose du temps nécessaire
pour élaborer un plan de restructuration acceptable. Passé
ces vingt mois, si le débiteur n’a pas remédié
au défaut ou qu’aucun accord n’a été trouvé,
le créancier peut se prévaloir de son hypothèque
pour faire procéder à une mise en vente aux enchères
du bien immobilier. Cette procédure peut durer entre six et vingt-quatre
mois supplémentaires. Au total, pendant ces vingt-six à
quarante-quatre mois, aucune somme n’est versée par le débiteur
au créancier, ce qui met en péril le service de la dette
obligataire et nécessite la mise en place de mécanismes
de « liquidités » dans la structure de titrisation.
Pour se prémunir contre ces différents
risques, les banques ont développé au fil du temps des outils
de contrôle et d’analyse qui leur permettent de mieux mesurer
les risques d’une opération tout au long de sa vie. Parmi
ces outils, on trouve en particulier les ratios de contrôle suivants.
Ratio d’endettement sur valeur des actifs cédés (Loan
to Value ou LTV ) qui mesure la marge de sécurité conférée
aux obligations émises en cas de dégradation du marché
immobilier. En effet, un LTV de 70 % assure qu’en cas de réduction
de la valeur du sous-jacent de 30 %, son prix de vente permettra toujours
de rembourser l’intégralité des obligations en principal.
Ratio de couverture de la dette (Debt Service Coverage Ratio ou DSCR)
qui mesure le rapport entre les flux affectés au remboursement
des obligations (loyers, intérêts et principal sur les prêts
cédés, produits de ventes…) et les sommes dues au titre
de ces mêmes obligations (intérêts et principal). Ainsi
un DSCR de 120 % assure qu’une baisse de revenus de 17,6 % n’affectera
pas le service de la dette.
Notation par les agences spécialisées
Toute titrisation, comme les émissions obligataires
de sociétés commerciales, d’entreprises industrielles
ou de banques requiert généralement l’octroi d’une
note par les agences spécialisées (principalement Standard
& Poor’s, Moody’s et Fitch). Cette note est censée
refléter le niveau de risque que représente la société
émettrice (la note AAA de Standard & Poor’s et Fitch indique
un risque très faible alors que les notes C ou D sont données
à une dette jugée très risquée).
Toutefois, comme indiqué précédemment,
la notation d’une titrisation diffère de la notation d’une
entreprise dans la mesure où elle ne repose pas sur l’activité,
la situation financière ou le risque de faillite de l’émetteur
mais sur la qualité des actifs eux-mêmes et leur capacité
à générer des cash flows permettant de faire face
au remboursement de la dette émise qui est adossée sur ces
derniers.
Ainsi, la note attribuée aux sous-jacents (que
ce soit leur note intrinsèque ou résultant de la structure
même de la titrisation) peut être supérieure à
celle du cédant, ce qui lui permet d’accéder à
des sources de financement moins onéreuses. Par ailleurs, une des
caractéristiques importantes des titrisations provient de ce que
les obligations sont émises en différentes « tranches
», dont les notes peuvent varier significativement. En effet, il
existe un certain nombre de mécanismes de protection (dit de rehaussement)
couramment utilisés dans les montages de titrisation qui permettent
de réduire le risque de certaines tranches en augmentant celui
des autres.
Parmi ces mécanismes, en voici trois que l’on
trouvera communément.
La subordination, qui assure le remboursement d’une tranche (en intérêts
et principal) par priorité et antériorité aux autres.
Cette subordination permet de choisir quelle partie de la dette sera remboursée
en priorité en cas d’insuffisance des cash flows pour rembourser
l’intégralité de la dette.
La constitution de fonds de réserve permettant d’assurer le
service de la dette pendant une période donnée si les flux
générés par les actifs se révélaient,
à un quelconque moment de cette période donnée, insuffisants.
Le surdimensionnement du sous-jacent. En donnant en garantie des actifs
dont la valeur est supérieure au montant de la dette émise,
le cédant apporte une plus grande sécurité aux souscripteurs
de la dette.
Ces divers mécanismes de protection ont l’avantage
de donner au cédant beaucoup de souplesse dans la structuration
de l’opération pour atteindre les notes souhaitées
selon les différentes tranches et donc influer sur le coût
de son financement.
Pourquoi titriser ?
La professionnalisation constante des acteurs de l’immobilier,
qui s’est traduite par une homogénéisation des outils
d’analyse, une plus grande transparence et une meilleure information,
permet aujourd’hui aux investisseurs sur les marchés de capitaux
de mieux appréhender les risques inhérents à un secteur
qui n’a pas toujours eu toute l’attention qu’il méritait.
Or, si les avantages d’une titrisation pour l’emprunteur
ont déjà été partiellement évoqués
(nous y reviendrons plus loin), de telles opérations se révèlent
également bien souvent très attrayantes pour les investisseurs
qui souscrivent à la dette titrisée. Par exemple, les rendements
des obligations émises sont souvent supérieurs à
ceux d’obligations classiques ayant la même note.
Une des raisons de ce phénomène est le
manque relatif de maturité du marché de la titrisation,
en particulier en Europe. On constate effectivement que le volume d’émission
sur le vieux continent n’a atteint que 5,9 milliards de dollars en
2000 (dont 78 % pour la seule Grande-Bretagne !) par rapport à
54,4 milliards aux Etats-Unis. Ainsi, le nombre réduit de transactions
constitue un frein à l’analyse et à la compréhension
plus systématique des risques. De même, il entraîne
un risque de liquidité pouvant résulter d’un marché
secondaire plus étroit.
Mais cette plus forte rémunération ne résulte-t-elle
pas aussi de risques plus élevés ? Fitch, une des trois
plus grandes agences de notation, a conduit une étude historique
comparative (sur neuf ans, entre 1990 et 1999) des taux de défauts
des obligations classiques par rapport aux obligations titrisées.
Cette étude révèle que, pour les obligations notées
Investment Grade (catégorie d’investissement par opposition
à la catégorie spéculative, beaucoup plus risquée),
le taux de défaut annuel est de 0,08 % pour les obligations classiques
et 0,06 % pour les autres. Cette différence est encore bien plus
marquée pour les obligations Non-Investment Grade (spéculatives)
pour lesquelles les taux atteignent 3,07 % et 0,14 % respectivement.
Constatons par ailleurs que cette étude n’a
pas pris en compte le taux final de perte (différence entre la
dette due et les sommes recouvrées in fine par les créanciers)
qui dans le cas d’une titrisation devrait être inférieur
car ces opérations sont assorties de sûretés réelles
(hypothèques...). L’attrait que constitue une titrisation
pour les investisseurs apparaît alors clairement, puisqu’ils
peuvent bénéficier d’une rémunération
supérieure à celle d’autres formes d’émissions
obligataires pour un risque inférieur.
Revenons maintenant aux avantages que présentent
de telles opérations pour les emprunteurs. Tout d’abord, il
convient de rappeler que la loi de 1988, qui régit les titrisations
en France, et ses aménagements successifs, ont progressivement
permis d’assouplir le cadre de ces transactions. Citons notamment
la faculté donnée aux FCC de transférer le recouvrement
des créances à un autre établissement que le cédant,
la possibilité de rachat de créances et de ré-émission
de parts (cf. les conduits, qui peuvent être réalimentés),
la suppression des formalités de notification de la cession des
actifs aux emprunteurs initiaux ou d’inscription en marge au registre
des hypothèques ou encore la capacité du FCC de recourir
à l’emprunt pour notamment se voir octroyer une ligne de liquidité.
En outre, les FCC ne sont pas assujettis à l’impôt puisqu’ils
bénéficient du statut de fonds et sont, de ce fait, neutres
fiscalement.
Toutes ces caractéristiques confèrent aux
titrisations une grande souplesse en terme de structuration et permettent
en particulier au cédant de réaliser des arbitrages sur
son patrimoine puisqu’il a par exemple, dans certaines limites, la
possibilité de substituer à une partie des actifs cédés
d’autres actifs de nature et de risques équivalents en cours
d’opération.
Par ailleurs, parce qu’elles s’adressent aux
investisseurs des marchés de capitaux, de telles transactions permettent
d’accéder à un marché de la dette institutionnel,
international et par conséquent beaucoup plus important que celui
des banques commerciales, tout en échappant aux problèmes
de syndication que rencontrent généralement ces mêmes
banques.
Cette source de financement permet également aux
emprunteurs de se soustraire aux contraintes d’un endettement traditionnel
(souvent limité par des ratios d’endettement sur fonds propres).
En effet, parce que chaque transaction est isolée dans un SPV,
la dette qui en résulte ne figure pas au bilan du cédant.
Ce type de financement peut donc se révéler très
efficace pour des sociétés qui souhaitent soit accéder
à de nouvelles liquidités sans augmenter leur niveau d’endettement
soit tout simplement réduire ce dernier. La titrisation leur permet
en outre de conserver le bénéfice potentiel de leur investissement
initial. Comme on l’a vu précédemment, la titrisation
réduit aussi sensiblement les coûts de financement en abaissant
les niveaux de fonds propres requis pour chaque transaction. En effet,
la structuration de la dette en plusieurs tranches plus ou moins risquées
permet de satisfaire l’appétit de certains investisseurs pour
des niveaux de risque et de rémunération qui ne s’inscrivent
en revanche pas toujours dans la stratégie des banques commerciales.
Enfin, le cédant conserve en général le rôle
de gestionnaire des créances cédées (gestion courante,
recouvrement, etc.), ce qui lui permet de devenir prestataire de service
et ainsi de bénéficier d’une rémunération
supplémentaire.
Pour conclure, soulignons que la multiplication, au cours
des années quatre-vingt-dix, du nombre d’investisseurs immobiliers
ayant des stratégies à court ou moyen termes, et une approche
immobilière essentiellement financière a entraîné
un raccourcissement des cycles et une modification des risques. Ces changements,
une plus grande spécialisation du secteur et l’importante
immobilisation de capitaux qu’induit tout investissement immobilier,
incitent aujourd’hui un certain nombre d’entreprises à
arbitrer tout ou partie de leur patrimoine immobilier pour éventuellement
se recentrer sur leur cœur d’activité. La titrisation
devient alors un
des moyens de satisfaire ces ambitions. Elle se prête par exemple
très bien
aux opérations d’externalisation de patrimoine immobiliers
(Sale & Lease-back) dans lesquelles les actifs cédés
bénéficient de baux long terme avec des locataires dont
la solvabilité est souvent de qualité. Ainsi, en 2000, EDF
a cédé par le biais d’une titrisation un portefeuille
composé de quelque 10 168 logements pour plus de 690,8 millions
d’euros.
Malheureusement, certaines sociétés, qui
pourraient avoir intérêt à recourir à la titrisation,
continuent de penser qu’il s’agit d’opérations éminemment
complexes, réservées aux seuls grands acteurs du marché.
Or le développement de la titrisation a progressivement conduit
à l’élaboration d’outils et de méthodes
d’analyse standardisés qui permettent de monter des opérations
très diverses, avec des structures simples et dans des délais
relativement courts. En outre, l’existence des conduits permet aujourd’hui
aux investisseurs de plus petite taille de bénéficier indirectement
des avantages de la titrisation, sans pour autant devoir monter leur propre
transaction.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-5/la-titrisation-immobiliere-se-financer-autrement.html?item_id=2428
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