Cécile DUFLOT

Ministre de l'Égalité des territoires et du Logement.

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Construire là où sont les besoins

La réforme de l'urbanisme et de l'aménagement conduite par le gouvernement définit le cadre juridique d'une ville plus dense et moins consommatrice d'espace. Son ambition est de limiter la périurbanisation et de favoriser la construction de logements en zones tendues.

Répondre à la crise du logement en construisant plus et mieux, tout en préservant les espaces naturels et agricoles : c'est à cette délicate équation que répond la densification. Tous les dix ans, les espaces naturels et agricoles perdent l'équivalent de la surface d'un département français. Le président de la République l'a réaffirmé lors de la conférence environnementale, en septembre 2012 : la lutte contre l'artificialisation des espaces agricoles et naturels est une priorité du gouvernement.
Parallèlement, il faut créer les conditions pour la construction de 500 000 nouveaux logements par an d'ici à 2017. C'est à la fois un engament de campagne du président de la République, une nécessité pour répondre aux difficultés que connaissent les Français pour se loger et un moyen de soutenir un secteur en difficulté qui est un important gisement d'emplois non délocalisables.

Pas n'importe où, ni n'importe comment

Il faut donc construire plus, c'est urgent. Mais urgence ne veut pas dire précipitation : il faut construire, mais pas n'importe où, ni n'importe comment. C'est cette ambition que porte la réforme de l'urbanisme et de l'aménagement conduite par le gouvernement. C'est aussi un beau défi adressé aux architectes, aux urbanistes, aux constructeurs : à eux de se montrer créatifs pour aménager les vieux centres commerciaux et leurs immenses nappes de parkings, réhabiliter les grands ensembles décrépits, densifier les parcelles pavillonnaires peu construites et transformer en logements une partie des 2,5 millions de mètres carrés de bureaux vides en Île-de-France !
Et pour permettre cela, pour que soient privilégiés le recyclage et la densification douce à l'étalement urbain, il faut définir le cadre juridique d'une ville plus dense et moins consommatrice d'espace. La densification est la solution qui permet de construire là où sont les besoins, sans artificialiser davantage en périphérie des villes.
Aux antipodes de l'image parfois caricaturale des tours et barres d'immeuble qui caractérisent l'urbanisme des années 1960-1970, la densité urbaine contribue à la mise en place d'une fabrique de la ville durable. Elle peut être extrêmement conviviale, rassurante. A contrario, on a beaucoup de quartiers qui comprennent d'immenses espaces non utilisés, qui ne vivent pas bien du tout. La question n'est donc pas celle du nombre d'habitants au kilomètre carré, mais celle du fonctionnement de la ville : tout est affaire d'usage. Qu'est-ce que vivre en ville ? C'est bénéficier d'un réseau de transports performants, avoir accès à des commerces de proximité et des services, profiter tout à la fois d'une intimité et d'espaces publics conviviaux. Il faut densifier tout en préservant des espaces naturels.
La réforme conduite par le gouvernement va impulser la transition écologique des territoires en réconciliant développement économique et soutenabilité écologique, besoin de construire et préservation de la biodiversité.
En cinquante ans, la population de la France métropolitaine s'est accrue de 17,2 millions d'habitants, soit près de 40 %. Dans le même temps, le nombre de ménages a presque doublé, passant de 14,6 millions à 27 millions.
Pour se loger, les ménages doivent dorénavant faire un choix, plus ou moins contraint, entre le coût de leur trajet domicile-travail et le coût de leur logement. Vivre en centre-ville permet certes de limiter le budget et le temps liés aux déplacements, mais cela coûte souvent cher. Trop cher.
Depuis des années, de plus en plus de familles se sont installées à la périphérie des villes. L'espace des grandes aires urbaines s'est fortement étendu, et on construit plus de logements dans les périphéries que dans les centres-villes. Au point que l'espace périurbain englobe à présent plus du tiers du territoire métropolitain et presque un quart de la population.
Pour infléchir cette tendance et favoriser la construction de logements en zones tendues en limitant la périurbanisation, il est nécessaire d'encourager la densification des cœurs de ville, en agissant par le moyen de certaines obligations fixées par les documents d'urbanisme.

Favoriser la densification urbaine

Dans les zones denses, des documents d'urbanisme anciens et parfois inutilement restrictifs constituent bien souvent des obstacles au développement de l'offre de logements. Se trouvent ainsi inexploités des gisements fonciers, immédiatement mobilisables pour le logement à moindre coût et situés dans des secteurs déjà équipés, urbanisés et desservis par les réseaux de transports.
Certains plans locaux d'urbanisme (PLU) ne prennent pas en compte les évolutions en matière de déplacements de notre société, comme le déploiement de réseaux de transports collectifs de plus en plus denses dans les zones urbaines. Il arrive qu'ils fixent des contraintes disproportionnées. Par exemple, des règles trop strictes en termes de création de places de stationnement conduisent à une augmentation du coût des projets de construction, qui peut entraîner leur abandon ou engendrer des surcoûts importants — la construction d'une place de parking coûte en moyenne 20 000 à 25 000 euros.
Voilà qui pénalise notamment les opérations de transformation de bureaux en logements. Plus de 2,5 millions de mètres carrés de bureaux sont actuellement vacants en Île-de-France, alors qu'on y manque de logements !
Il est possible d'adapter le plan local d'urbanisme, mais cela nécessite du temps et représente un coût pour la collectivité. Le gouvernement va permettre certaines dérogations très ciblées qui éviteront, par exemple, qu'on impose au constructeur de réaliser plus d'une place de parking par logement dès lors que son projet immobilier est prévu à proximité d'une gare ou d'une station de transport collectif.
Il faudra aussi encourager la surélévation d'immeubles de logements. Les règles de gabarit et de densité en milieu urbain s'appliquent aujourd'hui uniformément, sans que soit considéré le bâti existant qui, au sein d'un même quartier, peut comporter des constructions très diversifiées. Surélever un immeuble d'un ou deux étages ou construire sur une « dent creuse » et aligner la hauteur d'un bâtiment sur la construction voisine : voilà la densification douce et respectueuse de l'équilibre, de la qualité architecturale et de la morphologie d'un quartier.

Donner un coup d'arrêt à l'artificialisation des sols

La densification des espaces urbains constitue un enjeu central du développement durable des territoires, un véritable levier de la transition écologique. Elle est ainsi une alliée indispensable dans la lutte contre l'artificialisation des sols.
Il faut changer de perspective et cesser de grignoter la nature. Les terres agricoles et naturelles ne doivent plus constituer une variable d'ajustement de l'urbanisation. Aujourd'hui, de trop nombreux terrains sont classés en « zone à urbaniser » et sont artificiellement considérés comme une réserve foncière, alors qu'en réalité il s'agit d'espaces naturels et agricoles à protéger. C'est pourquoi les zones à urbaniser qui ne font l'objet d'aucun projet d'aménagement depuis dix ans seront reclassées en zones naturelles.
Le rôle des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles, qui ont démontré toute leur utilité dans le cadre de la lutte pour la préservation des terres agricoles, sera renforcé et élargi aux zones naturelles et forestières. Et les principes limitant la constructibilité des territoires agricoles et naturels dans les documents d'urbanisme seront renforcés afin de lutter contre le mitage des espaces ruraux.
Ce mitage, de plus en plus fréquent, s'avère coûteux en termes d'équipements, de services publics et de réseaux. Il est aussi consommateur de terres cultivables et préjudiciable à la qualité des paysages. Des études de densification et de stratégie foncière seront intégrées dans le cadre de l'élaboration ou de la révision des documents d'urbanisme, afin de fournir aux décideurs locaux le cadre d'un débat qui deviendra, ainsi, enfin incontournable.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2013-6/construire-la-ou-sont-les-besoins.html?item_id=3335
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