Michel GUISEMBERT

Président de Worldskills France.

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Olympiades des métiers : la rencontre du talent, de la passion et de la jeunesse

La jeunesse d'aujourd'hui, comme celle d'hier, est capable de nous étonner grandement pour peu que nous lui donnions un objectif clair et valorisant, des règles, des clés, un accompagnement irréprochable et... de la confiance. Voilà la constatation que nous pouvons faire encore une fois, au retour de la 42e WorldSkills Competition - Olympiades des métiers, qui s'est déroulée du 2 au 7 juillet 2013 à Leipzig, en Allemagne.

« Je crois que l'on peut considérer les Olympiades comme le plus efficace de tous les salons de l'orientation que l'on pourra inventer. Cette compétition, à laquelle des milliers de jeunes collégiens et lycéens assistent, est la plus efficace vitrine des métiers », avait déclaré Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social lors de la présentation de l'équipe de France des métiers le 4 juin dernier. Puis de renchérir : « Les Olympiades des métiers constituent la meilleure réponse qu'il est possible de faire pour changer le regard de la société sur les voies professionnelles. »

Il s'agit bien de cela. La compétition a été créée en 1946, en Espagne, afin de mettre à l'honneur les femmes et les hommes de métier, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pour à la fois redonner le goût du travail, solliciter des vocations et reconnaître le savoir-faire de la jeunesse pratiquant un métier.

L'idée était de créer un concours international pratiqué en public par des jeunes talents âgés de moins de 23 ans et représentant leur pays. Ce qui sera effectif dès 1953 avec des représentants de l'Allemagne, de la France, du Maroc, du Royaume-Uni et de la Suisse. Ils viendront s'ajouter aux pionniers espagnols et portugais.

Une exigence de haut niveau

Permettre à des jeunes de représenter leur pays dans leur métier impose une exigence de haut niveau, tant aux jeunes qu'à toute la chaîne composée de nombreux bénévoles qui se mobilisent pour leur faire vivre une aventure humaine extraordinaire. Si chacun s'est préparé intensivement pendant des mois, voire des années, pour obtenir une médaille, aucun n'a mesuré préalablement la force et l'impact d'une telle compétition pour son avenir d'homme ou de femme de métier, quand bien même l'aventure s'arrête prématurément.

En effet, pour ce qui concerne la France, ce sont plus de 7 300 candidats qui ont concouru dans les épreuves régionales. Leur organisation mobilise des moyens mis à disposition par les conseils régionaux, de nombreux partenaires, les organisations professionnelles, les organismes de formation, les entreprises, ainsi que de nombreux bénévoles. Tous sont convaincus que le savoir-faire français est une richesse, que la pratique des métiers du XXIe siècle impose intelligence, compétence, réactivité, créativité et recherche, et donc, de fait, ne peut être réservée qu'aux seuls jeunes ayant fui l'école... mais aussi que l'on peut être fier de pratiquer un métier, ce qui souvent permet de réussir dans la vie et, surtout, de réussir sa vie !

Une vitrine des savoir-faire

Ce sont 830 jeunes champions dans leur région qui ont participé aux finales, du 22 au 24 novembre 2012 à Clermont-Ferrand. À cette occasion, plus de 70 000 visiteurs de tous âges - et notamment de jeunes collégiens et lycéens de la région et des régions avoisinantes - ont pu découvrir plus de 50 métiers et ceux qui les pratiquent, ainsi que les possibilités offertes pour accéder à ces métiers. C'est donc une gigantesque vitrine des métiers et des savoirs mise à la disposition de ceux qui sont parfois en recherche d'une orientation. Et une formidable entreprise aux multiples métiers, résolument ouverte, offrant au grand public tout son savoir-faire et ses « savoir être ».

Nous avons, comme à l'habitude, pu observer à cette occasion l'esprit d'équipe régionale qui s'en dégageait, notamment lors des cérémonies d'ouverture et de clôture, dans la tradition olympique et dans le respect de tous, puisque ces compétitions sont avant tout pacifiques et fraternelles. À l'issue de cette compétition d'envergure nationale, l'équipe de France des métiers a été constituée, rassemblant tous les candidats ayant obtenu la médaille d'or dans leur métier au niveau régional. À l'instant même de sa constitution, les 45 membres de cette équipe de France ont fait corps alors qu'ils ne se connaissaient pas encore, pour réussir ensemble quelque chose de beau, quelque chose de grand, quelque chose qui, dans l'instant, les dépassait inévitablement.

C'est cette équipe dans son entièreté et dans son individualité qu'avec les coachs, les experts, l'équipe technique, les préparateurs physiques et mentaux, les chefs d'équipe, les entreprises et les centres de formation, nous, WorldSkills France, avons préparée pendant plus de six mois, afin que ces jeunes soient fin prêts pour le rendez-vous de Leipzig, à l'image de sportifs de haut niveau. Car il s'agit bien de cela pour eux, qui n'avaient jamais imaginé cette possibilité quelques mois auparavant ! Pourquoi cette métamorphose ?

L'alchimie de la rencontre

Il y a encore quelques mois, aucun de ces 45 membres de l'équipe de France n'avait toutes les dispositions préalables pour devenir le champion dans son métier : on ne naît pas champion de coiffure ou de maçonnerie, on le devient. Même si quelques éléments facilitateurs, tels qu'une lignée familiale dans le métier ou une pratique précoce dans tel ou tel domaine, ne sont pas étrangers à une magnifique réussite, la plupart du temps celle-ci est due à une rencontre entre quelqu'un qui sait quelque chose et accepte de le transmettre et quelqu'un qui veut apprendre et fait tout pour le recevoir : savante alchimie n'ayant pas toujours d'explication rationnelle. Ce qui est constant, c'est que ce quelqu'un qui souhaite apprendre ce quelque chose progressera d'autant plus vite qu'il sera encouragé dès ses premières réussites. Aussi, dans ce domaine comme dans bien d'autres, la réussite reconnue à sa juste valeur a le pouvoir d'accélérer l'apprentissage, la curiosité, la passion, l'envie d'en savoir plus et la volonté de faire mieux, toujours mieux : aucun des champions n'échappe, en ce domaine, à cette loi si simple qui, si elle était davantage intégrée, permettrait à de nombreux jeunes, et moins jeunes parfois, de se dépasser et de se passionner dans de nombreux domaines.

Le cercle vertueux prend la suite : la passion entraîne la réussite, réussite qui attire de nombreux passionnés et ainsi, en très peu de temps, mais avec beaucoup d'efforts personnels et parfois de privations, un jeune accède rapidement à l'excellence et au succès. Nous sommes loin d'une démarche élitiste qui ne servirait que quelques-uns, puisque cet élan est mis à la portée d'un grand nombre. En effet, l'effort personnel est important, mais l'est aussi la façon de se comporter face aux difficultés, qui ne manquent pas tout au long de cette fabuleuse histoire émanant d'une chaîne humaine. C'est cela qui a été mis à l'honneur dès le retour de l'équipe de France le 9 juillet par le président de la République, qui s'exprimait à l'Élysée devant les 45 membres et leurs experts : « Nous sommes convaincus que l'apprentissage, que la professionnalisation, que l'alternance sont de belles filières pour les jeunes. Nous avons tout intérêt, au niveau gouvernemental comme au niveau des métiers, à valoriser auprès des jeunes, mais aussi auprès des familles, l'intérêt de ces secteurs professionnels et de ces filières de formation. Parce qu'une chose est certaine : au-delà de la médaille que vous avez reçue, vous trouverez un emploi et un métier et vous allez en faire votre vie. Vous allez avoir cette fierté d'avoir été ainsi distingués, d'avoir été capables d'être le plus compétitifs possible. »

La France a obtenu 2 médailles d'or, 5 médailles d'argent, 1 médaille de bronze et 16 médailles d'excellence (candidats ayant obtenu plus de 500 points sur les 600 possibles), ce qui la classe au 8e rang des nations. L'aventure continue, puisque les prochaines sélections régionales auront lieu au printemps 2014 (les inscriptions sont d'ores et déjà ouvertes sur le site de WorldSkills France, www.worldskills-france.org). La compétition européenne EuroSkills se déroulera ensuite à Lille, les prochaines finales nationales à Strasbourg en janvier 2015, pour accéder à la compétition internationale en août 2015 à São Paulo, au Brésil. Puis ce sera EuroSkills en 2016 à Göteborg, en Suède, suivi de la compétition internationale d'Abu Dhabi en 2017 et enfin, nous l'espérons, à Paris en 2019, puisque la France se porte candidate, le chef de l'État en ayant fait la demande. Gageons que d'ici là, nombreux seront ceux qui auront intégré que la réussite d'une telle action peut permettre à un pays de devenir ou redevenir l'un des leaders sur le marché international tout en étant porteur de valeurs nécessaires pour une pleine réussite.

LES OLYMPIADES DE LEIPZIG EN CHIFFRES

  • 999 candidats issus de 53 pays
  • 46 métiers représentés
  • 969 experts internationaux
  • 252 interprètes
  • 160 sponsors
  • 800 bénévoles
  • 150 000 visiteurs
  • 49 millions d'euros de budget :
  • 22 millions provenant des instances fédérales et gouvernementales
  • 27 millions donnés par les sponsors
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