Claude GREFF


est députée UMP d'Indre-et-Loire, secrétaire de l'Assemblée nationale et de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation, vice-présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux Droits des femmes et à l'Égalité des chances entre les hommes et les femmes.

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Les femmes doivent être au cœur du débat

Dans le cadre de mes fonctions, j'ai écrit en 2008 un rapport sur les femmes et leur retraite, et j'ai souhaité mettre en avant les différents points et difficultés des retraites des femmes. Je vous propose de retrouver dans ce commentaire les grandes lignes qui me serviront à nouveau dans le futur débat sur l'avenir des retraites voulu par le président de la République, Nicolas Sarkozy.

En 2008, au moment où s'est ouvert le deuxième rendez-vous sur les retraites prévu par la loi Fillon de 2003, la délégation aux Droits des femmes a souhaité examiner plus particulièrement la question des pensions de retraite servies aux femmes. En effet, aux forts écarts existant entre les hommes et les femmes en matière de pensions de retraite s'ajoute la grande dispersion des retraites servies aux femmes, qui placent certaines d'entre elles dans des conditions économiques extrêmement précaires.

Sans méconnaître la nécessité de garantir dans la durée l'équilibre des régimes de retraite, des correctifs sont indispensables pour compenser certaines conséquences des carrières professionnelles des femmes et des inégalités professionnelles, ainsi que les effets des modalités de calcul des pensions.

On ne peut, en effet, se contenter d'attendre une amélioration des conditions d'emploi des femmes, qui ne sera que très lente, pour faire face aux difficultés qu'elles rencontrent. Le développement de l'activité féminine réduit les écarts de retraite entre les femmes et les hommes, mais n'a qu'un impact modéré sur le niveau des pensions qui leur sont servies, en raison des caractéristiques de l'emploi féminin.

Des écarts marqués entre les pensions

Les niveaux de pension des femmes sont bien inférieurs à ceux des hommes. En 2004, le montant moyen de retraite perçu par les femmes a été de 38 % inférieur à celui des hommes. Les avantages de droits directs acquis par les femmes en contrepartie de leur activité professionnelle ne représentent que 55 % de ceux des hommes.

De plus, les écarts sont très marqués entre les pensions versées aux femmes qui ont des carrières complètes (seulement une femme retraitée sur deux) et celles ayant eu des carrières incomplètes qui peuvent être très courtes. Les femmes qui, pour beaucoup d'entre elles, ont effectué de courtes carrières sont en conséquence contraintes de liquider plus tard leurs droits, afin d'éviter une diminution du montant de leur retraite. En effet, dans le régime général, le montant de la retraite non seulement est proportionnel au nombre de trimestres validés, mais, en cas de carrière incomplète, est amputé d'une décote si le départ a lieu avant 65 ans. Trois femmes sur dix doivent ainsi attendre l'âge de 65 ans pour compenser les effets d'une carrière incomplète et accéder au bénéfice du taux plein pour le calcul de leur pension, alors que les liquidations tardives concernent peu d'hommes.

L'amélioration liée au développement de l'activité féminine sera lente

La progression de l'activité professionnelle des femmes depuis les quarante dernières années s'est traduite dans l'évolution de leurs retraites. La part de la retraite acquise au titre d'une activité professionnelle (avantage de droit direct) est plus élevée pour les générations récentes : elle est aujourd'hui de 800 euros pour les 65-69 ans, contre seulement 600 pour celles âgées de plus de 85 ans.

Selon les indications fournies à la délégation par la direction de la Sécurité sociale lors de l'audition de son représentant, le rapport entre les pensions des femmes et des hommes s'améliore continûment. « L'écart s'est réduit de dix points entre la génération de 1936 et celle de 1944. En huit générations, l'évolution n'est pas négligeable. Pour autant, il est difficile de déterminer si l'on arrivera à la parité et à quel moment. »

Les écarts importants des pensions servies aux hommes et aux femmes devraient donc s'atténuer progressivement mais, selon les évaluations du Conseil d'orientation des retraites (COR), ils ne disparaîtront pas, « même pour les générations liquidant leurs droits en 2030 : le volume d'emploi féminin tend à plafonner, notamment à cause de la fréquence accrue du temps partiel, et les écarts salariaux entre hommes et femmes ont cessé de se réduire depuis le milieu des années 90. »

En effet, si le taux d'activité des femmes est en hausse depuis les années 1970 (il est passé de 58 % en 1975 à 82 % en 2006), il n'en va pas de même du nombre d'heures travaillées au cours de leur vie active.

Les enquêtes « Emploi du temps » montrent que, pour les générations actuellement actives, le temps de travail sur l'ensemble de la carrière est 1,7 fois plus élevé pour les hommes que pour les femmes. Combiné aux autres facteurs d'inégalité, il est un élément qui explique de façon persistante les écarts de pension entre les hommes et les femmes.

Pour les générations nées vers 1960, les pensions perçues par les hommes devraient être encore 1,7 fois plus élevées dans le secteur privé et 1,2 fois dans le secteur public. Se pose donc le problème des générations qui vont arriver à la retraite dans les dix à quinze ans à venir. On ne peut, à leur égard, se contenter d'attendre une amélioration de la situation professionnelle des femmes.

Des modes de calcul pénalisants

Les écarts de pension qui ont été soulignés sont, pour une grande part, le reflet des modalités de l'activité féminine et des inégalités professionnelles, tant en termes de salaire que de déroulement de carrière. Ils résultent aussi de modes de calcul qui s'avèrent particulièrement pénalisants pour les carrières accidentées, incomplètes, interrompues ou à temps partiel. Ces conséquences valent aussi bien pour les hommes que pour les femmes, mais dans la mesure où ces dernières ont plus souvent interrompu leur activité et travaillé à temps partiel (82 % des salariés à temps partiel sont des femmes), elles en subissent particulièrement les effets.

Plus d'une femme sur deux ayant pris sa retraite en 2006 a vu sa pension du régime général fixée au minimum contributif. Cela signifie que, bien qu'elle ait exercé une activité professionnelle, ses rémunérations ont été trop faibles pour qu'elle parvienne à un niveau de pension minimal de 633 euros mensuels, ou bien qu'elle n'a pas validé un nombre suffisant de trimestres pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein.

Les caractéristiques de l'emploi féminin retentissent fortement sur le niveau des retraites versées aux femmes, une activité professionnelle réduite ou interrompue se traduisant par la moindre constitution de droits. En 2004, seulement 41 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète, contre 86 % des hommes, c'est-à-dire moins de la moitié.

Le montant moyen de retraite acquis par les hommes en contrepartie de leur activité professionnelle (l'avantage principal de droit direct) est deux fois plus élevé que celui perçu par les femmes. Ce montant dépendant étroitement de la durée de la carrière qui permet ou non d'atteindre le taux plein, l'écart avec les hommes provient en fait de ce que les femmes ont cotisé moins longtemps.

Les raisons en sont multiples :

  • une entrée plus tardive des jeunes femmes dans la vie active en raison d'études plus poussées, mais pas seulement : elles mettent aussi plus longtemps que les jeunes hommes à obtenir un premier emploi ;
  • l'impact de la maternité sur l'activité professionnelle : lors d'une naissance, 22 % des femmes déclarent cesser leur activité ; plus d'une femme sur deux réduit son activité professionnelle ou l'interrompt au troisième enfant, cette « inactivité » se concentrant aujourd'hui dans les années de la petite enfance ;
  • la persistance des inégalités salariales, qui ne se réduisent plus depuis une vingtaine d'années, et les moindres progressions de carrière ;
  • l'activité à temps partiel.

Le niveau des pensions versées aux femmes subit de plein fouet les effets de la réforme de 1993, qui a à la fois allongé la durée de cotisation et accru le nombre d'années prises en compte pour calculer le salaire de référence. Le passage de 37,5 à 40 ans de cotisation pour bénéficier du taux plein de liquidation pénalise d'autant plus les femmes qu'elles ont, en moyenne, des carrières moins longues que les hommes, notamment en raison des interruptions d'activité liées à l'éducation des enfants. Il en est de même pour le calcul du salaire annuel moyen, qui s'opère désormais (par un allongement progressif de la période prise en compte) sur les 25 meilleures années, au lieu des 10 meilleures.

Plus la période de référence pour le calcul du salaire annuel moyen est longue, et plus cela aboutit à y inclure des années pendant lesquelles l'activité a été moindre, en raison d'interruptions de carrière ou d'activité à temps partiel. Là encore, les femmes sont plus pénalisées que les hommes.

L'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) permet à la personne qui cesse ou réduit son activité professionnelle pour s'occuper d'un ou plusieurs enfants d'accroître la durée d'assurance validée, mais les trimestres validés au titre de l'AVPF le sont sur la base du SMIC. L'allongement, de 10 à 25 ans, de la période de référence sur laquelle le salaire servant de base au calcul de la pension est évalué augmente nécessairement la probabilité de voir des années d'AVPF prises en compte. Pour certaines mères de famille, cela fera mécaniquement baisser le salaire moyen servant à fixer le montant de la pension.

Partager des droits à la retraite ?

Voilà quelques éléments de ma réflexion que vous trouverez dans mon rapport, mais aussi un certain nombre d'analyses et de chiffres pour donner toutes les bases nécessaires à votre analyse. Par la suite, j'ai déposé une proposition de loi 1 sur le partage des droits à la retraite entre ex-conjoints divorcés en faveur du parent au foyer. Effectivement, à la suite d'un divorce et lorsqu'elles parviennent à l'âge de la retraite, de nombreuses femmes se trouvent dans une situation économique difficile, en particulier si elles n'ont pas exercé d'activité professionnelle, ou l'ont interrompue pour élever leurs enfants.

Les droits à la retraite des mères de famille sont, en effet, très limités : il s'agit des droits acquis au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer, à condition que les ressources du ménage ne dépassent pas un certain plafond, ou bien après une adhésion volontaire à titre onéreux. Dans les deux cas, les droits qui en découlent sont généralement très insuffisants.

Au moment du divorce, les biens du couple sont partagés et une prestation compensatoire peut être fixée par le juge, mais il n'y a pas de partage systématique des droits à la retraite acquis par l'un des conjoints. En effet, l'article 271 du code civil dispose simplement que le juge, lorsqu'il fixe la prestation compensatoire, prend en considération, avec d'autres éléments, la situation respective des ex-époux en matière de pension de retraite.

Cette possibilité ouverte au juge s'avère, dans les faits, insuffisante à garantir un véritable partage des droits à la retraite qui viendrait compenser le fait que l'un des conjoints n'a pas exercé, ou a cessé d'exercer pendant la durée du mariage, une activité professionnelle pour s'occuper de l'éducation des enfants du couple. Cette proposition de loi vise donc à rendre le partage des droits personnels à la retraite des conjoints obligatoire, dès lors que l'un des ex-conjoints s'est trouvé dans cette situation.

La retraite des femmes est un point important qui devra être abordé dans la future réforme.

Je serai vigilante sur cette question.

  1. Proposition de loi tendant à partager les droits à la retraite entre ex-conjoints divorcés en faveur du parent au foyer (n° 1074, 22 juillet 2008).
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2010-2/les-femmes-doivent-etre-au-cœur-du-debat.html?item_id=3008
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