Président du directoire de Delta Dore.
« Former et faire connaître »
Pour un industriel engagé dans l'innovation, les principales difficultés résident dans la formation des installateurs et des distributeurs et l'information du client final, explique le président du groupe Delta Dore, spécialiste des solutions domotiques.
Quelle est l'importance du budget et des effectifs R & D pour votre entreprise ?
Marcel Torrents. L'innovation est dans l'ADN de notre groupe depuis sa création dans les années 1970, il y a quarante-cinq ans. Aujourd'hui, nous consacrons 10 % de notre chiffre d'affaires à l'innovation, c'est le double de la moyenne du secteur. En termes d'effectif, cela représente environ 150 personnes sur les 820 salariés du groupe. C'est un investissement très important.
La réglementation constitue-t-elle un frein à votre capacité d'innovation technique ?
Au contraire, la réglementation est pour nous une véritable opportunité. Elle pousse les marchés à bouger, trouver des solutions. Il ne faut pas pour autant fonder notre innovation uniquement sur la réglementation. C'est aussi à nous, industriels, de participer activement à la définition des normes et des réglementations. Notre présence dans les syndicats professionnels est l'illustration de notre volonté d'engagement dans ces actions.
Lorsque vous décidez de commercialiser un nouveau produit, quelles difficultés rencontrez-vous ?
La plus importante est la formation de notre filière, qui doit appréhender l'innovation du produit et les nouvelles technologies qui s'y rapportent. Ensuite, c'est de faire connaître le produit auprès des consommateurs et de toute la filière, tant pour le neuf que pour l'existant.
Le « faire connaître » reste, en effet, un enjeu majeur, car nous vendons via la filière professionnelle et chaque acteur doit être formé et informé afin de bien promouvoir la nouveauté. Delta Dore a créé son pôle de formation il y a vingt ans (D2F). Il compte aujourd'hui trois formateurs, supervisés par un concepteur pédagogique. Et en 2014, plus de 1 000 personnes ont suivi un programme de notre centre de formation en France ou à l'étranger.
Il s'agit d'un choix stratégique d'accompagnement et de montée en compétences de nos clients installateurs et distributeurs, sachant qu'il nous faut également informer le particulier, notre client final.
La capacité de mise en oeuvre de vos produits par les entreprises de bâtiment constitue-t-elle un frein au développement de certaines de vos innovations techniques ?
Non, les entreprises ont toutes la capacité de mettre en oeuvre nos produits. Les phases de conception en amont sont faites en collaboration avec elles afin de prendre en compte leurs problématiques, qu'elles soient liées à la pose ou à l'intégration de nos produits. L'accompagnement que nous leur proposons avec nos formations, nos équipes de terrain et nos centres d'appels est essentiel pour assister ces professionnels lors des phases de lancement de nouvelles offres.
Et le client final ? Est-il lui aussi un frein à l'innovation ou, au contraire, sa demande vous pousse-t-elle à aller plus loin dans l'innovation afin de la rendre le plus ergonomique possible ?
Les accès à l'information sont de plus en plus faciles et rapides, ce qui va rendre nos clients finaux plus à l'écoute de l'innovation. Les nouvelles générations ont migré vers le monde numérique depuis quelques années. Nous sommes dans un environnement dans lequel on change de produit par envie de changer plus que par nécessité. Les anciennes générations changeaient parce que le produit ne fonctionnait plus. Désormais, le plaisir d'avoir une nouveauté est plus fort que tout.
Nous favorisons cette envie de changer par une politique d'information du consommateur très poussée : un nouveau site Web tourné vers le grand public, une campagne publicitaire sur les chaînes de télévision nationales, l'ouverture à Rennes de notre premier « concept home », un espace interactif pour découvrir le monde de la maison connectée, etc.
Et, en parallèle, nous accompagnons les professionnels pour répondre à cette demande. C'est une fois de plus la formation qui est la pierre angulaire de la réussite d'un nouveau produit.
Quid des capacités financières des particuliers ?
Le nouveau consommateur détermine plus ses achats par sa pulsion que par son budget, comme pour les smartphones, par exemple. Il nous appartient de promouvoir des offres qui correspondent aux besoins des clients, au prix qu'ils peuvent payer. C'est pourquoi nous sortons nos produits avec plusieurs niveaux de performances pour s'adapter aux ressources de chacun.
Par exemple, notre nouvelle solution domotique Tydom est disponible en trois versions, 1.0, 2.0 et 3.0, avec un prix à partir de 119 euros. C'est une solution évolutive qui permet de piloter les équipements de la maison déjà installés et les nouveaux qui apparaissent progressivement. Nous nous adaptons ainsi au rythme d'évolution du foyer.
La compatibilité de vos systèmes avec ceux d'autres fabricants est-elle une difficulté supplémentaire ?
La difficulté est réelle pour nos clients, mais elle constitue une opportunité pour notre offre.
La fidélité est un atout puissant sur le marché, il suffit de regarder l'exemple d'Apple. C'est une réalité que nous prenons en compte en développant des produits pouvant s'adapter au maximum d'équipements possibles, car les clients sont déjà équipés et ne veulent pas tout changer.
La normalisation vous semble-t-elle « bien calibrée » ?
La normalisation peut être un frein si elle limite l'innovation et la capacité à piloter les équipements des autres. Mais il faut bien comprendre l'importance de la compatibilité avec les équipements existants et développer des « passerelles » de connexion avec ces équipements. Delta Dore le fait de plus en plus afin d'apporter une compatibilité avec l'équipement en place des clients.
Je prendrai pour exemple la réglementation thermique 2012 (RT 2012) : les réflexions menées en collaboration avec les industriels du chauffage ont été essentielles pour proposer au marché une solution packagée et optimisée.
Delta Dore participe activement également au consortium Confluens, qui a pour objectif de permettre aux industriels du tour de table de pouvoir interagir sur leurs équipements. Depuis 2013, le projet a avancé et un métalangage permettant de passer des ordres simples d'un produit à l'autre devrait voir le jour en fin d'année.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2015-6/«-nbspformer-et-faire-connaitre-nbsp».html?item_id=3482
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