Pierre DAVEZAC

Directeur général de L'Aigle, fondateur d'Exhauss (exosquelettes d'assistance au travail).

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L'exosquelette pour augmenter le professionnel du bâtiment

Équipement d'assistance à l'effort destiné notamment au secteur du bâtiment, l'exosquelette mécanique est l'un des marchés qui naissent aujourd'hui.

En quoi consiste un exosquelette mécanique ?

Pierre Davezac. Il s'agit d'un squelette extérieur au corps humain, une structure mécanique, électromécanique ou mécatronique qui double le corps de l'opérateur et lui donne des facultés qu'il n'a pas ou plus. L'un des principes fondamentaux de nos exosquelettes est l'isoélasticité. C'est-à-dire la faculté qu'ont leur « exobras » de développer un effort quasi constant sur toute leur course, de haut en bas. Si bien qu'un poids de 25 kilos ne paraît que 400 grammes dans les mains de l'opérateur.

Un autre principe fondamental est la concentration des efforts sur la partie la plus robuste du corps que sont les jambes, et la préservation des parties les plus fragiles et les plus faibles, respectivement dos et bras. Il existe plusieurs programmes de R&D en matière d'exosquelettes dans le monde.

Ces programmes sont presque tous en phase de laboratoire et reposent sur des technologies encore immatures. Nous sommes les premiers dans le monde en phase commerciale et notre approche est pragmatique, réaliste et mature.

Fabricant de stabilisateurs de caméra, vous vous êtes développé dans les exosquelettes d'assistance à l'effort et êtes devenu le premier fabricant français. Comment êtes-vous passé des uns aux autres et pourquoi ?

À vrai dire, nos stabilisateurs de caméras d'il y a douze ans étaient déjà des exosquelettes qui n'en portaient pas encore le nom ! Le passage de l'un à l'autre fut un relais de croissance logique et naturel. Nous nous sommes dit : pourquoi ne pas aider d'autres professionnels que ceux du secteur du cinéma à porter autre chose que des caméras de 40 kilos ?

Et au même moment, nous avons commencé à recevoir des appels de professionnels qui avaient l'intuition que ce type d'appareils pourrait faciliter le travail de leurs salariés. Principalement des industriels, comme Latécoère, par exemple, mais aussi des entrepreneurs de bâtiment, comme ce couvreur qui voulait aider ses employés à porter des tuiles.

Quel type d'assistance à l'effort les exosquelettes peuvent-ils apporter ? À quels professionnels ? Peuvent-ils avoir des applications médicales ou militaires également ?

Nos exosquelettes délivrent une assistance au soulèvement, aujourd'hui 25 kilos, mais 50, 70 ou 100 kilos dès lors que des exojambes se rajouteront aux exobras. En revanche, nos « exos » ne fournissent pas d'aide à la poussée ni à la traction.

Les entreprises de BTP ont été nos premiers clients, car les contraintes physiques sont importantes dans ce secteur et l'utilisation d'appareils électroportatifs lourds y est répandue. Nos modèles de catalogue trouvent des applications immédiates. Le développement d'une clientèle dans l'industrie est plus récent et en est au stade des projets pilotes. Pour le moment, ces entreprises ne communiquent pas sur leur utilisation de l'exosquelette. Il faudra attendre que quelques grands pionniers ouvrent la voie et permettent aux autres de les suivre !

Le militaire est effectivement un secteur de développement potentiel. L'armée française travaille pour l'heure sur une assistance au déplacement des fantassins avec un paquetage de 40 kilos sur le dos. Nous pourrions leur fournir des solutions pour l'aide à la manipulation d'armes de combat. Quant au domaine médical, on imagine bien ce que nos exosquelettes pourraient apporter à des chirurgiens qui doivent opérer avec les mains levées souvent pendant plusieurs heures d'affilée...

Quels progrès technologiques entrevoyez-vous pour vos matériels ?

Nous avons deux programmes de développement en cours et beaucoup d'autres à suivre. Premièrement, nous allons continuer à nous concentrer sur des structures mécaniques robustes et à l'épreuve du terrain, mais en y ajoutant de l'« intelligence » afin que l'exosquelette s'adapte automatiquement à ce que fait l'opérateur et collabore avec lui. Une carte électronique associée à des capteurs et des moteurs permettra de régler rapidement sa capacité de charge et son fonctionnement sera très intuitif.

Seconde évolution : pour le moment, nos exosquelettes ne protègent que le haut du corps, nous allons donc leur ajouter des « jambes ». L'opérateur deviendra un pilote à l'intérieur de l'exosquelette et son corps ne subira quasiment plus de contraintes.

Parallèlement à ces deux grandes évolutions, l'allégement de nos exosquelettes - ils pèsent environ 5 kilos actuellement - va se poursuivre, ainsi que leur miniaturisation. À terme, nous allons vers quelque chose qui ressemblera à un vêtement comme un autre, un « exosquelette de tous les jours » en quelque sorte, qui permettra à n'importe quel consommateur de transporter sans peine ses courses ou ses cartons de déménagement.

Vos exosquelettes Exhauss ont reçu le Prix d'excellence en équipement de prévention de la Fondation Excellence SMA BTP. Comment répondez-vous à la demande du bâtiment ?

Nous effectuons un travail d'adaptation au cas par cas, en fonction des demandes qui nous sont adressées. Nous avons ainsi développé une interface pivotante pour permettre à un ouvrier de porter de l'outillage électroportatif et de l'utiliser dans tous les sens. Nous avons aussi travaillé sur les travaux de ponçage au plafond, en particulier sur une interface aux triceps et non à l'avant-bras ou à la main, ce qui rend le travail moins difficile et réduit les risques de troubles musculo-squelettiques.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2015-11/l-exosquelette-pour-augmenter-le-professionnel-du-batiment.html?item_id=3501
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