© Fabienne Ribaut

Marc PIGEON

est président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

Bruno LUCAS

Chef d’entreprise, président de Foncière logement, président de la commission économique de la Fédération Française du Bâtiment.

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Les réactions des professionnels

Bruno Lucas : « Le 1 % doit revenir au service des salariés »

Action Logement est un formidable outil, fruit de la contribution volontaire des entreprises au logement de leurs salariés. Aujourd'hui réformé, le système est menacé d'une véritable spoliation par l'État, qui décide en lieu et place des partenaires sociaux.

 Je voudrais vous citer des exemples dans mon entreprise. Lorsqu'à Laval, qui n'est pas vraiment une zone tendue en termes de logement, un jeune primo-accédant cherche à acquérir son logement, mon premier réflexe est de le diriger vers le CIL local. À Angers, zone un peu plus tendue, si un compagnon vient me voir pour chercher du locatif social, je l'envoie vers les deux grandes ESH (entreprises sociales de l'habitat). Si un conducteur de travaux veut un logement un peu plus grand, je l'adresse à Foncière Logement. Dans ces trois cas, le fil conducteur, c'est Action Logement, c'est notre famille, le fameux 1 %. À travers Action Logement, l'ensemble des entreprises s'engagent pour le logement des salariés et jouent ainsi un rôle sociétal tout en concourant à leur compétitivité.

Action Logement en danger

Le logement est, en effet, un des principaux obstacles à l'emploi : obstacle à la mobilité, mais aussi à l'insertion. C'est pourquoi nos outils doivent évoluer. Aujourd'hui, 750 000 familles bénéficient des actions du 1 %. Or, cette contribution volontaire est en danger. D'aucuns pourraient voir dans ce risque de disparition un moyen de réaliser des économies et de diminuer les charges. Ce serait une erreur : si demain nous abandonnons cette gestion, d'autres ont la velléité de la faire à notre place. Il y a déjà eu un certain nombre de ponctions ces derniers temps qui mettent gravement en danger cet outil. En finançant l'Anah, on peut dire que le bâtiment s'y retrouve un petit peu, mais enfin, est-ce à nous de financer nos clients ? On finance aussi l'Anru, et si on loge des salariés dans les quartiers concernés, alors qu'on devait ne financer qu'en partie (50/50) ce type de logement, on y concourt sans doute à 95 %. Il nous semble, comme aux partenaires sociaux, que l'État nous spolie.

Action Logement est un outil majeur qui construit plus de 60 000 logements par an. C'est aussi l'accession sociale, pensez aux retraites, à l'évolution des caisses de retraites à travers Foncière Logement, mais surtout à l'avantage d'un salarié qui est propriétaire lorsqu'il prend sa retraite ! Certes, le système est perfectible. Il a déjà été réformé. La FFB a mis en place une doctrine, fixé des orientations pour une meilleure relation avec l'ensemble des utilisateurs, pour les zones tendues et pour réaliser des économies d'échelle.

Se réapproprier la gestion

Mener une véritable gestion paritaire, cela veut-il dire être deux ? Non, il faut admettre d'être trois, avec l'État et les collectivités territoriales. Toutefois la tendance, lourde depuis quelques mois sinon quelques années, c'est que l'État décide des orientations à notre place.

Nous avons un outil, à nous de le défendre. La FFB a des propositions dans ce sens pour qu'il revienne au service des salariés et des entreprises. Des accords nationaux interprofessionnels ont été signés. Ils doivent être appliqués. En règle générale, si on nous fixe des objectifs, nous, chefs d'entreprise, savons optimiser les moyens pour les réaliser et comment satisfaire la demande.

On sait faire, donc laissez-nous faire !

Marc Pigeon : « On ne pourra pas se passer l'investissement privé »

Pour permettre aux Français de choisir leur parcours résidentiel, il faut construire massivement des logements sociaux et intermédiaires mais aussi pérenniser un dispositif fiscal pour encourager le financement privé du logement.

Parler d'insécurité réglementaire, cela veut dire que la règle qui est fixée aujourd'hui ne sera probablement plus la même demain et sera peut-être supprimée après-demain. Prenez le dispositif Scellier : il avait été conçu comme un élément du plan de relance, censé s'appliquer pendant quatre ans. Pourtant, on l'a modifié chaque année ! On ne peut pas imaginer dans ces conditions que les entreprises et les investisseurs puissent organiser leurs choix patrimoniaux ou leurs structures dans le long terme.

Pouvoir choisir son logement me semble important. Il n'y a pas de destinée en tant que locataire ou que propriétaire. Il y a des moments dans la vie où, lorsque vous êtes étudiant, vous êtes plutôt locataire, puis vous avez une famille, des enfants qui préféreront la propriété, peut-être un jardin, ou un appartement et puis, peut-être qu'après, vous redeviendrez locataire. Je crois qu'il y a une diversité à proposer. Il n'y a pas de choix à faire pour les autres. Il faut offrir aux citoyens et aux ménages français la possibilité de décider.

Construire massivement des logements

Aujourd'hui, le logement représente en moyenne 25 % du budget des ménages et, pour les locataires, plus de 30 %, soit autant que l'alimentation et les transports réunis : c'est considérable. Il est donc normal de s'en préoccuper. Or, le diagnostic est que le logement pèse trop lourd. Dans le secteur locatif, il y a un écart considérable entre le parc social et le parc privé. Nous devons donc agir dans un axe précis. L'idéal serait que l'on ait un logement décent pour chacun, mais aussi que l'on permette un parcours résidentiel aux Français. Il faut donc massivement construire des logements sociaux et des logements intermédiaires.

Pérenniser la fiscalité du locatif privé

La FFB propose de définir une fiscalité de droit commun attractive pour le locatif privé. Cela me va bien pour deux raisons. La première, c'est que cette proposition vise la pérennité, parce que le mot « niche » devient agaçant. Quand vous demandez aux candidats à la présidentielle « Où allez-vous faire des économies ? », tous répondent « Dans les niches »... Lesquelles ? On ne vous le dit pas trop. Ce mot « niche » est une nouvelle sémantique. Il y a trois ans, cela s'appelait « un encouragement pour l'investissement locatif », moyen qui a permis d'avoir des loyers stabilisés. Donc cela m'intéresse ! Imaginez-vous que le système d'amortissement qui est proposé est celui dont s'était inspiré Pierre-André Périssol, à partir du système allemand qui, lui, est encore en vigueur aujourd'hui sans avoir jamais été transformé. En France, le dispositif que Pierre-André Périssol avait mis en place en 1996 a été modifié dix fois depuis !

Ensuite, il est proposé de donner un avantage supplémentaire pour les ménages à revenus moyens et intermédiaires. Cela va également dans la bonne direction.

Vous avez entendu les collectivités locales dire qu'elles n'auront plus de financements. Dans ces conditions, comment financer la politique du logement. ? On ne pourra pas se passer de l'investissement privé, que ce soit pour l'accession à la propriété ou l'investissement locatif. On s'aperçoit que ce sont les propriétaires privés qui réclament presque le moins de rentabilité parce qu'ils aiment la pierre et veulent laisser un patrimoine à leurs enfants. Donc, il faudra de l'investissement privé. Il faudra un dispositif ciblé, parce qu'on n'aura pas suffisamment d'argent pour faire un plan Marshall. Et d'ailleurs, en aurait-on besoin ?

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-3/les-reactions-des-professionnels.html?item_id=3167
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