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Les propositions de la FFB

1. Définir une fiscalité de droit commun attractive pour le locatif privé.
2. Restaurer le 1 % dans sa fonction première, le logement des salariés.

La « crise du logement » fait la une de tous les médias. Elle s'invite dans la campagne électorale. Nul aujourd'hui ne peut nier, ni occulter, les formidables progrès faits depuis 1954 dans les conditions de logement de nos concitoyens. Nos logements, aujourd'hui, sont de bien meilleure qualité, plus vastes et occupés par un nombre toujours moindre de personnes. Le taux de propriétaires occupants ne cesse de croître. Et c'est en France que le stock de logements, rapporté à la population, est le plus élevé parmi les pays d'Europe de l'Ouest.

Pour autant, la réalité et le sentiment d'une « crise » protéiforme du logement s'imposent, sous les effets de quatre facteurs :

  • la progression des taux d'effort, due à l'envolée des prix immobiliers et surtout à la déconnexion croissante entre les prix des loyers et les revenus d'une large fraction de la population, les plus fragiles en particulier (jeunes, faibles revenus, etc.) ;
  • la pression de la démographie. Notre pays connaît une forte croissance de la population (solde migratoire et fécondité), mais aussi, et de façon plus marquée encore, du nombre de ménages (décohabitation). Une évaluation des besoins annuels compris entre 400 000 et 450 000 logements est aujourd'hui reconnue par tous ;
  • l'existence d'un nombre toujours important de ménages mal logés et non logés. Le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement met en lumière l'importance des populations en incapacité, soit d'accéder à un logement autonome, soit de se loger dans un logement de qualité décente ;
  • la pression géographiquement concentrée, du fait de la mobilité des populations et de la tendance toujours très forte à la métropolisation. Or, c'est précisément dans ces zones que les prix se révèlent les plus élevés, ce qui génère frustrations, pénuries localisées fortement ressenties, migrations quotidiennes de salariés en nombre toujours croissant et, enfin, périurbanisation accélérée.

Les acquis des politiques menées s'avèrent tout aussi indéniables, tant au plan quantitatif que qualitatif. Il reste que le débat fait rage autour d'un nombre élevé de propositions, touchant pêle-mêle et de façon non limitative 1 :

  • à la gouvernance des politiques et au poids des collectivités locales ;
  • au soutien à l'investissement locatif privé, en étroite relation avec le sujet de l'épargne retraite ;
  • au devenir d'Action Logement ;
  • au soutien à la primo-accession et au souhaitable et/ou nécessaire recentrage des aides sur le neuf ;
  • à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement et au poids à donner à l'incitation versus l'obligation ;
  • à la mobilisation du patrimoine pour financer les politiques d'investissement en secteur HLM, mais pas exclusivement ;
  • au développement de l'offre sociale, tant sur le secteur du logement ordinaire que de l'hébergement.

Sur tous ces points, la FFB avance des propositions concrètes. Elle entend toutefois mettre l'accent sur deux points prioritaires :

  • le premier a trait à l'indispensable soutien du développement de l'offre locative privée. L'accroissement du parc HLM constitue, à l'évidence, une réponse aux besoins en ce domaine, mais cette production n'y suffira pas ;
  • le second concerne la sauvegarde du circuit privilégié qu'est Action Logement. Souvent vilipendé dans les médias, régulièrement ponctionné par les pouvoirs publics pour couvrir les dépenses budgétaires sans que cela donne satisfaction aux agences concernées, l'ex-1 % logement est à la croisée des chemins. Il faut lui redonner les moyens de sa mission !

Une fiscalité attractive pour le locatif privé

Avec de l'ordre de 65 000 mises en chantier en 2011, l'investissement locatif privé des ménages s'inscrit comme une composante importante de l'activité du bâtiment. Le dispositif Scellier, qui permet depuis 2009 à un investisseur d'acquérir un bien locatif neuf en contrepartie d'une réduction d'impôt, s'éteindra le 31 décembre 2012 sans dispositif de remplacement, au risque de faire fuir une partie des investisseurs vers d'autres natures de placements. Pour ne pas casser le marché de l'investissement locatif neuf, mais également pour donner un nouvel élan à l'investissement locatif dans l'ancien, il apparaît essentiel de réformer dans sa globalité la fiscalité immobilière des bailleurs-personnes physiques, en proposant un dispositif clair et homogène à l'ensemble des marchés.

De fait, les aides fiscales, souvent qualifiées avec une connotation péjorative de « niches », font l'objet de critiques récurrentes au nom d'un coût jugé prohibitif pour l'État. Mais cette vision est pour le moins réductrice, car c'est justement parce que les règles générales de la fiscalité s'avèrent très pénalisantes qu'il est nécessaire de disposer de dispositifs dérogatoires pour permettre l'intervention d'investisseurs sur ce marché.

Alors que la convergence franco-allemande devient aujourd'hui un leitmotiv, le système fiscal appliqué à l'immobilier locatif outre-Rhin apparaît comme équilibré et sans « niche » fiscale. De fait, il est construit autour de trois grands principes :

  • un amortissement du bâti et des éventuels gros travaux de 2 % l'an (pour le logement conventionné avec plafond de loyer, l'amortissement est même plus élevé) ;
  • la déductibilité sans limites sur le revenu global positif des intérêts d'emprunt, des petits travaux et des charges locatives ;
  • une exonération de la taxation de la plus-value (égale au prix de vente diminué du prix d'achat, différence à laquelle on réintègre le montant total des amortissements déduits pendant la durée de détention du bien 2 au-delà de la loi commune de détention de dix ans.

Pour une durée de détention inférieure à dix ans, le régime est moins favorable qu'en France, compte tenu d'une taxation de la plus-value sans aucun abattement à l'impôt sur le revenu. Pour mémoire, en France, la plus-value est aujourd'hui imposée au prélèvement libératoire majoré des prélèvements sociaux, et un abattement est pratiqué à compter d'une durée de détention du bien de cinq années.

Écart de TRI entre le régime fiscal allemand3 et le régime fiscal français pour un bien type situé en zone A 4

Écart de TRI entre le régime fiscal allemand et le régime fiscal français pour un bien type situé en zone A

La comparaison, en termes de taux de rentabilité interne (TRI) pour l'investisseur, des régimes français et allemand (voir tableau ci-dessus) débouche sur quatre réflexions majeures.

  1. Un régime fiscal, en secteur libre 5, calqué sur le modèle allemand, offrirait une rentabilité moins élevée que le régime Scellier actuel (réduction d'impôt de 13 % sur neuf ans). Pour autant, cette rentabilité ne serait pas confiscatoire pour l'investisseur (le TRI réel ressort, en moyenne, à 3 % dans ce cas).
  2. Dans le même cadre, un taux d'amortissement plus élevé 6 en secteur intermédiaire assurerait une rentabilité proche d'un Scellier, avec une réduction d'impôt de 21 % sur quinze ans. Cette approche répondrait donc au triple objectif d'un produit suffisamment attractif, à loyer accessible et non dispendieux pour les finances publiques. C'est pourquoi nous privilégions cette option, tout en reconnaissant que la question du calibrage des paramètres renvoie à de nombreux arbitrages.
  3. Les régimes fiscaux français et allemand se valent sur le marché de l'ancien.
  4. Dans un contexte fiscal adapté assurant une rentabilité suffisante, tel que le serait la transposition du régime allemand, il devient logique de réprimer les abus en matière de loyer. Il ne s'agirait pas, à l'instar des « miroirs de loyers » allemands, d'encadrer ou de limiter arbitrairement ceux-ci, mais d'éviter les dérives.

Restaurer le 1 % dans sa fonction première, le logement des salariés

La participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) ne répond plus à son objet et sa pérennité est menacée. Pourtant, la multiplication d'initiatives autonomes d'entreprises souligne largement l'originalité de ces actions dans le domaine du logement.

Or, les orientations très sociales et les multiples ponctions opérées par l'État 7 ne permettent plus à Action Logement de répondre à ces attentes. Cette perte de substance et de capacité à répondre aux besoins des entreprises et de leurs salariés pénalise finalement l'emploi.

Au total, la réforme de 2009 qui a renforcé le contrôle de l'État sur l'utilisation des fonds apparaît comme un échec. Les prélèvements opérés déstabilisent Action Logement sans satisfaire les besoins des agences bénéficiaires. Le recours à des décrets concernant les emplois des fonds pour une période triennale génère bien des blocages et des lourdeurs. Aussi, alors que la concertation a de facto cessé depuis fin juillet 2011, les collecteurs sont toujours dans l'attente, début février 2012, du document officiel pour la période 2012-2014 !

Il importe donc de revenir au plus vite sur le déséquilibre instauré par la loi Molle de 2009, afin de redonner à Action Logement la capacité à répondre aux besoins des entreprises, notamment :

  • en facilitant l'accès des jeunes à un emploi via l'accès au logement, ce qui suppose en particulier la fusion de la garantie des risques locatifs (GRL) et de la garantie loyers impayés (GLI), ainsi que le développement de partenariats avec les entreprises qui pourraient abonder le fonds pour accroître les droits de leurs salariés au-delà du tronc commun ;
  • en favorisant la mobilité professionnelle au travers de la mobilité résidentielle, y compris via l'accession à la propriété ; 
  • en développant l'offre de nouveaux logements dans le parc HLM, en priorité, mais également en secteur intermédiaire, principalement en zone très tendue ;
  • en garantissant le financement et la mise en œuvre de la politique de rénovation urbaine, ce qui suppose, d'une part, un retour du financement à parité État/Action Logement à un niveau raisonnable de 1 milliard d'euros par an, soit 500 millions chacun et, d'autre part, un arrêt total des ponctions au profit de l'Anah.

Les partenaires sociaux ont une véritable légitimité pour s'impliquer dans le logement des salariés et dans la conduite d'Action Logement. Le Conseil d'État a largement souligné cette légitimité et ce savoir-faire dans son rapport public de 2009 intitulé « Droit au logement, droit du logement ». Cette légitimité doit opérer dans le respect de deux autres légitimités :

  • celle de l'État, partenaire incontournable, mais dont l'action et les ambitions doivent s'appliquer non plus dans le cadre de décrets-emplois, mais dans un cadre conventionnel comme ce fut le cas avant 2009 ;
  • celle des collectivités territoriales en général, et de l'intercommunalité en particulier, acteurs incontournables de la mise en œuvre des politiques locales, clés de l'habitat. C'est d'ailleurs pourquoi Action Logement souhaitait s'impliquer davantage dans l'élaboration et la mise en œuvre de ces politiques.

Les partenaires sociaux ont déjà entamé un processus de remise à plat et avancé des propositions dans le cadre de négociations ouvertes en janvier 2012, en vue de la signature d'un accord national interprofessionnel (ANI), dans le prolongement des deux ANI du 8 juillet 2009 et du 29 avril 2011 sur le logement des jeunes. Les pistes de réflexion évoquées portent à la fois sur la remise à plat des emplois et sur « l'achèvement » de la rénovation profonde d'Action Logement, tant dans son organisation générale que dans sa gouvernance.

La FFB, comme l'ensemble des partenaires, a conscience que ces propositions, en particulier sur le volet budgétaire, ne pourront se mettre en place que progressivement. C'est pourquoi elle milite pour l'engagement d'une politique de valorisation des actifs et d'une stratégie d'Action Logement (y compris via une ponction du patrimoine foncier) afin de trouver les financements complémentaires nécessaires à la mise en œuvre d'un programme ambitieux en faveur de l'emploi. Il faut voir là une politique de crise tout aussi justifiée que la vente maîtrisée dans le parc HLM.

À défaut de la mise en œuvre de ce programme, il paraîtrait logique que l'État tire les conclusions de la perte de spécificité de la PEEC au taux de 0,45 % et procède carrément à sa suppression. Une telle option s'inscrirait toutefois au rebours de sa volonté affichée de renforcer le dialogue et la démocratie sociale.

  1. On ne parle pas dans cette section de la question du foncier.
  2. Autrement dit, cette plus-value est égale au prix de vente diminué de la valeur nette comptable du bien, soit le prix d'achat dont on défalque les amortissements pratiqués pendant la durée de détention.
  3. Parce qu'ils ne relèvent pas de la fiscalité immobilière proprement dite, on a volontairement intégré les prélèvements sociaux appliqués en France dans le système allemand. Il faut d'ailleurs noter qu'en Europe, seule la France soumet les revenus de l'épargne à des prélèvements sociaux spécifiques.
  4. Les écarts restent très proches si le bien est localisé en zone A bis ou B 1.
  5. Amortissement de 2 % par an pendant cinquante ans.
  6. Amortissement de 10 % par an les cinq premières années de détention, de 7 % par an les cinq années suivantes, puis de 3,33 % par an sur la valeur restante. On a considéré ici des plafonds de loyer mensuel (hors charges) au m² de 14 euros en zone A bis, 12 euros en zone A et 10 euros en zone B 1. À titre de comparaison, pour ces mêmes zones, les loyers plafond au m² devraient s'élever (texte officiel en attente de publication) à respectivement 17,66 euros, 13,10 euros et 10,58 euros en Scellier intermédiaire, et à 12,57 euros, 9,67 euros et 8,33 euros en PLS.
  7. Les prélèvements opérés par l'État pour le financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), soit 1,3 milliard d'euros au cours de la période 2009-2011, 1,2 milliard d'euros pour 2012, 1,1 milliard d'euros pour 2013 et 0,95 milliard d'euros pour 2014, fragilisent le dispositif au point de mettre en jeu sa subsistance même. Ces prélèvements et d'autres emplois en subventions ou quasi-subventions pèsent négativement sur la valeur des retours sur prêt qui fondent comme neige au soleil, ce qui conduit à renoncer à certains emplois, comme Foncière Logement.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-3/les-propositions-de-la-ffb.html?item_id=3163
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