Jean-Francois ROUBAUD

est président de la CGPME.

Laurence PARISOT

est présidente du Medef.

Partage

Les points de vue de l'interprofession

Laurence Parisot : « Libérer l'offre de foncier constructible »

Quel rôle devrait jouer Action Logement pour répondre aux difficultés de logement des salariés ?

Laurence Parisot. Aujourd'hui, la priorité c'est de faire baisser le chômage. Il est donc nécessaire de faciliter l'accès au logement pour favoriser l'accès à l'emploi et de créer les conditions pour que les difficultés de logement ne soient pas un obstacle à la mobilité professionnelle.

C'est parce que ces difficultés touchent particulièrement les jeunes générations qu'il y a quelques mois, les partenaires sociaux ont signé un accord sur le logement, dans le cadre d'une grande négociation sur l'emploi des jeunes. Aujourd'hui, une nouvelle négociation sur le logement est engagée afin de recentrer l'affectation des ressources d'Action Logement sur la satisfaction des besoins des entreprises et des salariés, en lien avec l'emploi.

L'investissement dans l'immobilier non résidentiel correspond-il à un réel besoin en France ?

Ce type d'investissement incarne à la fois le développement et la compétitivité d'une entreprise, facteur de croissance économique, et le progrès dans la qualité de vie au sein d'une société. À ce jour, c'est sans doute dans le secteur de l'immobilier que le Grenelle de l'environnement s'est traduit par les résultats les plus remarquables.

Ceci dit, afin de soutenir l'ensemble de l'économie, en particulier le développement des PME et l'essor des entreprises de taille intermédiaire, il faut impérativement drainer l'épargne de façon harmonieuse vers l'ensemble des secteurs économiques de notre pays.

Que faire pour faciliter l'investissement ?

Afin de faciliter le financement à long terme des investissements des entreprises comme des particuliers, il faut mettre en œuvre rapidement des mesures pour pallier les effets négatifs des normes prudentielles Bâle III et Solvabilité II. Cela signifie : définir des règles prudentielles et des normes comptables spécifiques susceptibles de favoriser les placements longs, mettre en place une politique fiscale favorable à la détention d'actions et d'obligations sur le long terme et développer des modes alternatifs au financement bancaire à destination des PME et des entreprises de taille intermédiaire.

Quel jugement portez-vous sur les programmes des candidats à la présidentielle ?

Nous saluons toutes les mesures tendant à l'assainissement des finances publiques, en privilégiant la réduction des dépenses plutôt que la hausse des prélèvements, mais aussi celles qui concourent à l'allègement des prélèvements sur le travail, au développement des TPE/PME, des marchés du futur et de l'investissement dans la recherche et l'innovation. Il nous paraît par ailleurs indispensable de réformer l'assurance maladie et de poursuivre la réforme des retraites.

Concernant plus directement l'immobilier, la bonne nouvelle, c'est que le logement a l'air d'être un thème de campagne. Espérons que cela le restera au moins jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle ! Cette question est fondamentale pour l'emploi et la relance de l'une des activités les plus importantes de notre pays sur le plan économique et social. Les propositions actuellement exprimées par les candidats me semblent mériter d'être précisées.

Aujourd'hui, le problème numéro un est qu'il existe, dans les principaux bassins d'emploi, un fort déséquilibre entre la demande et l'offre de logement. Pour faciliter l'accès au logement et fluidifier le marché du travail, il est indispensable, dans ces secteurs géographiques, de libérer l'offre de foncier constructible à des conditions économiquement acceptables et d'encourager les maires bâtisseurs.

Jean-François Roubaud : « La croissance, grande absente des propositions des candidats »

Que faut-il faire pour améliorer l'efficacité du dispositif Action Logement ?

Jean-François Roubaud : L'accès au logement est progressivement devenu un véritable frein à l'emploi et donc à l'activité des entreprises. Une récente étude du Crédoc révèle que 70 % des Français refuseraient un poste s'il impliquait un déménagement. Plus inquiétant encore, l'étude précise que sur 4,6 millions de chômeurs, 11 % (soit 500 000 personnes) ont refusé un poste car il impliquait un déménagement. Ainsi, dans nombre de cas, la pression financière causée par un déplacement géographique et un déménagement ressort plus forte que l'espérance d'un gain salarial. Nous proposons donc l'instauration d'un crédit relais à 0 % et l'annulation des pénalités pour remboursement anticipé en cas de mobilité professionnelle subie, pour éviter les difficultés inhérentes à la revente. Action Logement pourrait être, aux côtés du monde bancaire, acteur de ce nouveau dispositif.

L'investissement dans l'immobilier non résidentiel correspond-il à un réel besoin en France ?

L'investissement dans l'immobilier non résidentiel correspond évidemment à un besoin réel dont l'importance n'est pas la même selon les zones géographiques. Mais de nouvelles formes de travail émergent, qui nécessiteront des réponses appropriées. L'immobilier influe nécessairement sur le bilan d'une entreprise, même s'il est évident qu'on peut ou non choisir d'en faire un élément de compétitivité en misant sur le long ou moyen terme. En tout état de cause, le flux d'épargne qui alimente notamment le secteur de la construction est indispensable et répond à un besoin évident. À nos yeux, il n'y a pas de contradiction entre le livret A et la mise en place d'un livret épargne industrie. La véritable question est plus large et concerne l'orientation des flux financiers vers la production plutôt que vers la spéculation.

Que faire face aux problèmes de financement des entreprises ?

Le renforcement des critères prudentiels conjugué aux difficultés des banques liées à leur niveau d'exposition à la dette grecque se traduisent d'ores et déjà par une tension sur le marché des crédits. Le niveau global des encours de crédit se maintient, mais les conditions sont plus strictes et pénalisent davantage les TPE / PME, dont certaines en viennent à renoncer à des investissements. Il est en outre à souligner, sur le crédit à court terme, le comportement de certaines banques qui coupent brutalement les découverts de PME ou pratiquent des taux purement scandaleux. Les entreprises ont besoin des banques comme les banques ont besoin des entreprises. Il nous faut, même si cela ne peut raisonnablement être considéré comme la panacée, réfléchir à l'extension de formules alternatives comme le cautionnement mutuel ou l'ouverture aux marchés pour les plus grosses PME.

Qu'est-ce qui vous semble important pour les PME dans les programmes des candidats à la présidentielle ?

Trois points forts me semblent des acquis à souligner :

  • les PME sont reconnues comme un levier de croissance et d'emploi par tous les candidats ;
  • la question du financement de la protection sociale sur une autre assiette que celle des revenus du travail est aujourd'hui clairement posée ;
  • la compétitivité de l'économie française fait partie des débats de la campagne.

Par contre, trois éléments sont inquiétants :

  • l'articulation entre la fiscalité locale et la fiscalité nationale semble ignorée ;
  • les programmes privilégient les nouveaux prélèvements pour financer, au mieux le désendettement, au pire des nouvelles dépenses, les mesures pour redynamiser la croissance étant quasiment inexistantes ;
  • la campagne entretient un climat d'incertitude qui freine l'investissement et décourage les embauches. Dernières « trouvailles » : l'alignement des cotisations des travailleurs non salariés sur celles des salariés, alors même que les prestations sont différentes, ou la non-déductibilité de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de l'impôt sur les sociétés.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-3/les-points-de-vue-de-l-interprofession.html?item_id=3170
© Constructif
Imprimer Envoyer par mail Réagir à l'article