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Les propositions de la FFB

1. Engager une réforme de la gouvernance locale en matière d'urbanisme et de foncier.
2. Pénaliser la rétention foncière.

Toutes les études sur les besoins l'attestent : il faut, pour résoudre la crise, mettre fin au déséquilibre entre l'offre et la demande et construire entre 400 000 et 500 000 logements par an. Faute de quoi, indépendamment des facteurs financiers, la demande continuera de peser sur les prix. Or, pour atteindre durablement un tel niveau de réalisation, il faut accroître l'offre foncière, ce qui se heurte à une dure réalité.

Le manque de terrains à bâtir est une antienne de tous les colloques, tribunes et articles depuis au moins 1950 sans forcer le trait. Les causes multiples de la pénurie seraient l'absence d'une politique foncière digne de ce nom, l'insuffisance de la « production foncière » par les collectivités territoriales, la multiplication des recours, la complexité toujours croissante de la réglementation, l'attentisme des propriétaires, ou, enfin, les insuffisances du système fiscal.

Pourtant, point trop rarement souligné, la pénurie n'est pas physique : l'espace urbain en France ne recouvre que 9 % du territoire national 1, soit l'une des densités les plus faibles d'Europe (28 % en Allemagne, 20 % en Italie et 29 % aux Pays-Bas). Il n'y a donc aucune saturation de l'espace. Il existe, même en zone urbaine, des terrains disponibles. Pour preuve, à Paris, alors que l'on déplore l'absence de terrains, on a trouvé pour le projet des Jeux olympiques de 2012 plus de vingt hectares rapidement mobilisables. De plus, au cours des vingt dernières années, le logement a représenté moins de la moitié de la consommation de terrain. Chaque année, environ 215 000 hectares de terrain ont été utilisés pour l'activité tertiaire, contre 55 000 à 70 000 pour le logement 2. Ainsi, l'offre foncière disponible, déjà insuffisante au regard des besoins, est en outre consacrée majoritairement à la construction de locaux non résidentiels, au détriment des logements. Or, pour ces premiers segments de marché, professionnels et décideurs n'invoquent que rarement la pénurie foncière.

La question de la régulation des marchés fonciers se trouve donc bien au cœur du sujet. Assurément, l'absence de pilote unique et cohérent des politiques foncières de la ville et du logement génère blocages et incohérences. De ce point de vue, il est éclairant de rappeler l'analyse et les propositions des états généraux du logement de mai 2010, portées par la quasi-totalité des acteurs du secteur :

« Les collectivités et leurs groupements doivent pouvoir mettre en œuvre les politiques du logement au plus près des besoins concrets, et il convient donc de renforcer la dimension locale des politiques de l'habitat par une territorialisation accrue de leur pilotage et de leurs moyens d'action.

Cette remise en ordre exige que les autorités locales disposent des moyens juridiques, humains et financiers cohérents avec les compétences qu'elles doivent exercer. Ces conditions sine qua non doivent donc être rapidement mises en place.

Un chef de file des politiques locales de l'habitat doit être identifié et chargé du pilotage et de la mise en œuvre des politiques de l'habitat. Cette autorité doit avoir la responsabilité politique d'organiser la fourniture d'une offre abordable et respectant la mixité sociale, celle d'organiser une offre d'insertion, la résorption de l'habitat indigne et, à terme, une responsabilité dans la mise en œuvre locale du Dalo (droit au logement opposable) 3. »

Aller en ce sens ne sera toutefois pas suffisant, car, en France, ce n'est pas parce qu'un terrain est déclaré constructible qu'on y construit 4. Il faut absolument que l'État mette en place de fortes incitations et/ou contraintes pour que les terrains constructibles disponibles soient effectivement affectés à l'urbanisation.

Engager une réforme de la gouvernance locale

La France est une exception en Europe. Au cœur du fonctionnement territorial et de la décentralisation de notre pays, nous trouvons 36 000 communes, héritières des paroisses de l'Ancien Régime et dont la taille s'avère aujourd'hui inadaptée aux exigences techniques et sociales des marchés. On peut citer en particulier la maîtrise du foncier et la délivrance des permis de construire.

Deuxième spécificité : la taille des départements. Fruits de la Révolution, ils ont été conçus pour permettre de faire le voyage à la préfecture en une journée à cheval !

Enfin, les régions françaises sont, par comparaison avec les régions des principaux pays européens, des « naines », non pas en population, taille, poids économique, mais en compétences et pouvoirs.

En bref, notre pays souffre de son organisation administrative territoriale. Le constat ne serait pas grave s'il n'était lourd de nombreux dysfonctionnements et blocages.

En nous limitant à un seul exemple, la gestion du foncier, le malthusianisme des maires répond à la volonté de leurs électeurs, qui s'affichent d'abord soucieux de protéger leurs actifs et leurs placements. Or, le prix d'un logement reflète d'abord sa localisation et son environnement. Les ménages, électeurs communaux, ont donc tendance à défendre leur voisinage, attitude à l'origine de nombreux blocages qui conduisent à alimenter la pénurie foncière. Tous les experts s'accordent a contrario à dire que l'échelon intercommunal, lorsqu'il correspond à un bassin d'habitat et/ou économique 5, paraît le plus adapté à une bonne gestion des politiques d'habitat, de la ville et foncière. Il faut y voir le souci de renforcer la qualité et l'efficacité des « autorités organisatrices ». Il ne s'agit pas en l'occurrence de supprimer la commune, mais de la cantonner à des tâches qui dégagent une réelle valeur ajoutée dans une gestion de proximité, comme l'état civil, les crèches, etc.

Les différents gouvernements ont bien engagé depuis les années 1990 un processus lent mais profond de réforme qui vise à :

  • faire émerger l'intercommunalité par petites touches, puisque le corps social des élus locaux, tous partis confondus, se refuse à l'amoindrissement de la commune et du département. C'est pourquoi le chantier est permanent et les textes se succèdent à cadence rapprochée. Il n'en reste pas moins que la tendance s'affiche clairement ;
  • fusionner progressivement départements et régions au profit des secondes. Là encore, la réforme se fait par petites touches, mais qui aurait pu imaginer, il y a dix ans, que les préfets de région auraient autorité sur les préfets de département, au même titre que les préfets de département « commandent » aux sous-préfets d'arrondissement ?

Dans le même temps, du fait de la décentralisation mais aussi sous l'impulsion de l'État, l'implication des collectivités locales dans la politique de l'habitat n'a cessé de croître. La loi "liberté et responsabilité" de 2004 a franchi un pas décisif en incluant la possibilité d'une délégation de compétences pour les aides à la pierre de l'État, en secteur locatif principalement. Plus d'une centaine de collectivités - des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) 6 pour la plupart - ont signé une telle convention.

Cette « déconcentralisation », selon un néologisme devenu fameux, a, dans les faits et conformément à la logique, fait émerger l'intercommunalité comme le chef de file naturel des politiques locales de l'habitat dans une grande fraction du territoire national. Cette légitimité « pratique » et fonctionnelle doit être élargie et sanctuarisée.

C'est pourquoi, en nous cantonnant au seul registre de la politique du logement, nous proposons une décentralisation accrue et un renforcement du rôle de l'intercommunalité. Ce n'est qu'à ce prix que la régulation des marchés permettra une production foncière suffisante et à un coût compatible avec les revenus des ménages. Élever les intercommunalités à la responsabilité d'« autorités organisatrices », responsables des PLU, de la politique foncière, de la politique de la ville, du financement de l'habitat et des droits au logement se heurte et se heurtera à de nombreux obstacles, intérêts et lobbies. Mais l'intérêt général, y compris au plan local, ne peut être appréhendé à l'échelle communale. C'est l'échelon intercommunal, dès lors qu'il correspond à un bassin d'habitat et/ou à un bassin économique, qui doit devenir l'espace de définition et de conception des politiques de l'habitat et de mixité sociale.

Une telle orientation est de rigueur car, même si les constructions à venir en zones déclarées centrales se densifient et si le recyclage des espaces déjà construits s'accélère, la satisfaction des besoins de nos concitoyens impose l'ouverture à l'urbanisation de terres agricoles ou d'espaces naturels.

Cette utilisation des sols largement vilipendée, pour ne pas dire condamnée, s'avère pourtant une nécessité à la fois physique et bien souvent financière (l'élargissement permet de réduire les coûts du foncier, ce qui est, en soi, une solution). Il faut toutefois veiller à ce que cette urbanisation se fasse de manière organisée et dans le plus grand respect possible des contraintes de la croissance soutenable. Bien entendu, une telle orientation ne signifie pas la disparition du champ logement de l'État, qui doit rester le garant de la solidarité nationale, de l'équité et de la bonne affectation des dispositifs mis en œuvre et de la cohérence entre territoires.

Pénaliser la rétention foncière

Une réforme de la taxation des plus-values immobilières est intervenue en 2011.

Principe de la réforme 2011 de la taxation des plus-values immobilières

Principe de la réforme 2011 de la taxation des plus-values immobilières

Source : FFB (d’après le 4e projet de loi de finances rectificative pour 2011 et la 4e loi de finances rectificative pour 2011).

Le nouveau régime adopté présente un avantage indubitable, puisqu'il exonère totalement les plus-values au-delà de 30 ans (contre 15 aujourd'hui) alors que, dans la proposition initiale du gouvernement, la taxation s'appliquait indépendamment de la durée de détention. Il faut noter également le fort abattement en base entre 25 et 30 ans.

A contrario, pendant les 5 à 15 premières années, l'abattement pour durée de détention, fixé à 2 %, s'avère de facto équivalent à une relative prise en compte forfaitaire de l'inflation. En d'autres termes, si, pendant 20 ans, l'inflation est inférieure à 2 % et/ou 3 %, le contribuable sera marginalement gagnant. À l'inverse, si l'inflation dépasse 2 et/ou 3 %, il sera perdant.

Cette réforme a été accompagnée de diverses mesures de tempérance qui tiennent pour l'essentiel à la qualité des personnes et non au bien.

Concernant les terrains à bâtir, les plus-values associées aux promesses de vente enregistrées avant le 25 août 2011, sous réserve d'un acte authentique signé avant le 1er janvier 2013, bénéficieront du régime de taxation antérieur, soit une exonération totale au bout des 15 ans. Par cette disposition, d'une certaine façon, le gouvernement reconnaît le caractère non vertueux du nouveau régime qui incite, plus encore que précédemment, à la rétention ! Il y a là l'aveu qu'il s'agit d'une disposition purement budgétaire, sans prise en considération de la dimension économique.

La non-cession des terrains constructibles (notion qui reste à définir précisément), ou la rétention foncière, doit être combattue et pénalisée financièrement. Nous proposons de :

1. Calculer la taxe foncière sur les propriétés non bâties, non plus sur la valeur locative cadastrale, mais sur la valeur vénale. La première reflète la valeur du bien dans les années 1960 et, surtout, n'intègre pas l'usage potentiel du terrain. Il n'est pas normal que des terrains constructibles soient taxés comme de la terre agricole ou des friches, dont la valeur est cent fois inférieure à leur prix réel de marché. Une simple révision des valeurs administrées ne saurait donc suffire ;

2. Réviser totalement la taxation sur les plus-values, car à ce jour elle est inappropriée. Elle est de fait dégressive dans le temps, pour un bien détenu entre six et trente ans, puis nulle au-delà. Nous proposons d'inverser cette logique, en exonérant au titre des plus-values toute cession la première année d'un terrain classé constructible, puis en taxant 10 % de la plus-value la deuxième année, 20 % la troisième, etc. Ainsi, au bout de dix années et de manière invariante dans le temps, la plus-value dégagée serait entièrement taxable. Un tel dispositif devrait inciter à la cession au plus vite des terrains classés constructibles.

  1. Voir les travaux du Conseil d'analyse économique, « Créativité et innovation dans les territoires », août 2010.
  2. D'après le système de comptabilisation des mises en chantier (bases de données Sirocco, Siclone, Sitadel et Sit@del2) du ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.
  3. « 115 propositions pour renouveler la politique du logement », états généraux du logement, 4 mai 2010, p. 18. Sur les aspects prix, voir également M. Wiel, « La question du logement, symptôme de l'inefficacité de notre organisation institutionnelle », HCL, 19 septembre 2011.
  4. Vincent Renard, Le logement malade du foncier, interview à « Alternatives économiques », n° 244, avril 2006.
  5. Le cas de l'Ile-de-France se distingue.
  6. Étaient concernés également une petite trentaine de départements.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-3/les-propositions-de-la-ffb.html?item_id=3165
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