est conseiller scientifique Energie-Environnement à l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets) et président du groupe Véhicules propres et économes du Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres (Predit).
Des transports très gourmands
Ce secteur consomme près de 50 millions de tonnes par an de produits
pétroliers en France, un volume qui va en s’accroissant. Les solutions
visant à renverser la tendance sont encore assez lointaines...
L‘évaluation des perspectives de la consommation d’énergie, et du type d’énergie nécessaire aux moyens de transports doit s’appuyer sur l’analyse du passé et de la situation actuelle. En effet, le « système transports » résulte d’un ensemble d’éléments intimement liés et portant sur la technologie des véhicules, les usages et les raisons de ces usages ; et parmi les raisons de ces usages, le type d’urbanisation constitue un élément essentiel. Tout cela permet de mieux éclairer les perspectives en terme d’énergie pour les transports d’ici à l’horizon 2030-2050.
Dépendants du pétrole
Au niveau mondial, ainsi que le résume l’OCDE :
- le transport (route, air, rail, eau), dépend actuellement pour 96 % des carburants issus du pétrole,
- le pourcentage des émissions mondiales de CO2 imputables au transport est passé de 19,3 % en 1971 à 24 % en 2000, et ce pourcentage continue d’augmenter,
- en 2000, le transport routier était responsable de 18 % des émissions totales de CO2 dans le monde, et de 23 % dans les pays de l’OCDE,
- enfin, l’utilisation de carburants de remplacement – comme le gaz de pétrole liquéfié (GPL), le gaz naturel comprimé (GNC) ou les biocarburants –, dans le secteur des transports n’est pas significative.
En France, la consommation globale de produits pétroliers est actuellement de l’ordre de 90 Mt, dont 15 à 16 Mt sont des produits non-énergétiques (matières premières pétrochimiques, bitumes, lubrifiants industriels...). Les produits pétroliers énergétiques (chauffage, énergie, transport,...) comptent pour 75 Mt. Les produits pétroliers servant au transport correspondent à des quantités croissant lentement, mais régulièrement, à la fois en pourcentage, mais aussi et surtout en valeurs absolues.
Pour ce qui concerne le transport de marchandises, il est réalisé en France actuellement à hauteur de plus de 75 % (en tonnes-km) par la route, alors que cette part n’était que de l’ordre de 60 % au début des années 80. Or, ce pourcentage tend encore à augmenter. La part du rail est de l’ordre de 22 % et la voie d’eau ne représente que 3 %.
Cette situation est identique dans tous les pays européens, avec des parts respectives variables entre modes, mais avec une évolution vers la prééminence du transport de marchandises par la route : sa part dépasse maintenant les 70 % en Europe.
La suprématie « historique» de l’essence et du gazole
Tout d’abord, on doit s’interroger sur les raisons de l’emploi généralisé d’essence et de gazole pour les véhicules de transport : autos, camions, avions, trains à motorisation diesel, bateaux...
Au tout début de l’automobile, on a vu coexister des engins à vapeur, des engins tout électriques avec batteries, des engins à moteur à pistons : le plus propre et le plus rapide était électrique, et pourtant... il ne réussit pas à satisfaire le marché, alors que très rapidement les véhicules à essence et à gazole l’emportèrent.
Les raisons sont simples car avec l’essence et le gazole :
- le contenu énergétique massique et volumique est sans concurrence, même et surtout si l’on intègre le poids du réservoir,
- le remplissage du réservoir est très rapide,
- le carburant est liquide à la température ambiante,
- les mesures de sécurité à respecter ne sont pas trop contraignantes,
- la fabrication, le stockage et la distribution sont bien au point...
Dès la fin du XIXe siècle, les techniciens avaient déjà « choisi » des carburants liquides issus du pétrole.
Comment va-t-on évoluer ?
Deux contraintes sont maintenant présentes face à l’emploi de carburants issus de réserves fossiles : la limitation des rejets de gaz à effet de serre (dont principalement le CO2) et la limitation des réserves de pétroles, classiques et non-conventionnels.
Les moyens d’action vont donc porter sur deux volets :
La réduction de la consommation unitaire des véhicules
Les techniques pour réduire la consommation en litres/100 km sont connues :
- réduction de la cylindrée des moteurs, et donc de la puissance et des performances« sur circuit » des véhicules,
- développement de véhicules à motorisations hybrides thermiques-électriques,
- optimisation du fonctionnement des auxiliaires, très forts consommateurs d’énergie.
Ces évolutions auront lieu avec des moteurs thermiques « classiques » utilisant des carburants issus du pétrole.
L’emploi d’autres « carburants »
La liste est très longue « sur le papier », mais elle est en fait très réduite quand on analyse les contraintes d’emploi.
Deux stratégies doivent être menées de front : le carburant alternatif qui peut bénéficier à tout le parc essence ou diesel existant et le carburant alternatif qui exige une modification technique importante, voire totale, au niveau du véhicule et du réseau de distribution.
Diverses options de carburants
Les carburants pouvant être utilisés sans modification du moteur existant, sont : l’éthyl-ter-butyl-éther (ETBE) provenant de la biomasse, et qui peut être ajouté à l’essence jusqu’à 10-12 % ; le diester de colza, provenant de la biomasse et qui peut être ajouté au gazole à hauteur de 30 % ; l’essence et le gazole « de synthèse » issus du charbon dont les réserves sont très importantes, mais dont la fabrication est peu compatible avec les contraintes environnementales...
Les carburants pouvant être utilisés avec des modifications limitées sont : le gaz de pétrole liquéfié (GPL), mais il est issu des process pétroliers et gaziers ; le gaz naturel comprimé, qui pose les problèmes d’émissions de gaz à effet de serre ; l’hydrogène, utilisé dans les moteurs classiques.
Un carburant serait utilisable avec une refonte totale du groupe moto-propulseur : l’hydrogène en fonctionnement avec une pile à combustible.
Cette dernière solution est certainement la voie de l’avenir, à condition que l’hydrogène soit produit par voie électrochimique à partir d’électricité « renouvelable ».
L’échéance n’est pas encore prévisible ; il reste beaucoup à faire en terme de développement. En attendant, il faut améliorer les systèmes existants dans le sens d’une réduction notable de la consommation de carburants essence et gazole : beaucoup est encore possible...
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-11/des-transports-tres-gourmands.html?item_id=2601
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