Sommaire N°9

Novembre 2004

Brigitte POUSSEUR

Avant-propos

Energie : un risque de pénurie ?

Bertrand CHÂTEAU

Quelles ressources mondiales pour quelles consommations ?

Jacques PERCEBOIS

La hausse des coûts semble inéluctable

Claude MANDIL

Investir pour l’énergie de demain

Richard LAVERGNE

La politique énergétique française depuis trente ans

Bernard LAPONCHE

Risques et contradictions de la politique énergétique française

Charles BEIGBEDER

L’ouverture du marché de l’électricité,
une opportunité pour les entreprises françaises

Jochen DIEKMANN

Allemagne : vers un développement durable sans le nucléaire

Ernst WORRELL

Etats-Unis : des «pionniers» montrent l’exemple

Lennart BODÉN

La Suède affiche ses ambitions

Anjali SHANKER, Samuel WATCHUENG, Pierrick YALAMAS

Les enjeux de l’électrification dans les pays en développement

Bernard BIGOT

Fusion thermonucléaire : les promesses d’ITER *

Raymond SENÉ

La fusion thermonucléaire : un défi, mais que de bluff !

Michel SPIRO, Hubert DOUBRE

Les avancées de la recherche sur les déchets nucléaires

Philippe CHARTIER

Perspectives et enjeux des énergies renouvelables

Benjamin DESSUS

Faut-il croire aux utopies technologiques ?

Guy POQUET

Habitat et transports : une difficile réduction des consommations en France

François DEMARCQ

Lutte contre l’effet de serre : le Bâtiment en première ligne

Olivier SIDLER

Construire un futur énergétique pérenne

Jean DELSEY

Des transports très gourmands

Thierry CHAMBOLLE

Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’industrie ?

Quel devenir pour les entreprises artisanales

Jean-Yves ROSSI

Un « groupe » en devenir en Europe

François MOUTOT

Un secteur à part entière en France

Michel MARCHESNAY

L’artisanat dans un monde hypermoderne

Robert FOUCHET

Du soutien à la TPE au soutien au territoire

Christian MARBACH

Les défis à relever par les très petites entreprises

Didier LIVIO

De l’artisan à l’entreprise artisanale

Gaston JOUFFROY

Le « sens » de l’artisan

Jacques BARTHÉLÉMY

Des cadres juridiques nouveaux pour les TPE

Pierre RIVARD

Les trois visages de l’artisan du Bâtiment

PIERRE CHEMILLIER

Qualification et certification : quels progrès dans le Bâtiment ?

Jochen DIEKMANN

est chercheur à l’Institut de recherche économique de Berlin, DIW.

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Allemagne : vers un développement durable sans le nucléaire

La politique énergétique allemande vise trois objectifs reconnus : la sécurité, l’efficacité économique et la compatibilité environnementale. Toutefois, il existe d’importantes divergences de points de vue au sein de l’opinion publique et des milieux politiques quant à la pondération de chacun de ces objectifs et aux approches stratégiques qui en découlent.

Les principaux sujets de controverse portent sur les objectifs d’atténuation du changement climatique, l’avenir de l’énergie nucléaire, les subventions à l’industrie du charbon, le rôle des énergies renouvelables, ainsi que sur le bon ajustement des politiques en faveur du développement durable1. Ces questions, qui ont fait l’objet de nombreux débats lorsque le Plan national d’attribution 2005-2007 pour le commerce des émissions de gaz à effet de serre a été développé, sont encore plus pertinentes dans le cadre du développement d’un système énergétique à long terme.

Des ressources naturelles limitées

En dépit de certaines conditions plutôt défavorables de la structure énergétique du pays, le gouvernement allemand s’est fixé des objectifs ambitieux en matière d’énergie et d’environnement, notamment réduire de 21 % les gaz à effet de serre d’ici à la fin 2008 par rapport à 1990 ; abandonner progressivement l’énergie nucléaire au cours des vingt prochaines années ; réduire les subventions à l’industrie du charbon ; multiplier par deux la production d’énergies renouvelables d’ici à 2010 (et plus encore au cours des décennies à venir) ; et, enfin, améliorer progressivement l’efficacité énergétique dans le secteur de l’énergie mais aussi dans la consommation des ménages, les transports, les services et l’industrie.

En ce qui concerne la consommation d’énergie primaire aujourd’hui en Allemagne2, l’huile minérale arrive en tête avec une part totale de 36,4 %. Près de la totalité du pétrole doit être importée. En raison de la forte demande du secteur des transports, la diminution des importations s’avère difficile. De même, la consommation de gaz naturel (22,5 %) repose principalement, et de plus en plus, sur les importations. Actuellement, la consommation de gaz dans les centrales augmente et excède les économies d’énergie finale.

La houille et le lignite (25,1 %) sont les principales sources d’énergie du pays, mais aussi celles qui émettent le plus de CO2. De plus, en raison de coûts très élevés, la production nationale de houille est de plus en plus remplacée par les importations. L’énergie nucléaire représente actuellement 12,6 % de la consommation d’énergie primaire et 27,6 % de la production d’électricité. Dans le cadre du retrait progressif de cette énergie, les installations existantes doivent être remplacées par d’autres technologies. Or, les sources d’énergies renouvelables (y compris le traitement des déchets) représentent jusqu’à présent 3,4 % de la consommation, essentiellement grâce à l’énergie hydraulique – dont le potentiel additionnel est très limité en Allemagne –, à la combustion conventionnelle de la biomasse et à l’utilisation croissante de l’énergie éolienne.

Les possibilités futures en matière d’économies d’énergie et d’utilisation rationnelle de l’énergie revêtent par conséquent une importance particulière. Au cours des dix dernières années, la consommation d’énergie primaire en Allemagne est restée plus ou moins constante en raison d’une augmentation moyenne de l’efficacité énergétique de 1,3 % par an, qui a compensé l’effet de la croissance économique. Pour réduire le niveau absolu de la consommation d’énergie, l’efficacité énergétique doit encore être nettement améliorée.

S’attaquer aux changements climatiques

Douze ans après la déclaration de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques à Rio de Janeiro, et sept ans après la formulation du protocole de Kyoto, les émissions globales de gaz à effet de serre continuent d’augmenter3. En Allemagne, les émissions de dioxyde de carbone ont enregistré une baisse considérable de 15 % entre 1990 et 2003, notamment en raison de la restructuration complète de l’économie de l’Allemagne de l’Est au début des années 90. Malgré cela, l’objectif de réduction initial très ambitieux de 25 % à l’horizon 2005 ne sera pas atteint4. Toutefois, ayant déjà réduit les émissions totales de gaz à effet de serre de 19 % à ce jour, l’Allemagne est bien partie pour tenir ses engagements européens pour la période 2008-2012.

Au-delà de l’horizon fixé par le protocole de Kyoto, des réductions supplémentaires seront nécessaires pour limiter le changement climatique. En conséquence, le gouvernement allemand s’est fixé un objectif de réduction de 40 % d’ici à 2020, à condition que l’Union européenne annonce un objectif de réduction de 30 %.

Ces dernières années, le gouvernement allemand a mis en place un ensemble de mesures en matière de changement climatique, notamment une réforme fiscale écologique, des normes d’économies d’énergie, un programme de promotion en faveur de la production conjointe de chaleur et d’énergie et le développement des énergies renouvelables. Toutefois, des efforts supplémentaires seront indispensables pour atteindre des objectifs satisfaisants à long terme. Le commerce des émissions en Europe ainsi que l’utilisation des dispositifs flexibles du protocole de Kyoto agiront pour une grande part en faveur de l’atténuation du changement climatique mais ne peuvent pas remplacer les efforts de chacun au niveau national.

Même si l’amélioration de l’efficacité énergétique dans tous les secteurs est une condition préalable au développement durable, il faut par ailleurs accroître l’utilisation des énergies renouvelables. Ceci nécessite des mesures de soutien financier, telles que des prix minimum garantis et des subventions pour accélérer la pénétration de ces énergies sur le marché national et obtenir des réductions de coûts.

Miser sur les énergies renouvelables

Les énergies renouvelables représentent actuellement 8 % de la production énergétique allemande grâce à la mise en œuvre de la législation en matière de politique énergétique et d’énergies renouvelables de 1990 et 2000, amendée en 2004. Les mesures prises se sont avérées très efficaces, en particulier en ce qui concerne le développement de l’énergie éolienne.

Dans le cadre de la directive européenne de 2001 sur les énergies renouvelables, le gouvernement allemand a confirmé son objectif de 12,5 % d’ici à 2010. De plus, la loi de 2004 vise un objectif de 20 % pour la production d’énergies renouvelables à l’horizon 2020. Ce scénario implique le recours obligatoire à toutes les technologies de l’électricité renouvelable, une stratégie particulière destinée aux installations offshore d’énormes éoliennes, ainsi que des mesures d’ajustement dans le secteur de l’électricité.

D’ici au milieu du siècle, l’utilisation des sources d’énergies renouvelables pour la production d’électricité, de chaleur et de carburant pourrait même représenter la moitié de la consommation d’énergie primaire en Allemagne5. La démarche du ministre de l’Environnement allemand implique donc une stratégie continue à long terme.

Un retrait progressif de l’énergie nucléaire

L’abandon de l’énergie nucléaire a fait l’objet de nombreux débats en Allemagne dans les années 80 et 90. La principale question était de savoir en combien de temps une telle opération pourrait être réalisée. Le retrait progressif de l’énergie nucléaire était l’élément central du contrat de coalition « rouge/vert » de 1998. Sur la base d’un engagement entre le gouvernement et l’industrie de l’électricité en 2000 et d’un amendement relatif à l’énergie nucléaire, en vigueur depuis avril 2002, un programme flexible à long terme a été mis en place. Les nouvelles installations sont désormais interdites, mais certaines structures existantes sont davantage utilisées.

Ces décisions politiques reposaient essentiellement sur des problèmes de sécurité et l’absence d’acceptabilité sociale, mais, au cours des dernières années, aucun projet de centrale n’a vu le jour en raison du contexte économique. Dans les conditions actuelles des marchés libéralisés de l’électricité, les technologies nécessitant des investissements moins lourds, telles que les centrales au gaz, sont plus compétitives.

Le retrait progressif de l’énergie nucléaire en Allemagne ne pose donc pas de problème d’un point de vue économique. Cependant, il faut noter que ce retrait progressif implique non seulement la nécessité d’installer d’autres sites de production d’électricité, mais également de fournir davantage d’efforts pour réduire les émissions de dioxyde de carbone6.

Des défis à venir

La politique énergétique allemande devra relever plusieurs défis à court et long terme :

  • Dans le cadre du processus de libéralisation du marché de l’énergie, l’Allemagne a ouvert le marché de l’électricité. à présent, le gouvernement doit mettre en place une nouvelle régulation efficace de l’électricité et du gaz et créer un organisme de régulation.
  • Suite à la mise en œuvre actuelle du plan d’attribution relatif au commerce des émissions pour la période 2005-2007, le gouvernement doit préparer un nouveau plan pour la période 2008-2012 prévue par le protocole de Kyoto.
  • Les objectifs à long terme et certains objectifs spécifiques relatifs notamment à la réduction des émissions doivent faire l’objet de débats au niveau national et international.
  • La nécessité de coordonner différents instruments généraux et spécifiques à certains secteurs de la politique énergétique et environnementale prend de l’importance.
  • Au cours des décennies à venir, un nombre croissant de centrales devront être remplacées. Ce défi économique et énergétique particulier permettra de moderniser la structure de l’approvisionnement énergétique en tenant compte des changements structurels et des futurs progrès dans l’intégration de l’Union européenne.
  • L’amélioration de l’efficacité énergétique et l’utilisation des sources d’énergies renouvelables constituent une mission à long terme qui nécessitera la mise en place de nouvelles mesures conformes aux autres approches et aux cadres communs de l’Union européenne.
  • Enfin, il faut souligner que les mesures en faveur de la recherche et du développement dans les domaines de l’efficacité énergétique et des technologies propres sont nécessaires pour poursuivre une stratégie de développement durable à long terme.

L’approvisionnement énergétique en Allemagne reposera encore principalement sur les combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz dans les décennies à venir ; mais les technologies modernes contribueront à l’efficacité énergétique et à la réduction des coûts, tandis que la part des énergies renouvelables dans une consommation d’énergie primaire en baisse augmentera progressivement. Ceci permettra de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre dans le futur. Toutefois, il faudra redoubler d’efforts en matière de politique énergétique et environnementale pour mettre en pratique les scénarios de développement durable.

  1. Rapport d'enquête de la Commission du Bundestag sur le developpement durable, 2002
  2. La stagnation de la consommation d'énergie primaire en Allemagne, F. Wittke et H.-J. Ziesing, Rapport hebdomadaire du DIW, 7/2004.
  3. Les émissions de gaz à effet de serre en hausse globale : pas de renversement de tendance en vue, H.-J. Ziesing, Rapport hebdomadaire du DIW, 9/2003
  4. Les émissions de CO2 en 2003 en Allemagne : une légère augmentation due à l'inflence de la météo, H.-J. Ziesing, Rapport hebdomadaire du DIW, 10/2004
  5. Le développement optimisé du point de vue écologique de l'utilisation des énergies renouvelables en Allemagne, Ed. BMU, Avril 2004
  6. Scénarios de politiques d'atténuation du changement climatique, DIW, FZ Juelich, FhG-ISI, Oeko-Institut, Etude menée pour le ministère de l'Environnement allemand, 2004
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2004-11/allemagne-vers-un-developpement-durable-sans-le-nucleaire.html?item_id=2585
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