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Nicolas JACQUET

est délégué à l'Aménagement du territoire et à l'action régionale (Datar)

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L’avenir européen des territoires français

A un an de l’élargissement, le délégué à l’Aménagement du territoire explique l’intérêt des partenariats européens pour les collectivités de l’Hexagone dotées de nouvelles compétences à l’avenir.

Qu’entendez-vous en 2003 par « aménagement du territoire » ?

Nicolas Jacquet : Aménager le territoire, c’est penser l’avenir. Avec la décentralisation, on peut reprendre cette formule en disant : « Aider les territoires à définir leur avenir. »

Quand la Datar a été créée, il y a quarante ans, le contexte était tout à fait différent : il s’agissait d’abord de favoriser un meilleur équilibre du territoire en évitant une trop forte concentration des richesses humaines et économiques en Ile-de-France. On peut penser que la politique d’aménagement du territoire a contribué à éviter le scénario de l’inacceptable : Paris face au désert français.

Aujourd’hui, la région Ile-de-France a stabilisé la croissance de sa population qui serait même en diminution sans un solde migratoire positif. La France dispose de métropoles régionales qui ont pris du poids, d’un bon réseau routier et autoroutier et de véritables pôles de compétences ; nous sommes donc moins dans la logique de la « toile d’araignée ». Les débats sur Paris face au désert français ou de l’urbain face au rural me semblent donc dépassés.

Qu’est-ce qui vous semble d’actualité si cela est dépassé ?

La nouvelle donne de l’aménagement du territoire, aujourd’hui, c’est l’Europe. Vous ne pouvez plus raisonner en termes franco-français : il suffit de regarder une carte pour s’en persuader ! Nos frontières se sont estompées. Nous sommes à un an de l’élargissement ; c’est un véritable enjeu : nous allons accueillir dix nouveaux pays dont le PIB représentera 8 % de celui de l’Union européenne mais la population 17 % de celle de l’Europe. La France comptera encore pour 14 % du territoire d’une Europe à vingt-cinq, pour 13 % de sa population et 16 % de son PIB.

Nous avons un grand territoire attractif mais il ne faudrait pas tomber dans l’écueil d’un grand territoire touristique ni faire de la France le lieu d’une nouvelle conquête de l’Ouest pour des populations au niveau de vie inférieur au notre. Penser l’avenir dans ce cadre, ce sera donc aider l’Europe à faire face à une nouvelle compétition, concevoir des politiques tournées vers le développement économique, et pas seulement le transfert de fonds publics ; aider nos territoires à se fortifier en utilisant les différents outils de l’aménagement territorial : investissements structurants, recherche, formation supérieure…

La faible densité de la population française ne constitue-t-elle pas un handicap ?

On ne part pas d’une logique de population. Ce n’est pas que le poids d’une population qui fait la force d’un pays. Il faut certes intégrer les paramètres démographiques mais notre souci n’est pas d’avoir des régions plus peuplées : il s’agit de raisonner en termes de savoir-faire et de conforter nos villes et nos régions dans leurs domaines de compétences là où elles sont dans une logique de rayonnement européen. Cela concerne aussi bien des pôles de compétences de taille modeste qu’il faut fortifier.

L’axe prioritaire de la politique de décentralisation menée par le gouvernement, c’est bien la Région ?

Oui. Décentraliser, c’est donner un peu plus de liberté aux collectivités et, au premier chef, aux Régions. La Région est la collectivité de base pour l’aménagement du territoire : de par la loi, c’est elle qui dispose de la compétence de développement économique et d’aménagement territorial. C’est pourquoi le Premier ministre a évoqué le couple Etat/Région pour bâtir la cohésion du territoire. Mais ensuite, tout doit partir du territoire. C’est à chaque territoire de faire valoir ses compétences en dressant un diagnostic territorial, avant de dire où il veut aller et de délimiter ses projets majeurs structurants. Ce sera alors à la Région et à l’Etat d’apporter leur soutien : nous sommes en dynamique ascendante !

Décentraliser signifie également modifier la répartition des compétences.

Avec la deuxième étape de la décentralisation, l’Etat va se recentrer sur ses priorités et transférer des pouvoirs substantiels aux collectivités. Tout cela se mettra en place dans les mois qui viennent, mais l’Etat ne va pas continuer à tout faire en matière d’aménagement du territoire !

Aujourd’hui, nous raisonnons en termes de bassins d’emploi, de bassins de vie, de pays. Nous voulons également entrer dans la logique des partenariats avec d’autres pays européens voisins pour nouer des alliances sur des problématiques communes, c’est-à-dire créer de « petites Europe ». C’est la logique de l’arc Atlantique, de l’arc méditerranéen, des zones de montagne, des régions transfrontalières ou des espaces sensibles, par exemple. Dans une Europe à vingt-cinq, le fait de travailler avec des pays voisins sur des problématiques communes nous rendra plus forts. Regardez l’agglomération de Lille : à elle seule, elle compte un million d’habitants. Si l’on y ajoute l’agglomération belge voisine, on passe à 1,7 million !

Quels outils allez-vous utiliser pour mener à bien vos ambitions ?

Le Comité interministériel d’aménagement du territoire du 13 décembre 2002 a défini les orientations de la politique d’aménagement du territoire. Celui prévu pour juin 2003 décidera des outils.

A priori, la contractualisation restera un outil de base de notre politique mais il faut établir un nouveau mode de contractualisation reposant sur un vrai équilibre entre les contractants et non imposé par l’Etat. Ces contrats auront une durée plus limitée que les actuels contrats de Plan Etat/Régions (sept ans, c’est trop) et ne seront pas nécessairement tous identiques comme c’est le cas actuellement.

La solidarité nationale est un point particulièrement épineux du dispositif...

Nous allons imaginer une péréquation pour réduire les inégalités entre territoires. Nous suggérerons des critères permettant d’évaluer les forces et faiblesses des Régions et les écarts entre elles : par exemple, le nombre de cadres de haut niveau, les équipements de santé, les équipements de recherche… Un Observatoire des territoires va être mis en place pour dresser un état des lieux des inégalités territoriales qui sera présenté au Parlement tous les trois ans.

Nous voulons proposer une logique dynamique d’aménagement : si l’Etat recentre ses priorités, ne devra-t-il pas consacrer plus d’énergie à ce qui fera croître le PIB, c’est-à-dire la richesse de la Nation, qu’à des dépenses de fonctionnement ou à des investissements de confort ?

La décentralisation doit être un moteur pour la réforme de l’Etat. Mais tout cela prendra du temps car il faut s’assurer des délais adéquats pour faire bouger un pays.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2003-2/l-avenir-europeen-des-territoires-francais.html?item_id=2461
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